ElenaLa porte claque derrière nous, le bruit résonne dans l’air humide de la nuit. Le vieux relais gémit sous le vent qui hurle, mais à l’intérieur, il fait chaud. Pas à cause du feu qui crépite dans l’âtre. Pas seulement à cause de la chaleur de l’instant. Mais à cause de nous. De ce qui est inévitable entre nous. Cette tension, électrifiée, qui pulse entre nos corps depuis des heures. Des jours. Des années, peut-être. Depuis ce premier regard, celui où je l’ai vu sans armure, où lui m’a vue sans masque, sans faux-semblants. Depuis ce premier souffle partagé dans la folie de nos choix, de nos combats. Depuis que la guerre a fait de nous ce que nous sommes : deux âmes perdues mais liées par une promesse plus grande que la vie elle-même.DanteJe la déshabille sans hâte. Ses vêtements tombent sur le sol comme des ombres qui s’effacent. Chaque bouton défait est une victoire. Une victoire contre la peur, contre les cicatrices du passé, contre la violence du monde. Il n’y a plus de place
ElenaLa route s’étire devant nous comme une promesse arrachée aux ténèbres. Les cailloux crissent sous nos semelles, la rosée accroche nos jambes, les feuilles tremblent mais ne tombent pas. Le monde retient son souffle. Et moi aussi.Il y a quelque chose dans l’air. Une vibration. Comme si la terre savait. Comme si elle s’apprêtait à boire le sang d’un nouveau sacrifice.Je marche. Le dos droit. Le regard fixé devant. Le cœur tambourinant dans ma poitrine. Pas de peur. C’est terminé, ça. Il ne reste que la tension brute, l’impatience d’un fauve.Je tourne la tête vers Dante. Il est là. Toujours. Son ombre épouse la mienne. Il ne m’a jamais quittée depuis ce matin-là. Et je crois que quelque part, depuis cette nuit où tout a brûlé, il n’est plus question de fuite. Seulement de combat.Je l’observe. Son visage est dur, presque figé. Mais ses yeux... Ses yeux disent autre chose. Ils parlent de tout ce qu’on ne s’est pas dit. Tout ce qu’on n’a pas eu le temps de se promettre.Je veux su
ElenaLa terre sent le sang. L’odeur de poudre brûlée colle à la gorge, griffe les narines. Le silence après le carnage est plus fort que les cris. Il résonne. Il pèse.Je marche entre les carcasses noircies, les pneus fondus, les corps disloqués, les mains encore crispées sur des armes inutiles.Je ne détourne pas les yeux. Plus maintenant.Ce n’est pas de l’insensibilité. C’est une promesse. Une manière de dire : je vous ai vus mourir, et je ne vous oublierai pas.Je glisse la main dans la poche intérieure de ma veste. Le papier y est toujours. Froissé. Humide.C’est la lettre de ma mère.Elle ne l’a jamais terminée. Juste quelques mots, comme un murmure arraché à l’oubli : Ne te rends jamais.Je ferme les yeux. Un instant.Puis je les ouvre sur Dante.Il surveille l’horizon. Une main sur son arme. Une autre sur mon dos.Toujours là. Solide. Entier. Implacable.Et moi, malgré le sang sur mes bottes, malgré la douleur dans mes côtes, je me tiens droite.Parce que lui est debout.Dant
ElenaL’odeur du sang flotte dans l’air.Épaisse. Métallique. Elle s’insinue dans mes narines, me donne envie de vomir, mais je suis trop paralysée pour bouger. Devant moi, le corps d’un homme s’effondre lourdement, une tache rouge se répandant sous lui comme une ombre infernale.Et juste à côté… lui.Dante Valenti.Il ne porte même pas de gants. Son costume noir est parfaitement ajusté, sans la moindre goutte de sang, comme si cette exécution n’était qu’une formalité. Il ne détourne même pas le regard du cadavre.Je ne devrais pas être là. Je ne voulais pas être là.Tout ça, c’est la faute de mon foutu job. Journaliste d’investigation. J’aurais dû écouter mon instinct, rester à distance de ces affaires louches, de cette mafia qui contrôle la ville comme une marionnette. Mais non. Il a fallu que je m’approche trop près.Et maintenant…Dante relève la tête. Ses yeux capturent les miens. Un frisson me traverse, glacé et brûlant à la fois. Je connais cet homme par réputation. Le Roi des
ElenaL’intérieur de la voiture sent le cuir et la puissance. J’ai à peine le temps de réaliser que Dante m’a jetée sur la banquette arrière qu’il referme la portière d’un claquement sec.Je suis piégée.Le moteur gronde, et la ville défile à toute vitesse à travers les vitres teintées. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser.Dante est assis à côté de moi, son bras négligemment posé sur le dossier. Sa présence envahit tout l’espace.Je devrais parler. Protester. Lui hurler de me laisser partir.Mais ma gorge est sèche.Il sait que j’ai peur. Il sait que je ressens autre chose aussi, quelque chose que je refuse d’admettre.— J’espère que tu n’avais rien de prévu cette nuit, princesse.Sa voix est un murmure de velours. Dangereusement calme.Je me redresse brusquement, rassemblant ce qui me reste de courage.— Tu ne peux pas me garder avec toi.Il tourne la tête vers moi, lentement. Son regard me cloue sur place.— C’est déjà fait.— Je ne suis pas un de tes jouets
ElenaLe claquement sec de la portière me fait sursauter. Je suis figée sur la banquette arrière, mes doigts crispés sur le cuir froid. Chez moi, il a dit.Mais ce n’est pas ma maison.C’est la sienne.Une immense villa au sommet de la ville, baignée dans l’éclat blafard des réverbères. Des gardes en costume noir veillent à chaque recoin, armés, silencieux, imposants.Je tourne la tête vers Dante. Il me fixe avec ce regard brûlant, chargé d’une intensité qui me fait frissonner.— Descends.Ma respiration se bloque.— Non.Il hausse un sourcil, amusé. Il aime ça. Il aime ma résistance, mon défi.Mais il ne me laissera pas gagner.D’un mouvement fluide, il attrape mon poignet et me tire hors de la voiture.L’air nocturne s’engouffre dans mes poumons, mais la sensation de liberté est une illusion. Son étreinte est ferme, implacable.Je me débats. Je refuse de me laisser traîner comme une esclave.— Lâche-moi, Dante !Il ne répond pas. Il se contente d’avancer, m’entraînant avec lui vers
ElenaComme un défi.Je dois parler. Je dois dire ces foutus mots.Mais son souffle est trop chaud.Ses doigts sont trop sûrs.Et moi… je suis en train de sombrer.Il s’arrête à quelques millimètres de mon intimité, me tenant suspendue dans un supplice insupportable.Mon corps est en feu.Ma respiration est un chaos.Et Dante attend.Il attend que je craque.Ses lèvres effleurent ma joue.— Toujours silencieuse ?Bâtard.Ma main se lève, prête à le frapper.Mais cette fois, il l’attrape avant.Et avant même que je ne puisse comprendre, il me plaque sous lui.Mes poignets sont capturés, coincés de chaque côté de ma tête.Son regard s’abîme dans le mien, une ombre de victoire dans ses prunelles.— Tu es à moi, Elena.Mon ventre se serre violemment.Je me débats. Il me faut de l’air.— Jamais.Dante se penche encore plus près.— Tu crois vraiment pouvoir me résister ?Ses hanches s’enfoncent légèrement contre les miennes. Je suffoque.— Regarde-toi.Son regard descend sur moi.— Tu tremb
ElenaL’air brûle entre nous.Mon souffle est court, mes doigts crispés sur son costume. Trop près. Trop intense. Trop dangereux.Ses lèvres effleurent ma gorge, une chaleur dévorante suivant leur passage. Son corps est contre le mien, solide, implacable. Je devrais le repousser.Mais je ne bouge pas.Sa main caresse ma cuisse, lentement, terriblement lentement.— Dis-le.Sa voix est rauque, chargée d’un désir brut.Je ferme les yeux. Mon corps tremble d’un mélange toxique d’envie et de lutte.Je veux.Je ne peux pas.— Je…Je n’ai pas le temps de finir.Ses lèvres s’écrasent sur les miennes.Un baiser dur, exigeant, sans la moindre douceur. Un baiser qui consume.Je suffoque contre lui, mes mains cherchant à le repousser, mais il ne recule pas. Au contraire.Ses doigts s’enfoncent dans ma hanche, me clouant contre le mur.Un feu liquide se répand en moi, incandescent.Je cède.Un gémissement m’échappe, et il grogne contre ma bouche, satisfait.Sa langue force l’entrée de mes lèvres,
ElenaLa terre sent le sang. L’odeur de poudre brûlée colle à la gorge, griffe les narines. Le silence après le carnage est plus fort que les cris. Il résonne. Il pèse.Je marche entre les carcasses noircies, les pneus fondus, les corps disloqués, les mains encore crispées sur des armes inutiles.Je ne détourne pas les yeux. Plus maintenant.Ce n’est pas de l’insensibilité. C’est une promesse. Une manière de dire : je vous ai vus mourir, et je ne vous oublierai pas.Je glisse la main dans la poche intérieure de ma veste. Le papier y est toujours. Froissé. Humide.C’est la lettre de ma mère.Elle ne l’a jamais terminée. Juste quelques mots, comme un murmure arraché à l’oubli : Ne te rends jamais.Je ferme les yeux. Un instant.Puis je les ouvre sur Dante.Il surveille l’horizon. Une main sur son arme. Une autre sur mon dos.Toujours là. Solide. Entier. Implacable.Et moi, malgré le sang sur mes bottes, malgré la douleur dans mes côtes, je me tiens droite.Parce que lui est debout.Dant
ElenaLa route s’étire devant nous comme une promesse arrachée aux ténèbres. Les cailloux crissent sous nos semelles, la rosée accroche nos jambes, les feuilles tremblent mais ne tombent pas. Le monde retient son souffle. Et moi aussi.Il y a quelque chose dans l’air. Une vibration. Comme si la terre savait. Comme si elle s’apprêtait à boire le sang d’un nouveau sacrifice.Je marche. Le dos droit. Le regard fixé devant. Le cœur tambourinant dans ma poitrine. Pas de peur. C’est terminé, ça. Il ne reste que la tension brute, l’impatience d’un fauve.Je tourne la tête vers Dante. Il est là. Toujours. Son ombre épouse la mienne. Il ne m’a jamais quittée depuis ce matin-là. Et je crois que quelque part, depuis cette nuit où tout a brûlé, il n’est plus question de fuite. Seulement de combat.Je l’observe. Son visage est dur, presque figé. Mais ses yeux... Ses yeux disent autre chose. Ils parlent de tout ce qu’on ne s’est pas dit. Tout ce qu’on n’a pas eu le temps de se promettre.Je veux su
ElenaLa porte claque derrière nous, le bruit résonne dans l’air humide de la nuit. Le vieux relais gémit sous le vent qui hurle, mais à l’intérieur, il fait chaud. Pas à cause du feu qui crépite dans l’âtre. Pas seulement à cause de la chaleur de l’instant. Mais à cause de nous. De ce qui est inévitable entre nous. Cette tension, électrifiée, qui pulse entre nos corps depuis des heures. Des jours. Des années, peut-être. Depuis ce premier regard, celui où je l’ai vu sans armure, où lui m’a vue sans masque, sans faux-semblants. Depuis ce premier souffle partagé dans la folie de nos choix, de nos combats. Depuis que la guerre a fait de nous ce que nous sommes : deux âmes perdues mais liées par une promesse plus grande que la vie elle-même.DanteJe la déshabille sans hâte. Ses vêtements tombent sur le sol comme des ombres qui s’effacent. Chaque bouton défait est une victoire. Une victoire contre la peur, contre les cicatrices du passé, contre la violence du monde. Il n’y a plus de place
ElenaL’aube ne vient pas.Pas encore.Le ciel hésite.Comme nous.Suspendus entre chute et ascension.Entre les restes d’un empire et les cendres d’un rêve.Le silence pèse sur les toits, glisse entre les pierres froides, ronge le cœur.Même les oiseaux se taisent.Comme si le monde retenait son souffle.ElenaLe palais dort d’un sommeil empoisonné.Les tentures frissonnent au moindre courant d’air, comme si elles pleuraient des secrets.Les gardes, épuisés, marchent à l’aveugle.Leur fidélité n’est plus qu’une habitude, un réflexe.Ils ne savent plus qui ils protègent.Les couloirs résonnent des pas qui fuient, des voix qui murmurent.La peur a changé de camp.Elle s’est retournée contre ses maîtres.Et nous, nous marchons dans ce silence.Droits.Déterminés.Mais pas indemnes.Inès« Il faut partir avant que le soleil se lève. La lumière rend les traîtres visibles. »ElenaJe la regarde.Elle n’a jamais tremblé.Même maintenant, dans cet entre-deux fragile, elle tient droit.Comme
ElenaLa nuit tombe.Le domaine tout entier s'agite d’une nervosité moite.Ils sentent que quelque chose a changé.Sans savoir quoi.L'air est trop lourd. Chaque respiration est une lutte.Chaque pas résonne comme une annonce funèbre.ElenaGiovanni hurle sur ses conseillers.Il accuse. Il menace.Il cherche un coupable, un traître, un fantôme.Il ne comprend pas que c’est trop tard.Que le poison n’est plus dans le verre.Il est dans son sang.Il est dans ses os.Il est dans chaque regard qui ose enfin ne plus baisser les yeux.ElenaJe reste en retrait.Je regarde les murs vibrer sous ses cris.Je compte les secondes.Les respirations.Les battements de cœur.Le pouvoir meurt rarement d’un coup d’épée.Il meurt de mille coupures invisibles.Giovanni« Qui a osé ?! QUI ?! »ElenaNous tous, Père.Nous tous.Tu as semé la peur.Nous avons semé la fin.ElenaSilvano me glisse un billet.Un seul mot griffonné : Minuit.Un lieu : l’orangerie.Une promesse silencieuse.ElenaJe sais ce qu
ElenaLe lendemain, l'air sent déjà la cendre.Tout est plus lourd, plus lent.Même le vent semble hésiter à souffler.Je me lève. J'enfile une robe noire simple, sans bijoux. Pas de chaînes inutiles. Aujourd'hui, je suis l'ombre.ElenaInès m'attend dans le couloir.Ses yeux brillent. Pas d'excitation. Pas de peur.La certitude, froide et vive.Elle porte une veste légère, doublée de lames fines comme des éclats d'hiver.À sa ceinture : une seringue. Remplie de quelque chose de rapide. Silencieux.Inès« Prête ? »ElenaJe souris. Ce n'est pas une question.C'est un serment.ElenaNous descendons sans bruit.Chaque marche craque à peine sous nos pas.Le manoir est un cadavre en sursis.Giovanni croit que la fête qu'il a ordonnée pour ce soir va cimenter son pouvoir.Il ignore que ses fondations sont déjà rongées par nos dents.ElenaÀ la cave, Silvano nous attend.Il a changé. Plus maigre. Plus nerveux. Plus dangereux.Un animal blessé qui a cessé de croire en la rédemption.Il tend
ElenaLe matin se lève sur une lumière pâle. Un jour de plus. Un jour de moins.Je ne sais plus. Je ne compte plus que les secondes utiles.Celles où j’avance.Celles où je frappe sans qu’ils le voient.Le reste n’existe pas. C’est un décor flou, un murmure d’illusions.ElenaJe me lève avant Lorenzo. Comme toujours.Il dort, abandonné au mensonge d’une paix qu’il croit acquise.Je l’observe. Longtemps.Ses paupières qui tremblent. Sa bouche entrouverte. La main posée sur le drap, comme celle d’un enfant.Il est amoureux. De moi ou de l’idée qu’il se fait de moi.Ça n’a aucune importance.Il est un pion. Et je suis celle qui déplace les pièces.Mais parfois…Parfois, je le regarde trop longtemps.Et je me demande s’il verrait le couteau avant qu’il le sente.ElenaInès frappe. Trois coups brefs. Notre signal.Je l’ouvre. Elle entre.Aujourd’hui, elle ne tremble pas.Elle a attaché ses cheveux. Porté ses bottes les plus discrètes.Elle me tend une bague. Fine. En or. Une minuscule pier
ElenaJe n’ai pas dormi.Pas vraiment. Mon corps a obéi à l’apparence — allongé, immobile sous les draps de soie, dans ce lit immense qui n’est pas le mien. Mais à l’intérieur, tout est resté tendu. Mon esprit a marché. Furtif. Inlassable. Il a exploré les contours invisibles de cette cage dorée. Il a arpenté les couloirs du manoir, les interstices des portes closes, les regards qui s’évitent, les silences trop longs.Il a compté les pas.Les voix.Les caméras.Je suis une mariée.Mais surtout une arme.ElenaLorenzo respire lourdement à côté de moi. Une respiration paisible, profonde, d’homme qui croit être en sécurité. Il rêve. Peut-être de moi. Peut-être de pouvoir.Il est jeune. Trop. Pas assez pour cette guerre.Mais il pense l’avoir gagnée.Il se trompe.Je me lève. Pieds nus. Les planches du sol craquent à peine sous mon poids.J’attrape mon carnet, mon stylo. Complice de mes pensées. J’y note tout. L’angle des caméras, la durée exacte des rotations de surveillance, les zones d
ElenaLa couronne ne brille pas. Elle pèse. Chaque perle, chaque éclat d’or est une goutte de sang figée. Le sang des femmes avant moi. Le sang que je verserai. Le sang qu’on attend de moi.On l’a faite pour enfermer. Pas pour élever.On m’habille sans un mot. Sœur Agnese tire sur les lacets de ma robe, trop fort, comme pour m’arracher l’air. Je sens le tissu mordre mes côtes. Je ne dis rien. Elle le fait exprès. Pour me briser. Pour me faire plier.Mais je tiens. Plus droite. Plus raide.Violetta, la gouvernante, fixe mes cheveux. Ses doigts tremblent à peine. Elle murmure des prières en italien, des phrases anciennes apprises dans l’ombre des catacombes. Elle pense, peut-être, que le ciel m’entendra. Que le ciel a encore quelque chose à voir avec tout ça. Elle m’offre un rosaire en argent. Je ne tends pas la main.Je me tiens debout, les bras ballants, la nuque raide. Je suis une mariée. Une martyre. Une bombe.ElenaGiovanni n’est pas venu. Il ne vient jamais. Il délègue. Il survei