LOGINClaire se tenait immobile dans le vaste hall de l’immeuble de bureaux, au cœur du quartier d’affaires parisien. Ses jambes tremblaient si fort qu’elle avait l’impression qu’elles allaient céder à tout moment. Sa vision était brouillée, ses oreilles bourdonnaient, étouffant les bruits autour d’elle. Pendant un long instant, elle resta là, figée, serrant les documents du divorce contre sa poitrine comme une insensée.
Les employés passaient devant elle sans qu’elle ne les voie vraiment.
Les larmes commencèrent à tomber, une à une.
Elle pleurait sans sanglots, sans bruit, sans expression. Seul le mouvement irrégulier de sa poitrine prouvait qu’elle respirait encore.
« Claire ! »
La voix de Mathieu fendit l’air. Il venait de garer sa voiture devant l’entrée et courait vers elle.
Elle ne réagit pas.
« Allez, viens. Partons d’ici », dit-il doucement en lui prenant la main.
« Si Élise te voit dans cet état, elle va savourer chaque seconde. »
Il la guida jusqu’à la voiture et l’aida à s’installer sur le siège passager.
« Tu veux rentrer ou— »
« Je veux aller dans un endroit où je peux crier aussi fort que je veux », l’interrompit Claire, le regard fixé sur la vitre.
Ses larmes coulaient librement, sans qu’elle tente de les essuyer. Son cœur était réduit en poussière. Elle n’aurait jamais imaginé qu’aux yeux d’Henri, elle n’était qu’un détail insignifiant, facile à effacer.
Mathieu acquiesça.
« Je connais l’endroit parfait. »
Cinq minutes plus tard, la voiture s’arrêta devant un immeuble moderne dominant la Seine.
« C’est mon cabinet », dit Mathieu en confiant les clés au voiturier.
Claire ne répondit pas. Elle descendit et le suivit docilement, le visage vide, dénué de toute émotion. Quelques regards curieux se posèrent sur eux, mais elle s’en moquait complètement.
« Par ici. »
Mathieu l’emmena vers l’ascenseur le plus éloigné. Quelques secondes plus tard, ils montaient vers le dernier étage.
« Cinquante-quatrième », annonça l’ascenseur dans un léger tintement.
Lorsqu’ils arrivèrent sur le toit-terrasse, le vent frais de Paris fouetta le visage de Claire.
« Tu pourrais être tentée de sauter plus tard », plaisanta Mathieu à voix basse,
« alors je préfère ne pas lâcher ta main. »
Claire ne répondit pas. Elle ne protesta pas non plus. C’était comme si son âme avait déserté son corps.
Elle avait idolâtré Henri.
Elle l’avait aimé avec une dévotion aveugle, plus qu’elle ne s’était jamais aimée elle-même.
Et lorsque cet amour lui avait été rendu par la cruauté, la douleur dans sa poitrine était devenue insupportable.
« Bon, il n’y a personne », dit Mathieu en relâchant enfin sa main et en reculant.
« Tu peux crier autant que tu veux. Fais comme si j’étais un mur. Ignore-moi. »
Claire leva les yeux.
Le ciel parisien était limpide, presque cruel dans sa beauté, contrastant avec la tempête qui ravageait son cœur.
Elle inspira profondément.
Puis elle cria.
Un cri brut, déchirant, venu du fond de sa poitrine.
Puis un second.
Puis un troisième.
Étrangement, après le troisième, sa poitrine sembla s’alléger. Elle se pencha en avant, haletante.
« Ça va ? » demanda Mathieu en posant une main rassurante dans son dos.
Claire se redressa lentement et hocha la tête.
« Tout Paris doit rire de moi, non ? Ils doivent me prendre pour une folle… »
Mathieu ricana doucement.
« Et alors ? Tu es Claire Laurent. Tu peux encaisser bien pire que ça. »
Elle secoua la tête.
« Je fais semblant d’être forte… Je ne sais même pas ce que je vais faire maintenant », murmura-t-elle en fixant le ciel.
« Un pas à la fois. Tout finira par s’arranger », répondit-il calmement.
« Et si on mangeait des sushis ce soir ? »
Claire soupira.
« Je ne peux pas continuer à rester chez toi… Peut-être que ce soir je vais juste— »
« N’importe quoi », la coupa Mathieu sans hésiter.
« Tu n’as rien préparé pour ce divorce soudain. Tu restes chez moi aussi longtemps que tu veux. Aussi longtemps que tu en as besoin. »
Claire le regarda.
Elle avait tant de questions sur son retour soudain dans sa vie, mais son chagrin l’avait vidée de toute énergie. Son esprit était saturé par Henri… par Élise… au point qu’elle aurait voulu pouvoir détacher sa tête un instant.
« Il y a du monde qui arrive », dit Mathieu en entendant des rires au loin.
« Tu veux rester ici ? »
Claire secoua lentement la tête.
« Non… allons-y. »
Ils roulèrent jusqu’à un restaurant japonais discret près de Saint-Germain-des-Prés.
« Tu veux entrer ou tu préfères m’attendre ici ? » demanda Mathieu en se garant.
« Je vais attendre dans la voiture, si ça ne te dérange pas », répondit-elle en baissant la vitre.
« Bien sûr que non ! J’en ai pour quinze minutes. »
Il sortit et disparut à l’intérieur.
Claire posa son menton sur le rebord de la fenêtre, observant son dos s’éloigner.
Quelques minutes plus tard, une voiture noire s’arrêta devant elle.
Une berline de luxe.
Une voiture qu’elle connaissait trop bien.
Henri en sortit.
Élise le suivait.
Une douleur aiguë transperça la poitrine de Claire. Son cœur battait comme si une lame venait de s’y enfoncer.
Ils dînent ensemble… comme si rien ne s’était jamais passé.
Elle détourna le regard lorsque Élise s’accrocha au bras d’Henri. Elle s’apprêtait à refermer la vitre lorsqu’un homme ivre, chantant à tue-tête devant le restaurant, attira leur attention.
Henri se retourna.
Leurs regards se croisèrent.
Claire se sentit piégée.
Le ricanement méprisant d’Élise la ramena brutalement à la réalité. La haine monta en elle, brûlante, incontrôlable.
« Henri, ton client t’attend à l’intérieur. On y va ? » dit Élise en lui caressant la joue.
La colère de Claire explosa.
« SALOPE ! »
Élise se retourna, furieuse.
« QU’EST-CE QUE TU AS DIT ?! »
« Élise, calme-toi, on est en public », prévint Henri.
Mais Claire avait déjà ouvert la portière et sauté hors de la voiture.
« MONSTRE ! MEURTRIÈRE DE BÉBÉ ! » hurla-t-elle en s’approchant et en giflant Élise violemment.
« CLAIRE ! » cria Henri.
Elle tremblait de tout son corps. Elle voulut frapper encore, mais Henri lui saisit le poignet.
« Ça suffit », dit-il froidement.
« Accuser Élise et la frapper comme ça, c’est inacceptable. »
Sa voix lui transperça le cœur.
Claire ricana, essuyant ses larmes.
« Je ne vous pardonnerai jamais. Jamais. »
Elle cracha au sol, heurta brutalement l’épaule d’Élise et s’éloigna.
Elle traversa la rue animée, la vue brouillée par les larmes—
Une voiture arriva à toute vitesse.
L’impact fut brutal.
Le monde bascula dans le noir.
« CLAIRE ! »
***
« Tu es réveillée ? »Claire eut du mal à ouvrir ses paupières lourdes. Sa vision était encore floue lorsqu’elle aperçut Mathieu penché au-dessus d’elle, observant attentivement son visage. Elle ne répondit pas, se contentant de cligner lentement des yeux.Mathieu poussa un soupir de soulagement. « Tu sais depuis combien de temps tu dormais ? » demanda-t-il, visiblement très inquiet.Claire essaya de secouer la tête, mais sa nuque était raide. « Non… » murmura-t-elle d’une voix presque inaudible, la gorge sèche.« Deux semaines ! Tu étais dans le coma depuis deux semaines ! Claire, tu te rends compte à quel point ta vie est précieuse ? Comment as-tu pu essayer de te faire du mal pour un homme comme Henri ? »Claire fronça les sourcils. « Qu’est-ce que tu viens de dire ? »« Tu ne t’es pas jetée volontairement sous une voiture cette nuit-là ? »Elle fronça davantage les sourcils. « Non. J’ai été renversée parce que je ne regardais pas en traversant la rue… Je suis désolée de t’avoir ca
Claire se tenait immobile dans le vaste hall de l’immeuble de bureaux, au cœur du quartier d’affaires parisien. Ses jambes tremblaient si fort qu’elle avait l’impression qu’elles allaient céder à tout moment. Sa vision était brouillée, ses oreilles bourdonnaient, étouffant les bruits autour d’elle. Pendant un long instant, elle resta là, figée, serrant les documents du divorce contre sa poitrine comme une insensée.Les employés passaient devant elle sans qu’elle ne les voie vraiment.Les larmes commencèrent à tomber, une à une.Elle pleurait sans sanglots, sans bruit, sans expression. Seul le mouvement irrégulier de sa poitrine prouvait qu’elle respirait encore.« Claire ! »La voix de Mathieu fendit l’air. Il venait de garer sa voiture devant l’entrée et courait vers elle.Elle ne réagit pas.« Allez, viens. Partons d’ici », dit-il doucement en lui prenant la main. « Si Élise te voit dans cet état, elle va savourer chaque seconde. »Il la guida jusqu’à la voiture et l’aida à s’insta
Une semaine plus tard,Les blessures à la tête et à la jambe de Claire s’étaient nettement améliorées. Elle pouvait désormais marcher sans douleur intense. Debout devant le miroir, elle ajusta la chemise blanche qu’elle portait. Elle était certaine d’avoir beaucoup maigri : ses joues s’étaient creusées et sa taille s’était affinée.Un coup frappé à la porte entrouverte la fit se retourner.Mathieu se tenait là, vêtu d’un costume gris, un large sourire aux lèvres, un café à la main.« Prête ? »Claire hocha la tête.« Est-ce que j’ai l’air… pitoyable ? » demanda-t-elle en se tournant à nouveau vers le miroir, peu sûre d’elle à l’idée de revoir Henri.Mathieu haussa un sourcil.« Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? Tu veux juste qu’il signe les papiers du divorce, non ? »Claire soupira profondément, incapable de répondre avec certitude.« Je veux laisser une impression inoubliable… lui montrer que je ne suis pas brisée, même s’ils ont essayé de me détruire. »Soudain, Mathieu fr
Claire sentit son corps heurter violemment les marches de pierre. Du coin de l’œil, elle aperçut Élise hurler « À L’AIDE ! », puis tout bascula dans le noir.La seule chose qu’elle perçut encore fut une chaleur étrange entre ses cuisses.---« Madame Spectre ? Vous m’entendez ? »Claire ouvrit lentement les yeux. Une odeur de lavande flotta jusqu’à elle. Elle se rendit compte qu’elle se trouvait dans une pièce inconnue.« Où suis-je… ? » murmura-t-elle. Son corps lui semblait étrangement absent, comme s’il ne lui appartenait plus.« Vous êtes à l’hôpital Sainte-Élisabeth, Madame. Je suis le docteur Théo… »La voix du médecin se brouilla. Les images de la matinée envahirent son esprit.Élise… la pluie fine… les marches glissantes… le lac… et…« Mon bébé ! » cria Claire soudainement, comme si son âme avait brutalement réintégré son corps.« Mon bébé va bien ?! »Avant même que le docteur ne puisse répondre, la porte s’ouvrit.Claire leva les yeux.« Henri ! Notre bébé ! Il va bien ? »E
« Mathieu ? »Claire se redressa brusquement, surprise. Mathieu Lemaire lui adressa un large sourire.« Je ne pensais pas que tu te souviendrais encore de mon visage, alors que tous nos autres amis m’ont oublié », dit-il d’un ton léger.Claire déglutit. Mathieu Lemaire était son ami de lycée, autrefois connu comme le garçon rondouillard, couvert d’acné, toujours plongé dans ses livres. Elle ne s’attendait pas à le voir aussi transformé.« Tu as changé… » murmura-t-elle en le détaillant de la tête aux pieds.Mathieu ricana.« Les gens changent. Mais dis-moi… pourquoi l’hôtesse de la soirée pleurait-elle si tôt ? »Claire essuya le coin de son œil avec un doigt encore tremblant.« Je ne pleurais pas. J’ai juste quelque chose dans l’œil », répliqua-t-elle, refusant de paraître faible.Mathieu hocha la tête à deux reprises.« Tu ne te demandes pas pourquoi je suis ici ? »Claire haussa les épaules, le regard déjà attiré par Henri et Élise, qui s’éloignaient main dans la main vers un endro
Là, tout près de la piscine, Henri et Élise s’enlaçaient comme un couple séparé depuis trop longtemps. Ils ne prêtaient aucune attention à l’agitation autour d’eux, comme si le monde n’avait plus existé que pour eux deux.Claire détourna aussitôt le visage, livide. Elle sentit chacune de ses articulations la faire souffrir, tandis que sa poitrine se serrait douloureusement, comme écrasée par un poids immense.« Madame ? » murmura Lucie, la gorge nouée par la culpabilité.« Ça va… je descends tout de suite », répondit Claire en tentant de maîtriser les tremblements de son corps. Elle savait qu’Henri ne l’avait jamais vraiment aimée, mais être trahie sous ses yeux relevait de l’humiliation pure.« Madame, ce n’est peut-être pas aussi grave que cela en a l’air », osa Lucie, incapable de rester silencieuse face à la détresse de sa patronne.Claire esquissa un sourire fragile.« Merci pour tes paroles, Lucie. »Elle quitta la chambre, la main droite posée sur sa poitrine, tentant de calmer







