Patchwork
Définition du Petit Larousse :
— Ouvrage de tissu constitué par l’assemblage de morceaux disparates dans un but décoratif.
— Ensemble quelconque formé d’éléments hétérogènes, disparates.
Parce que notre vie parfois ressemble à des éclats de verre qu’on a du mal à rassembler pour en faire un tout cohérent, ce récit s’organise comme un patchwork, une mosaïque d’épisodes dont le lecteur devinera aisément la continuité.
Le sommeil est le seul lieu où je suis vraiment heureux. Dans certains de mes rêves, je me sens moi, viscéralement moi ; je suis en connexion avec ce que je suis vraiment, mes émotions, je suis sans masque.
Cette nuit, ou plutôt ce matin avant de reprendre conscience, j’ai rêvé d’une jeune femme. Elle me plaisait, j’étais amoureux. Celle-ci m’était connue, pourtant une fois réveillé, j’étais incapable de me rappeler si c’était une femme de mon entourage. J’étais plus amoureux dans mon songe que je n’aurais pu me sentir amoureux dans ma vie « réelle ». Car dans le quotidien, je me cache derrière le masque, le masque m’a envahi, et m’a coupé de mes vraies émotions, le masque social, le masque des conventions. Je suis devenu mon masque. Les gens, je pense, la plupart, ne vivent pas de manière intense ni vraie, en tout cas moi dans le jeu social, je n’arrive pas à faire épanouir mon besoin de relations profondes. Tout me donne une impression de superficiel. Il m’est impossible même avec ma partenaire du moment d’échanger réellement profondément.
Dans mes rêves, là je me réalise, je me retrouve, le sommeil est mon paradis quand les fantasmagories qui m’habitent me transportent dans un contexte, des situations qui émotionnellement me touchent fortement.
Dans mon quotidien, tout est d’une platitude désespérante. Peut-être est-ce la mort de mon père qui a réveillé ce besoin d’essentiel, ou qui m’a tout simplement bouleversé. Et je me rends compte combien la vie que je mène me blase. Mais les choix qu’on a faits dans le passé nous poursuivent de leur inertie. Il me semble impossible, et sans doute est-ce la vérité, de changer de destinée. Mon caractère a façonné l’existence que je poursuis qui, à son tour, enchaîne mon comportement. J’ai voulu une situation matérielle stable et confortable, je l’ai, mais mon élan vital est brimé.
Il y a comme un jeu de double. Je ne sais pas si celui-ci est valable pour tout le monde, mais il est sans doute très répandu. Nous avons une personnalité publique et seulement à de rares moments, nous pouvons faire émerger notre moi intérieur, profond, notre identité intime. Internet, de ce point de vue là, par le nombre potentiel de contacts qu’il permet sans contrainte géographique et sans autre barrière que la langue, peut inciter à trouver des personnes avec qui nous pouvons parler de ce qui nous intéresse vraiment, sans fard, car paradoxalement la virtualité et la distance autorisent la liberté de l’échange tandis que bien souvent le contact physique opacifie la vraie relation à l’autre.
—Souvenez-vous Paul, remontez dans votre enfance et dites-moi ce que vous vivez…—Je peinturlure la porte de ma chambre avec des crayons de couleur. Je prends beaucoup de plaisir, je suis inconscient du fait que sûrement je n’en ai pas le droit. En regardant mon œuvre, je me sens tout excité et joyeux. Bien sûr ça ne ressemble pas à grand-chose, mais c’est très coloré. Puis je joue avec mes playmobils.«Mais qu’est-ce que tu as fait? Ça ne va pas la tête!»Ma mère est là, elle hurle contre ce que j’ai commis, elle crie contre moi. Elle me prend par le bras. Je vois ses yeux pleins de colère et sa bouche qui grimace
Nous y voilà. Je regarde Chantal rentrer dans mon bureau. J’ai remarqué son petit manège, de toute manière il aurait fallu que je sois aveugle pour ne pas le voir. Chaque jour, elle me dit «bonjour», me sourit. Quand elle le peut, elle m’effleure. Une fois, elle a même frôlé de sa main mes fesses tout en discutant de façon animée avec une collègue: l’air de rien donc. Toutes les femmes savent dans mon service que je ne suis pas insensible à ce genre d’attention, que je suis un homme à femmes. Aujourd’hui,elle porte une jupe beige qui remonte légèrement au-dessus des genoux, ainsi qu’un chemisier transparent. Elle fait quelques pas dans ma direction après avoir fermé la porte du bureau.—Paul, je peux vous parler en privé&nb
Je n’ai pas baisé Chantal. J’aurais pu. Peut-être plus tard. Depuis la mort de mon père, c’est comme si un vide effroyable mangeait mon âme, déséquilibrait mon esprit, dérangeait mon comportement habituel. Dans le métro, je m’assieds. À côté de moi, une jeune fille manipule son I-phone, et puis, à bien y réfléchir, en observant, peut-être la moitié des personnes consulte leur smartphone dernière génération, ou s’isole en écoutant de la musique sur son I-Pod. Bravo Steve Jobs. Le sauveur de l’humanité avec Bill Gates.Sur mon propre téléphone brille la petite lumière verte, quelqu’un pense à moi. Ça fait plaisir, n’est-ce pas? Il faut que j’en finisse.A
Du temps est passé. Je vois toujours ma psy Aude et comme pour compenser une frustration, je me précipite ensuite chez mon étudiante chinoise. Cette fois-ci, je n’arrive pas les mains vides, j’ai un colis. Hong entrouvre la porte et sourit en apercevant mon chargement. Elle me laisse entrer, j’ai l’impression que cette innovation lui plaît. Elle me claque une bise affectueuse sur la joue en se levant sur la pointe de ses pieds. Je lui tends le paquet. Elle file dans la salle de bain pour se changer. Je m’étends sur son lit et je lève les yeux au plafond, curieux de ce qui va se passer.«Paul, vous avez été un très vilain garçon, vous méritez une bonne punition!»La voix de Hong résonne faible, mais déterminée. Je la regarde, son cos
Rien de tel qu’une bonne douche pour me préparer pensé-je.Je mets quelques perles de gel douche dans ma paume. Je me nettoie soigneusement. Me rincer. L’onde chaude agit comme un onguent apaisant sur mes blessures morales. Maintenant, me raser. Me rendre propre, net est une façon de me concentrer sur ce qui va suivre.Je pose les mains sur les bords de l’évier. Je soupire, souffle, la tête baissée. Le poids moral est là, omniprésent.Je saisis le blaireau, le passe sous l’eau chaude puis le frotte au savon qui bientôt mousse. Je frotte les poils recouverts de la substance onctueuse sur mes joues, mon menton, le pourtour de mes oreilles. Les angles de ma mâchoire disparaissent sous le duvet blanc.Avec attention, je me rase, en
Ma Mercedes E220 élégance, ancien modèle de 1998, engloutit le ruban de goudron, comme animée d’une conscience et d’une intention propres à elle. Mes mains délicatement posées sur le volant, j’ai dans le collimateur de l’étoile à trois pointes la route qui s’évanouit sans effort. Je suis tombé amoureux de ce modèle blanc, à la ligne un peu démodée, aux angles assez marqués, ses deux phares ronds à l’avant, pas de courbes trop douces – en particulier le coffre long et profond, une voiture d’homme spacieuse et confortable. C’est à peine si je suis conscient de ma conduite… Bercé par le vrombissement puissant et discret du moteur et ma playlist de musique où figurent des titres planants de Post-Rock, le paysage défilant, je baigne dans une autohypnose o&
Le voyage à Erquy m’a en quelque sorte réconcilié avec une part de moi, mais la plaie est là, béante. Ma personnalité de Casanova instable, velléitaire et compulsif ne me satisfait plus. C’est ce que j’ai raconté à Aude tandis que je ne pouvais m’empêcher de fantasmer une fois de plus sur ses lèvres ourlées de rouge et sur ses escarpins noirs. Je suis une contradiction ambulante, des plaques tectoniques mal ajustées qui me tiraillent, m’enlèvent toute consistance et me font souffrir. J’aspire à plus d’unité et pourtant je n’arrive pas à m’y résoudre.Je lui ai confié ma difficulté à m’interdire de m’envoyer en l’air avec les femmes. C’est alors qu’elle m’a dit une chose intéressante
Je ferme les yeux, j’entends les réacteurs de l’avion vrombir, la gravité me colle au siège, ma voisine se serre un peu contre moi, sans doute pour se rassurer un peu: réflexe atavique.Je me remémore ce qui s’est passé la veille entre Annie et moi. Peut-être étais-je de particulièrement bonne humeur ce jour-là, c’était la veille du début de mes congés.Entre nous, ce n’est jamais l’indifférence, sous le calme flirte la tension électrique et en pleine détestation affleure toujours la passion. Comme chien et chat. J’aime son esprit, ses formes, son caractère psychorigide et je crois que malgré elle, elle est fascinée par mon esprit souple, flirteur, aux antipodes de sa pensée et de la morale qui lui a &e