Share

Prologue

<end>

<recherche d’âme sœur>

En traitement.

</recherche d’âme sœur>

J’ai peur. Peur de finir seule, dans le noir, sans personne pour m’aimer, sans personne pour me regarder. J’ai peur de ne plus ressentir les étincelles d’antan, celles qui m’emportaient loin, loin sur l’embrun des mers, sur le flanc des montagnes, sur les ailes d’un oiseau ou dans le cœur d’un papillon. J’ai peur de ne plus avoir le droit de goûter au miel de l’amour, à l’amertume des tristesses nocturnes.

Et dans mon champ de vision, la barre de téléchargement ne se remplit pas. J’ai beau cligner des yeux, rafraîchir la page, ça ne change rien. Elle charge. Soulmates charge. Soulmates, le logiciel censé me trouver mon âme sœur. « En traitement ». Voilà des mois que j’attends, que j’essaie de ne plus avoir peur, de ne plus pleurer. Mes amies obtiennent la leur, voient les tatouages de l’amour fleurir sur leur peau, et moi… j’attends. J’ai l’impression d’être une pestiférée.

Ce n’est pas que ça me tienne spécialement à cœur, mais c’est comme ça, je dois avoir une âme sœur pour mériter d’exister aux yeux des autres. Et si je veux pouvoir garder mon appartement, symbole d’un statut social dont je suis déchue.

 « Quoi, tu n’es pas encore en couple ? » s’étonnent les autres.

Non, désolée. Moi, je n’ai pas d’âme sœur. Moi, je ne suis pas faite pour l’amour. Il faut croire que je n’ai pas été programmée comme ça.

Où se trouve ma foutue moitié ? Et tout ce que l’on m’a promis ? Je me recroqueville dans mon lit, alors que les heures s’égrènent, s’entrecoupent, s’effilochent entre mes doigts, sous mes paupières, entre mes soupirs. Mais les alertes d’iBrain continuent de me hanter, à s’afficher dans mon champ de vision. En traitement. En traitement. En traitement. Comme si la société elle-même me rejetait. J’ai beau fermer les yeux, couper les notifications, elles sont toujours là à m’encombrer insidieusement. Qui a eu l’idée de nous implanter ça dans le crâne, hein ?

Je suis là, à me morfondre dans mon appartement, incapable d’avancer. Ils sont tous dans la rue, avec leur âme sœur, avec cette vie de rêve que l’on nous vend. Et moi j’attends. J’attends que le temps passe. J’attends les aventures divines dont tout le monde parle. Je n’ai plus de travail, plus de rêve, plus d’ambition. Je n’attends qu’une chose : Lui, Elle, celui ou celle qui voudra bien de moi, pour qu’enfin on me considère normalement.

Related chapter

Latest chapter

DMCA.com Protection Status