La nuit enveloppait Sunstown d’un voile d’incertitude, les étoiles masquées par des nuages épais. Shelby suivait Brade à travers les ruelles sombres de la ville, leurs pas silencieux sur le bitume usé. Les lumières vacillantes des camionnettes aperçues plus tôt s’étaient éloignées, mais l’atmosphère restait lourde, comme si la peur des habitants s’était infiltrée dans l’air lui-même. Chaque regard croisé, chaque murmure entendu dans les rues renforçait l’urgence de la situation. Les Veilleurs de Victor Kane resserraient leur étau, et la meute devait agir vite.De retour à la ferme abandonnée, la meute s’était réunie dans la grange, transformée en quartier général improvisé. Des cartes de la région étaient étalées sur une table bancale, annotées de marques indiquant les zones où les chasseurs avaient été repérés. Lira, bien que toujours affaiblie, participait à la discussion, son bras bandé mais son regard déterminé. Kael arpentait la pièce, incapable de rester immobile, tandis que Mar
Le lendemain matin, Sunstown bourdonnait d’une tension inhabituelle. Les rues, d’ordinaire paisibles, étaient animées de murmures nerveux. Les habitants s’échangeaient des regards furtifs au diner, à l’épicerie, ou près de la fontaine de la place centrale. Shelby, emmitouflée dans un sweat à capuche pour cacher les cernes sous ses yeux, marchait aux côtés de Brade vers le refuge de la meute, une vieille ferme abandonnée à la lisière de la forêt. La nuit précédente avait laissé des traces : Lira était encore faible, soignée par Mara, et la meute était sur les nerfs, divisée sur la façon de répondre à la menace des Veilleurs.Mais ce n’était pas seulement la meute qui inquiétait Shelby. En traversant la ville, elle avait surpris des bribes de conversations qui lui serraient le cœur. — T’as entendu ? Un autre mouton égorgé près de la rivière, chuchotait une femme à l’épicerie. — C’est pas naturel, répondait son amie. Mon cousin dit qu’il a vu des traces… comme celles d’un loup, mais pl
Le vent s’était levé dans la forêt de Sunstown, portant avec lui une odeur de fer et de cendres. Shelby et Brade avaient regagné la clairière où ils s’entraînaient, mais l’atmosphère avait changé. L’euphorie de la maîtrise de Shelby s’était dissipée, remplacée par une tension palpable. La rencontre avec Victor Kane avait planté une graine d’inquiétude, et chaque craquement dans les buissons, chaque ombre dansant sous la lune semblait maintenant chargé de menace.Brade s’arrêta près d’un vieux chêne, son regard scrutant les ténèbres. Shelby, encore secouée par les paroles de Victor, s’efforçait de rester concentrée. Elle sentait son loup, toujours à la surface, prêt à répondre à la moindre alerte. Mais cette fois, il y avait autre chose, une sensation de danger imminent, comme si la forêt elle-même murmurait un avertissement.— Ils ne vont pas s’arrêter, n’est-ce pas ? demanda Shelby, sa voix basse mais ferme.Brade secoua la tête, ses yeux ne quittant pas l’horizon.— Victor ne plaisa
La forêt s’était refermée derrière Shelby et Brade, les ombres des pins avalant les traces de leur fuite. Les chasseurs, ligotés à la hâte avec des cordes trouvées dans leurs propres sacs, avaient été laissés à bonne distance, assez loin pour ne pas représenter une menace immédiate. Mais Shelby savait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne reprennent leur traque. Son cœur battait encore à tout rompre, l’adrénaline de l’affrontement se mêlant à une étrange euphorie. Elle avait tenu tête à un chasseur. Elle avait maîtrisé son loup. Pourtant, un malaise persistait, comme une ombre plus lourde que la nuit.Brade marchait à ses côtés, silencieux, son regard scrutant les environs. Ils s’étaient arrêtés près d’un ruisseau, l’eau scintillant sous la lumière de la pleine lune. Shelby s’accroupit pour s’asperger le visage, espérant calmer la tempête d’émotions qui l’agitait. — Ils vont revenir, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, brisant le silence.Brade hocha la tête, son express
La forêt semblait s’être tue, comme si chaque arbre, chaque feuille retenait son souffle. Shelby, immobile à côté de Brade, fixait les buissons d’où provenait l’odeur musquée. Ses sens, encore vibrants de sa transformation partielle, captaient des détails qu’elle n’aurait jamais remarqués avant : un frottement de tissu, un cliquetis métallique à peine audible, et une odeur nouvelle, plus âcre, comme celle de la sueur humaine mêlée de fer. Ce n’était pas un loup-garou. C’était autre chose.Brade lui fit un signe discret, lui intimant de rester silencieuse. Il s’accroupit légèrement, ses yeux scrutant l’obscurité avec une intensité féline. Puis, dans un murmure presque inaudible, il confirma ses soupçons :— Ce ne sont pas des loups. Ce sont des chasseurs.Le mot frappa Shelby comme un coup de vent glacé. Des chasseurs. Elle avait entendu des rumeurs à Sunstown, des histoires chuchotées dans les diners ou au lycée, des légendes sur des hommes et des femmes qui traquaient les créatures d
La pleine lune s’élevait au-dessus de Sunstown, baignant la forêt de pins d’une lueur argentée qui semblait vibrer d’une énergie ancienne. Shelby se tenait au centre du cercle de cèdre tracé par Brade, les pieds nus enfoncés dans la terre fraîche. L’air était chargé d’une odeur de résine et de mousse, et une brise légère faisait frissonner les feuilles autour d’elle. Ce soir, c’était différent. Ce n’était plus seulement une leçon. C’était un test.Les jours précédents avaient été épuisants. Brade l’avait poussée à explorer ses sens, à affiner ses réflexes, à écouter cette part d’elle qu’elle appelait encore timidement « son loup ». Chaque matin, elle s’était réveillée plus forte, plus connectée à cette énergie brute qui coulait dans ses veines. Les cauchemars s’espaçaient, remplacés par une étrange clarté, comme si son esprit s’ouvrait peu à peu à sa nouvelle nature. Elle n’était plus seulement Shelby Elkson, l’adolescente hésitante. Elle devenait autre chose. Quelque chose de plus gr