Chapitre 41 : Ce que l’on porte ensemble

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• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 78 — Là où l’équilibre menace de rompre

  GRACIELLALe vibreur du téléphone me tire d’un demi-sommeil. Deux impulsions rapides, comme un battement précipité. Je tends la main machinalement. L’écran s’allume dans la pénombre.Numéro inconnu.Je déverrouille.Et tout bascule. “Il serait tragique qu’un certain petit appartement de banlieue prenne feu pendant la nuit. Ta mère a l’air fragile. Toi, tu sauras reconstruire. Elle, non. Reste à ta place.”Je me redresse d’un bond. L’air me manque. Mes doigts tremblent. Je relis, une fois. Deux fois. Trois.Aucun nom. Aucune signature.Mais je sais. Je sais.L’odeur de menace est plus forte que le parfum de lavande encore accroché à mes draps.Je me lève d’un pas incertain. J’ouvre la porte de la chambre sans bruit. La lumière filtre depuis la cuisine. Élias est déjà réveillé, assis à la table, un dossier ouvert devant lui. Il lève les yeux aussitôt.Et il comprend. Avant même que je parle. Juste à mon visage.— Montre-moi, dit-il d’une voix basse, calme. Trop calme.Je tends le télép

• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 77 – Là où les cicatrices parlent

  GRACIELLALa ville défile en arrière, floue derrière la vitre du taxi. Mais je n’y prête pas attention. Ce que je vois, ce sont les détails minuscules restés coincés sous la peau : la voix rauque de ma mère, l’odeur persistante de lavande fanée, le soupir qui ne disait ni colère ni pardon, mais juste fatigue.Élias ne dit rien. Il est là, à côté, silencieux, présent sans pression. Et ça, c’est peut-être ce qui me bouleverse le plus.Ses mots résonnent encore. Calmes. Profonds. Sans détour. Il a parlé pour moi, sans jamais me couper. Il m’a protégée sans m’étouffer. Comme s’il savait exactement quand il fallait se taire, et quand il fallait poser les mots qu’on n’ose pas se dire à soi-même.Je serre les mains sur mes genoux. Mon cœur tape plus fort que nécessaire. Ce n’était qu’un moment. Une visite. Mais ça a rouvert des choses que je croyais enfouies sous des années d’évitement. Rien qu’un regard, une main sur l’épaule, et tout remonte.Quand on arrive à la villa, la nuit est déjà là

• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 76 – Là où la mémoire résiste

  ÉliasLe taxi ralentit dans une ruelle déclinante, étroite et déformée par le poids des années, marquée par des pas trop lourds qui l’ont foulée. Les immeubles s’y enchaînent, tels des carcasses rongées par l’humidité, fendillées par des souvenirs qu’on n’a jamais pris la peine de repeindre. Les fenêtres, pour celles qui ne sont pas brisées ou obturées par des planches, laissent pendre des rideaux effilochés, soulevés par un souffle tiède chargé de l’odeur âcre du béton et de l’ennui.On croirait que le temps lui-même a renoncé à ce quartier.Graciella demeure silencieuse. Elle ne semble guère regarder autour d’elle. Son front repose contre la vitre, mais son regard est ailleurs, fixé sur des souvenirs qu’elle a sans doute trop longtemps refusé d’affronter. Je perçois la tension qui s’insinue dans ses bras, dans la raideur de sa nuque. Une tension étrangère à la peur. Quelque chose de plus lourd. Une mémoire pesante pour un matin naissant.Lorsque le taxi s’immobilise, elle ne se lève

• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 75 – Là où le passé insiste

  GraciellaLe hall de l’hôtel est encore silencieux à cette heure-là. Un entre-deux. Ce moment suspendu où la nuit n’a pas tout à fait cédé sa place, mais où le jour réclame déjà sa lumière. Les lustres diffusent un halo doré, irréel, presque trop pur pour ce que je porte encore en moi.Je marche sans parler, mais je sens chacun de ses pas à mes côtés. Élias. Présent. Silencieux.Sa main dans la mienne, chaude, ferme, vivante.Ce n’est pas un geste d’amoureux. Pas encore. C’est un geste de survivants. De ceux qui ont traversé une nuit trop grande pour eux et qui tiennent encore debout, par miracle, ou par rage.Mais quelque chose palpite sous ma peau. Une tension sourde. Ancienne. Une vibration étrange qui n’a rien à voir avec lui.C’est en moi. Quelque chose qui vient de plus loin. Qui se réveille, comme un pressentiment.Le téléphone vibre dans mon sac.Une fois. Deux fois. Trois. Une pause.Puis encore.Je m’arrête net. Le cœur un peu plus haut dans ma gorge. Je reconnais ce rythme.

• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 74 – Là où le matin tremble

  Version allongéeÉliasLe jour filtre à peine à travers les rideaux tirés. Une lumière pâle, hésitante. Comme si même l’aurore craignait de troubler ce qui reste de nous.Mais c’est assez pour me réveiller.Mon bras est vide.Le drap encore tiède là où elle était. Et ce vide… me déchire plus sûrement que toutes les balles que j’ai prises dans ma vie.C’est un vide précis. Froid. Une absence qui a la forme de son corps.Je me redresse. Lentement. Chaque muscle me rappelle la nuit. Chaque nerf encore tendu. Chaque souvenir gravé sous ma peau.Et son absence, là, comme une alarme muette.Puis je l’entends.Un froissement de drap. Une respiration. Calme en surface, mais je la connais. Elle est debout dans le silence, comme on se tient au bord d’un précipice.Elle est là. Assise sur le bord du lit. Nue. Le dos tourné. Les cheveux retombant sur une épaule. Fragile et indomptable à la fois.Ses omoplates dessinent des angles nets. Une ligne de tension court le long de sa colonne, comme si el

• PAS DE DEUX AVEC LE DIABLE    Chapitre 73 – Sous la peau

  GraciellaIl n’a rien dit pendant tout le trajet.Ni un mot.Et moi, je n’ai pas cherché à en dire non plus.Le sang de Nikolai a été effacé de mes chaussures, mais pas de ma mémoire.Le miroir brisé me hante encore. Pas pour l’image. Mais pour ce que j’y ai laissé.Ma peur. Mon ancienne peau. Mon dernier mensonge.Ce n’est que lorsque nous fermons la porte de la suite que le silence devient autre chose.Pas une absence.Une attente.Comme une tension suspendue au-dessus de nos têtes, prête à tomber. Ou à éclater.Je pose mon sac. Lentement. Avec des gestes mécaniques. Mais mes nerfs sont à vif.Je sens son regard dans mon dos. Il me brûle. Il me lit. Il attend, lui aussi.— Tu veux un verre ? il demande, sa voix rauque, fêlée.— Tu veux fuir ? je rétorque sans me retourner.Un soupir. Léger. Presque un rire. Presque amer.— Tu veux te battre ? maintenant ?Je me retourne. Nos regards se percutent.Pas un mot. Mais tout est là. L’épuisement. L’électricité. L’envie. La peur. Le besoin.