DavidLe matin arrive, mais la lumière du jour ne dissipe pas l’ombre qui pèse sur moi.Je reste assis sur mon lit, fixant mes bras.Ces veines noires qui serpentent sous ma peau, comme des racines d’un arbre maudit, sont la preuve que je n’ai pas rêvé. Que cette nuit d’horreur a bien eu lieu.Je me lève lentement.Dans la maison, le silence règne.D’habitude, mon grand-père est déjà debout à cette heure, sa voix résonnant dans la cour. Mais aujourd’hui, il n’y a rien.Quelque chose ne va pas.Je sors de ma chambre.Chaque pas que je fais semble résonner plus fort que d’habitude, comme si la maison elle-même retenait son souffle.Dans le salon, je le vois.Mon grand-père est assis, le regard perdu dans le vide.— Grand-père ?Il ne répond pas.Je m’approche, lentement. Son visage est fermé, plus grave que jamais.— Elles t’ont marqué, murmure-t-il.Je me fige.Il l’a vu.Je n’ai même pas besoin de lui montrer mes bras, il sait.— Elles t’ont trouvé, poursuit-il. Je t’avais prévenu, Da
DavidLe rire du Corbeau me vrille les tympans. Il résonne dans l’air comme un écho venu d’un autre monde, un son qui semble exister en dehors du temps. Je suis toujours à genoux, le souffle court, la douleur irradiant mon bras comme un feu intérieur.Elles m’entourent.La Mouche Tsé-Tsé est silencieuse, immobile, son regard fixé sur moi avec une intensité glaciale. Le Hibou, elle, esquisse un sourire à peine perceptible, mais ses yeux noirs semblent sonder mon âme.— David, souffle le Corbeau. Tu peux encore lutter, mais à quoi bon ?Je serre les poings, ancrant mes doigts dans la terre froide et poussiéreuse sous moi.— Je ne suis pas des vôtres.— Tu l’es déjà, réplique-t-elle avec douceur, comme si elle parlait à un enfant capricieux. Tu le sens, n’est-ce pas ? La marque en toi s’étend, elle t’appelle.Je baisse les yeux.Les veines noires serpentent plus loin sur ma peau, remontant lentement vers mon cou. Une sueur froide coule le long de ma nuque.— Ce n’est pas vrai.— C’est in
DavidLe silence dans la maison de mon grand-père est lourd, pesant. L’air est saturé d’un parfum étrange, un mélange de cire brûlée et d’herbes que je ne reconnais pas.Mon grand-père est assis devant moi, les mains croisées sur ses genoux, le regard fixe. Son visage est marqué par les années, mais ce ne sont pas les rides qui me frappent. Ce sont ses yeux.Des yeux hantés.— Elles savent que tu es revenu, dit-il finalement d’une voix rauque.Je frissonne.— Elles vont venir ?Il hoche la tête lentement.— Elles sont déjà là.Je me raidis.Mon regard se pose sur les ombres qui s’étirent dans les coins de la pièce. Elles bougent imperceptiblement, ondulantes comme des vagues silencieuses.Elles écoutent.Elles attendent.— Pourquoi moi ?Mon grand-père détourne les yeux.— Parce que tu es l’héritier.Un frisson me parcourt l’échine.— L’héritier de quoi ?— De ce qui nous lie à elles.Il se lève et marche jusqu’à une vieille armoire en bois sombre. Il l’ouvre lentement, dévoilant une
DavidL’air est glacé, saturé d’un murmure indistinct, un écho venu d’un autre temps. Je fixe le puits devant moi, ce gouffre béant au fond du temple en ruine. L’obscurité semble y pulser, vivante.Mon grand-père est agenouillé devant l’abîme, les mains tremblantes. Il murmure des paroles que je ne comprends pas. Une litanie ? Une prière ? Une supplique ?Un frisson me parcourt l’échine.— Grand-père… qu’est-ce qu’il y a là-dessous ?Il ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix rauque :— La source de leur pouvoir.Mon cœur se serre.— Tu veux dire que… c’est ici qu’elles ont…— Oui.Un silence.Un gouffre.— Elles ont fait un pacte.Son regard croise le mien.— Et maintenant, elles veulent que tu le renoues.Je recule d’un pas.— Non.Il secoue la tête.— Tu ne comprends pas, David. Tu n’as jamais eu le choix.Le sol tremble sous mes pieds.Un vent glacé s’élève du puits, soulevant la poussière et la cendre. Les gravures sur les murs s’illuminent d’une lueur rougeâtre.Quelque ch
DavidLa nuit est lourde, oppressante. L’air est chargé d’électricité, comme si l’orage menaçait d’éclater à tout instant. Je suis assis face à mon grand-père, à la lueur tremblante d’une bougie.Il a posé un vieux grimoire entre nous, un livre épais à la couverture de cuir craquelé. Ses mains ridées en caressent les bords avec une sorte de crainte respectueuse.— Tout est là.Il soulève lentement la couverture, dévoilant des pages jaunies par le temps, couvertes de symboles étranges, d’encre rouge foncée, presque brune.Du sang séché.Je déglutis difficilement.— C’est avec ce livre qu’elles ont fait leur pacte ?Mon grand-père hoche la tête.— Elles ont offert quelque chose en échange de leur pouvoir.Il s’arrête, le regard perdu dans le vide.— Elles ont offert leur descendance.Un frisson me parcourt l’échine.— Quoi ?— Elles savaient qu’elles n’avaient pas d’âme à donner, alors elles ont offert celles qui viendraient après elles.Je sens mon souffle se bloquer dans ma gorge.— T
DavidLe vide m’aspire.Je chute sans fin, emporté dans un abîme de ténèbres. Le temps lui-même s’efface, se distord. Autour de moi, des visages apparaissent et disparaissent, leurs contours flous, leurs yeux vides. Des murmures rampent sur ma peau, me traversent, s’infiltrent dans mon crâne.— David…Ma propre voix résonne, déformée, comme un écho perdu dans l’éternité.— David… réveille-toi.Soudain, un choc brutal.Je suis projeté contre une surface froide et dure. L’impact me coupe le souffle, et la douleur éclate dans mon dos comme une explosion.J’ouvre les yeux.Je suis allongé sur le sol d’une immense
DavidL’obscurité nous avale.Je cours, mon grand-père à bout de souffle à mes côtés, alors que les ombres hurlent derrière nous, déformées par la rage et l’impatience de nous voir chuter. Nos pas résonnent dans ce couloir sans fin, dont les murs suintent d’une matière sombre, vivante. Une odeur de cendres et de sang imprègne l’air.— Grand-père, tiens bon !Il serre ma main, ses doigts tremblants mais fermes.— Je savais que ce jour viendrait, David. Mais je n’aurais jamais cru que tu serais celui à briser la malédiction…Je ne réponds pas. Pas maintenant. Pas tant que nous ne sommes pas sortis d’ici vivants.La lumière est une illusion. Le couloir s’étire à l’infini, et chaque pas semble nous enfoncer davantage dans cet abîme. Derrière nous, le Corbeau hurle :— Tu ne peux pas nous fuir ! Tu fais partie de nous !Sa voix s’enroule autour de mon crâne comme une chaîne.Non.Je refuse.Je serre les dents et continue d’avancer, traînant mon grand-père avec moi. Mais soudain, la terre t
DavidL'air est lourd, saturé d'un parfum de cendres et de secrets oubliés.Face à moi, cet homme qui me ressemble comme un reflet brisé, tordu par une force obscure. Ses yeux sont noirs, insondables, et pourtant… quelque chose en lui m'est familier.— Qui es-tu ? ma voix est rauque, étranglée par l’incompréhension.Il sourit lentement.— Je suis toi.Mon grand-père pose une main tremblante sur mon épaule.— David… nous devons partir.Mais je ne peux pas bouger.Cet homme—cette chose—me fixe avec une intensité glaciale.— Tu n’as jamais posé les bonnes questions, David. Pourquoi crois-tu que tu as survécu là où tant d’autres ont péri ? Pourquoi crois-tu que le Corbeau, la Mouche Tsé-Tsé et le Hibou t’ont toujours combattu avec autant d’acharnement ?Ma gorge se serre.— Parce que je suis une menace pour elles.Il secoue lentement la tête.— Parce que tu es leur héritier.Non.Non, c'est impossible.Je recule, cherchant désespérément une issue, mais les murs de pierre semblent se refer
DavidLa mer s’apaise, mais l’équipage reste figé. Le silence est un poids lourd, pesant sur nos épaules comme une menace latente. Les vagues se retirent lentement, laissant derrière elles une mer d’huile, calme, trop calme.Je suis à genoux, le souffle court. La marque sur ma main a noirci, brûlée par l’affrontement. J’ai réussi à la repousser, mais je sais que ce n’est qu’une victoire temporaire.— Capitaine ?Joren s’appuie sur le gouvernail, le front couvert de sueur. Son flanc saigne toujours, une tâche sombre s’élargissant sur sa chemise.— C’est fini ? demande-t-il d’une voix rauque.Je serre les dents.— Non.Et il le sait aussi.L’Ombre PersistanteL’équipage s’affaire, mais personne ne parle. Les visages sont tendus, blêmes. Ils ont vu ce que moi seul affrontais d’habitude. Ils ont entendu cet appel, ce murmure venu des abysses.— Les voiles ! Réparez les dommages ! aboie Briggs, tentant de redonner un semblant d’ordre.Mais même lui a la voix tremblante.Je me relève lentem
DavidLe vent hurle autour de moi, fouettant le pont comme un fou furieux. L’équipage lutte pour ne pas être emporté, s’accrochant aux cordages et aux mâts qui craquent sous la pression. La mer s’est levée, déchaînée, creusant des vagues hautes comme des falaises. Mais au centre de tout cela, elle reste immobile.L’ombre.La créature.Non.L’incarnation du pacte que j’ai scellé, du destin qui m’attend.— David…Son murmure me transperce, coule sous ma peau comme une encre maudite.— Non !J’arrache mon bras à son emprise. Un éclat de lumière jaillit de la marque sur ma paume, projetant une lueur irréelle entre nous. La créature recule d’un pas, et son sourire se tord.— Tu refuses encore ?Sa voix gronde, résonne dans l’air comme un tonnerre sourd.L’eau tourbillonne autour d’elle, et une colonne liquide s’élève, spirale monstrueuse prête à s’abattre sur le navire.L’équipage panique.— Capitaine, faites quelque chose ! hurle Joren, toujours à terre, le souffle court, une main pressée
DavidLe chant ne cesse pas. Il pulse dans mon crâne, résonne sous ma peau, s’insinue dans mes os comme un poison insidieux. Chaque note est une caresse glaciale sur mon esprit, un murmure qui m’effleure et me consume.Autour de moi, l’équipage retient son souffle. Tous ont vu ce que j’ai vu. Cette mer morte, ce ciel effacé, cette chose qui m’a regardé à travers mon propre reflet.Mais ils ne l’ont pas entendu.Ce chant ne s’adresse qu’à moi.Je ferme les yeux un instant. Mon cœur bat trop fort, trop vite.Contrôle-toi.Respirer. Ne pas sombrer.J’ouvre les paupières. La nuit est toujours là, dense, lourde, absolue. Les étoiles n’ont pas reparu. Le silence, lui, est revenu, oppressant, plus pesant encore que les murmures.Puis, un bruit.Un craquement.La CorruptionJe tourne la tête. Le bois du pont continue de noircir. L’érosion avance à une vitesse anormale, comme si des siècles passaient en un battement de cils.— Éloignez-vous de là ! ordonné-je.Les marins hésitent avant d’obéir
DavidL’eau m’arrache l’air des poumons. Un silence absolu m’entoure, plus dense que tout ce que j’ai connu. Pas un bruit, pas une vibration. Juste l’immensité noire, infinie, qui m’attire vers le fond.Mes bras s’agitent par réflexe, mais il n’y a ni haut ni bas. L’eau n’est pas froide. Elle est absente. Une matière qui n’en est pas une, un gouffre qui me retient sans jamais me porter.Je descends.Ou est-ce le monde qui s’élève au-dessus de moi ?Les ténèbres s’épaississent. Une masse informe se dessine, immense, démesurée. Elle ne brille pas. Au contraire, elle absorbe la lumière qui ne devrait même pas exister ici.Puis, elle s’ouvre.L&
DavidL’appel ne s’arrête pas. Il s’insinue dans mon esprit, rampant comme une marée noire qui s’étale sur le sable. Je serre les dents, tentant de chasser cette voix qui me hante, mais elle s’accroche à moi comme une ancre.— David… Tu ne peux pas fuir.Je me redresse, le souffle court, mes doigts crispés sur le bois du bastingage. L’air est lourd, chargé d’un silence pesant. Tout semble figé, comme si le monde retenait son souffle.L’océan s’étale devant moi, immense et impénétrable. Mais sous cette surface tranquille, quelque chose veille. Quelque chose m’attend.Les Signes— Capitaine !La voix de Joren brise le silence, me ramenant à la réalité. Il accourt vers moi, l’air préoccupé.— On a un problème.Je me tourne vers lui, refoulant les ténèbres qui me rongent.— Quoi encore ?Il me désigne le ciel. Je lève les yeux et mon sang se glace.Les étoiles ont disparu.Aucune lueur ne brille dans l’immensité nocturne. Comme si une main invisible avait effacé la voûte céleste.Joren av
DavidLe silence s’abat sur le pont comme un couperet. L’ombre face à moi n’a pas bougé. Pourtant, je ressens son emprise partout autour de moi. L’air est plus lourd, plus froid. Les torches vacillent, comme si leur flamme hésitait à continuer d’exister en présence de cette entité.— Qui es-tu ? répété-je, cette fois d’un ton plus tranchant.L’ombre ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix profonde, presque familière, elle murmure :— Un avertissement.Je serre mon épée, prêt à frapper au moindre mouvement suspect.— Un avertissement de qui ?Elle lève lentement une main, paume ouverte vers le ciel.— Des profondeurs.Et soudain, tout bascule.La DéchirureLe pont du navire disparaît sous mes pieds. Un instant, je suis là, au milieu de mes hommes, l’instant d’après, je suis ailleurs.Un lieu que je ne reconnais pas.Le sol est noir, rugueux comme de la pierre volcanique. Autour de moi, des silhouettes sans visage flottent dans un espace sans fin. Le ciel au-dessus n’est pas un ci
DavidLe château est plongé dans une torpeur sinistre. La guerre est finie, mais le silence qui règne dans les couloirs ne signifie pas la paix. Au contraire. Il y a une tension sourde, une attente glaciale qui précède toujours une nouvelle tempête.Je suis assis sur le trône de pierre noire, les doigts drapés sur l’accoudoir froid, observant les flammes danser dans la grande cheminée. Autour de moi, le conseil murmure, échange des regards lourds de suspicion et d’ambition.— Nous devons agir vite.La voix de Markus brise le silence. Son regard est braqué sur Eldric, qui se tient debout à quelques pas du trône.— Les nobles du sud n’ont pas renoncé. Nous avons pris leur château, mais pas leur loyauté.Je lève un sourcil.— As-tu des preuves ?— Des espions ont intercepté un message. Une invitation secrète envoyée à trois seigneurs exilés. Une réunion aura lieu dans trois jours, près du port de Valdoria.Eldric croise les bras et sourit légèrement.— Ils ne perdront jamais espoir, Davi
DavidLe feu danse encore dans mes souvenirs, le crépitement des flammes résonne en écho dans ma tête. La guerre est finie, du moins en apparence. Mais je sais que ce n’est qu’un répit. Une trêve silencieuse avant la prochaine tempête.Nous avons pris le château. Nous avons écrasé nos ennemis. Mais le goût de la victoire est amer.Les Ombres du PasséJe me tiens dans la grande salle du trône, face aux murs marqués de suie et de sang. Les bannières ennemies ont été arrachées, brûlées, remplacées par les nôtres. Pourtant, l’air est lourd de souvenirs, de fantômes qui refusent de disparaître.— Ce château t’appartient désormais, David.La voix de Markus brise le silence. Il se tient derrière moi, son armure encore souillée par la bataille.— Tout ceci… je murmure en balayant la salle du regard. Combien de morts pour en arriver là ?— Assez pour ne jamais oublier.Le JugementDans la cour du château, les prisonniers sont agenouillés, leurs mains liées dans le dos. Certains tremblent, d’au
DavidLe vent hurle à travers la nuit, soulevant la poussière et les cendres laissées par le combat. Mon souffle est court, mon corps meurtri, mais je tiens debout. J’observe les ruines du sanctuaire, là où, quelques instants plus tôt, la Déesse du Corbeau et le Hibou Silencieux tentaient encore de m’anéantir.Elles ont disparu.Mais je sais qu’elles reviendront.Elles ne renoncent jamais.Je serre les poings, sentant encore l’écho du feu sacré dans mes veines. Une force ancienne s’est réveillée en moi, une puissance que je ne contrôle pas encore totalement. Mais une chose est sûre : je ne suis plus celui qu’elles pouvaient manipuler à leur guise.J’avance lentement à travers les décombres, mes pas résonnant sur les pierres brisées. L’odeur de suie et de souffre imprègne l’air, un rappel amer de la bataille qui vient de se jouer.Et pourtant, ce n’est que le début.— "David…"Une voix.Faible.À peine un murmure.Je me fige.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête, scrutant les