Julian faisait tourner son café dans la tasse, distrait, les yeux posés sur les chiffres d’un tableau qu’il ne lisait plus. Depuis le matin, il avait enchaîné les réunions, les synthèses d’analyses stratégiques, les messages urgents venus de Londres et de Singapour. Et pourtant, depuis une heure, une seule pensée continuait de faire surface, comme un écho discret mais persistant : Emilia Carter.Il l’avait convoquée la veille au soir pour lui annoncer qu’elle serait intégrée au projet mVector en tant qu’analyste dédiée. Une décision qui s’était imposée presque naturellement après son initiative lors de l’incident technique. Mais ce qu’il n’avait pas anticipé, c’était sa propre réaction face à elle. Sa posture droite, sa voix claire mais prudente, son regard un peu trop fuyant pour être indifférent… Il n’avait pas été préparé à ce que cette rencontre laisse une impression.Il reposa sa tasse avec un soupir discret. Une autre image surgit dans son esprit : celle d’Emilia quittant la sal
Le lendemain, l’atmosphère avait changé. L’annonce de sa nomination au comité de supervision du projet M-Vector s’était répandue aussi vite qu’un éclair dans un ciel d’orage. Certains la félicitaient à voix haute, d’autres se contentaient d’un regard mi-curieux, mi-soupçonneux. Mais dans son esprit à elle, un seul nom résonnait, encore et encore, comme un battement sourd : Lucien Brémaud. Il figurait sur le document transmis par la direction ce matin-même : organigramme de travail, répartition des missions, équipes rattachées au comité. Lucien était mentionné en tant que consultant externe rattaché à la branche partenariats stratégiques. Et elle allait devoir travailler avec lui. Ses doigts s’étaient crispés sur le dossier imprimé. Elle l’avait lu et relu, espérant une erreur, une confusion de nom. Mais non. C’était bien lui. Elle s’était levée de son bureau, comme pour échapper au vertige. L’open space semblait soudain flou, les conversations assourdies. Elle s’adossa à une clo
Le couloir qui menait au bureau de Julian Vale semblait plus étroit que d’habitude. Emilia avançait d’un pas mesuré, le cœur battant plus vite qu’elle ne l’aurait souhaité, mais le visage impassible. Chaque talon résonnait sur le sol brillant, un écho régulier et presque solennel dans cette grande entreprise où tout était question de maîtrise et d’efficacité. Elle avait été prévenue : Julian Vale souhaitait la rencontrer. Pas pour une sanction, ni pour un reproche, mais parce qu’il avait été impressionné par son intervention récente lors de la crise du projet M-Vector. Une reconnaissance officielle, c’était rare, presque inattendu. Pourtant, Emilia sentait bien que cette rencontre, loin d’être anodine, serait un tournant. Le bureau de Julian Vale était d’une sobriété élégante, reflet parfait de l’homme qui l’occupait. De grandes baies vitrées laissaient filtrer une lumière tamisée, dévoilant un panorama urbain baigné dans une lueur presque immobile. L’atmosphère, feutrée et profess
Une semaine s’était écroulée depuis que le dossier M-Vector lui avait été confié, et Céleste n’attendait qu’une chose, que sa surprise se dévoile. Ce matin-là, le bâtiment principal d’EverCore vibrait d’une tension inhabituelle ce matin-là. Rien de visible à l’œil nu, pas encore. Mais les regards échangés dans les couloirs, les claviers tapotés plus nerveusement que d’ordinaire, les téléphones dégainés dès le seuil des bureaux franchi : tout indiquait qu’une anomalie s’était glissée dans le système. Emilia le comprit dès son arrivée. À peine avait-elle franchi les portes vitrées que son badge s’activa deux fois, comme hésitant à lui accorder l’accès. Ce n’était pas une erreur courante. Elle afficha un froncement de sourcils parfaitement maîtrisé et poursuivit sa progression. Une notification clignotait déjà sur son téléphone professionnel. « Incident sur le serveur central du projet M-Vector. Réunion d’urgence à 8h45. Présence indispensable. » Elle n’avait même pas eu le temps
Depuis sa rencontre avec Eleanor Vale, deux semaines s’étaient écoulées. Deux semaines intenses, durant lesquelles Emilia Carter s’était fondue avec brio dans l’organigramme d’EverCore. Le travail que Daniel lui avait confié en amont – un audit interne sur les projections de fusion d’une filiale asiatique – avait été mené d’une main experte. Ses conclusions, claires et audacieuses, avaient attiré l’attention. Elle ne s’était pas contentée de répondre à la commande : elle avait anticipé des problématiques ignorées jusque-là, proposé une réorganisation plus efficiente, et livré le tout avant la date prévue.Depuis, les choses s’étaient accélérées.Daniel lui avait confié deux nouvelles missions. Ethan, qu’elle croisait désormais plus fréquemment, semblait la jauger d’un œil neuf. Et plusieurs cadres avaient commencé à l’intégrer dans leurs échanges, sollicitant son avis avec une déférence discrète. Elle avait gagné du terrain, rapidement. Comme prévu.Emilia rentrait tard. Trop tard pou
La lumière du soir baignait la villa Vale dans une teinte dorée. Depuis l’une des larges baies vitrées, Julian contemplait sans vraiment voir le jardin parfaitement entretenu. Il avait passé la journée enfermé en réunion, pris dans une avalanche de décisions et de dossiers, mais un appel avait suffi à changer le rythme de ses pensées. Eleanor. Il ne savait même pas pourquoi il avait eu envie de l’appeler, juste… un besoin diffus de l’entendre. Elle lui avait répondu, la voix légère, visiblement de bonne humeur. Elle n’avait pas pu venir tout de suite, lui avait dit qu’elle était avec une amie. Une certaine… Emilia. Le prénom ne lui avait pas paru totalement étranger. Mais il n’avait pas insisté. Quinze minutes plus tard, il entendit le bruit caractéristique de la porte d’entrée, puis les pas familiers de sa sœur. — Je suis là, annonça-t-elle en retirant son manteau. Julian se tourna vers elle, un demi-sourire aux lèvres. — Tu étais avec cette fameuse amie ? — Oui, confirma-t-elle