Elara
Le jour du banquet arriva enfin. La salle du trône était décorée de tentures d’or et de pourpre, la lumière des chandeliers jetant des ombres dansantes sur les murs de pierre. Des musiciens jouaient des airs sombres et majestueux, tandis que les invités se pressaient autour des tables, vêtus de robes splendides et de costumes riches. Le royaume de Valdoria était, pour une soirée, un lieu de célébration, bien que la tension dans l’air fût palpable. La cour était toujours un lieu d’intrigue et de politique, et ce soir ne ferait pas exception.
Je circulais parmi les invités, vêtue de ma simple robe de travail, portant des plateaux de nourriture et de vin. Les nobles, bien qu’ils me considéraient comme invisible, m'observaient parfois du coin de l'œil, murmurant à propos de la tâche particulière qui m’avait été confiée. Il n’était pas courant qu’un domestique soit appelé à jouer un rôle aussi important, et encore moins pour une robe destinée à un événement royal. Je m’efforçais de rester discrète, de me fondre dans la foule, tout en gardant à l’esprit l’importance de ma mission.
Le roi Aldric, comme toujours, se tenait au centre de l’attention. Son trône, placé sur une estrade élevée, dominait la grande salle. Il était vêtu d’une tunique noire et d’une cape rouge, symbole de sa puissance et de son autorité. Son regard perça la salle, froid et impénétrable, mais son visage était marqué par une fatigue que personne n’avait l’habitude de voir.
Le banquet se poursuivit dans une ambiance de grande cérémonie, mais il y avait un léger frémissement dans l’air. Alors que la soirée avançait, je me trouvais à une table discrète, observant les invités et les interactions entre les différents seigneurs du royaume. Pourtant, mon regard se tournait inlassablement vers le roi. Il semblait plus pensif que d’habitude, moins souverain, presque… humain. Il buvait lentement son vin, les yeux rivés sur un point invisible dans la salle.
Je me demandais brièvement si ce changement était dû à la situation du royaume, ou si quelque chose d’autre, de plus intime, affectait le roi. Peut-être ressentait-il lui aussi cette solitude écrasante, cette absence qui pesait sur ses épaules depuis des années. J’en étais presque certaine. Mais je ne pouvais me permettre de m’attarder sur ces pensées. Je n'étais qu’une servante, et il était un roi. Nos mondes n'étaient pas faits pour se mélanger.
Soudain, un serviteur vint m'indiquer que le roi souhaitait me parler. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. C'était la première fois qu'il me convoquait en dehors de mes tâches normales. La robe que j’avais confectionnée était désormais présentée sur l’estrade, mais le regard du roi ne s’était pas encore arrêté sur elle. Il était encore plongé dans une conversation avec un noble venu des terres du nord.
Je m’avançai lentement, les mains tremblantes. Je m'inclinai légèrement devant lui, et pour la première fois, il me regarda directement dans les yeux. Pour un instant, il sembla hésiter, comme s’il ne savait pas comment aborder cette rencontre. Puis il parla d’une voix plus douce, moins autoritaire.
"Elara," dit-il, son regard me scrutant avec une intensité inhabituelle. "Venez ici."
Je m'approchai, les yeux baissés, et m’arrêtai à quelques pas de lui, attendant qu’il poursuive.
"Je vois que vous avez fait un travail remarquable. La robe, je veux dire." Il marqua une pause. "Elle est belle. Peut-être même plus belle que ce que j’avais imaginé."
Un frisson me parcourut, et une chaleur envahit mon visage, bien que j’eusse essayé de rester calme. "Je suis honorée que cela vous plaise, Sire."
Il me regarda longuement, comme s’il cherchait à découvrir quelque chose en moi. "Vous êtes différente des autres. Vous ne me regardez pas comme les autres." Il y eut un silence lourd entre nous, presque palpable. "La plupart des gens à la cour ont peur de moi, vous savez. Mais vous… vous ne semblez pas avoir peur."
Je fus surprise par cette remarque. Je me pinçai les lèvres avant de répondre : "Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de craindre un homme tant qu’il ne nous fait rien. Vous êtes un roi, Sire, et j’ai appris à respecter les lois de ce royaume."
Aldric me scruta un moment, son regard perçant semblant sonder mon âme. Puis, lentement, un léger sourire se dessina sur ses lèvres. "Les lois du royaume…", murmura-t-il, comme s’il réfléchissait à ses propres mots. "Oui, bien sûr. Les lois."
Il se tourna légèrement, comme s’il voulait échapper à un fardeau invisible, puis revint vers moi. "Elara, il y a des choses… des choses que je n’ai jamais partagées avec personne. Mais parfois, la solitude est un fardeau trop lourd à porter. Et ce soir, ce fardeau me semble plus lourd que jamais."
Je sentis mon cœur se serrer. Il y avait une vulnérabilité dans ses paroles qui me toucha profondément. Le roi n’était plus l’homme impitoyable qu’il semblait être aux yeux de tous. Il était… humain, finalement. Un homme qui portait son passé comme un fardeau, un homme qui avait souffert et qui se battait contre ses propres démons.
Avant que je ne puisse répondre, un bruit soudain interrompit la conversation. Le duc d'Andros s’approcha, son visage marqué par un sourire politique. Il salua le roi et fit un commentaire sur l’événement. Le moment de connexion entre Aldric et moi se brisa instantanément.
"Je vous laisse," dit Aldric, avec une expression de lassitude. "Merci encore pour votre travail, Elara. Vous pouvez vous retirer."
Je m’inclinai respectueusement, mon esprit en ébullition. Je n’arrivais pas à croire ce qui venait de se passer. J’avais eu un aperçu de l'homme derrière le masque royal, un homme qui, pour la première fois, semblait m’avoir vue non pas comme une servante, mais comme une personne.
Je m’éloignai, mais mon cœur était empli d’une étrange mélancolie. Je savais que ce qui venait de se passer n’était qu’un petit moment dans le grand tableau du royaume. Mais ce simple échange laissait entrevoir une possibilité que je n’aurais jamais imaginée : le roi Aldric n’était pas simplement un tyran sans cœur, mais un homme capable de ressentir la douleur, la solitude… et peut-être même le désir.
Ce banquet, en apparence une simple célébration, était devenu le point de départ d’un chemin que je n’aurais jamais cru emprunter. Un chemin semé de doutes, de secrets et de possibilités.
Pensé par AldricLe vent souffle fort ce soir-là, une promesse d'un changement imminent. Je me tiens une fois de plus sur les remparts du château, observant l'horizon avec une intensité nouvelle. La guerre que j'ai espéré éviter est désormais inévitable. Les dernières semaines ont été marquées par des alliances secrètes, des intrigues et des manœuvres politiques qui se sont intensifiées à mesure que la tension montait. J'ai pris ma décision finale : il est temps d'agir.Elara, à mes côtés, observe également la vaste étendue du royaume. Je sais que le poids du pouvoir pèse lourd sur mes épaules, mais je sais aussi qu’elle est prête à affronter ce qui va venir. "Ils ne nous laisseront pas de répit, Aldric. Ils veulent tout ou rien. Cette fois, il n’y a pas de place pour les demi-mesures."Je tourne mon regard vers elle, un sourire fatigué mais résolu sur les lèvres. "Je l'ai toujours su. Mais chaque choix a un prix. Et ce prix, Elara, pourrait bien être notre dernier test."La guerre qu
Par AldricLes jours qui suivent sont remplis d'une tension qu'on ne peut ignorer. Le royaume se trouve à un carrefour dangereux, et bien que la confrontation directe avec les traîtres et conspirateurs ait laissé des cicatrices profondes, la véritable épreuve est encore devant nous : comment maintenir la stabilité après avoir révélé la vérité sans sombrer dans le chaos qui semble tout engloutir ?Après la réunion, certains seigneurs se sont retirés dans un silence lourd, leurs visages marqués par l'incertitude. D'autres, plus audacieux, ont ouvertement défié mes décisions, et leurs murmures de mécontentement se propagent à une vitesse alarmante. Ceux qui s’opposent à mes réformes semblent se regrouper, transformant une simple crise de loyauté en un véritable combat pour l’avenir du royaume.Elara et moi savons que la paix fragile que nous avons obtenue se fissure lentement. De nouvelles alliances se forment, des trahisons se trament dans l'ombre. Le vent, toujours porteur de rumeurs,
(Aldric)Le château est plus tendu que jamais. Les seigneurs arrivent un à un, leurs visages marqués par l’anticipation, mais aussi, pour certains, par la nervosité. Je me suis préparé à cette réunion comme jamais auparavant. La vérité, même si elle est douloureuse, doit être confrontée. Je ne peux plus reculer.Elara, toujours à mes côtés, observe les arrivées avec une attention aiguisée. Elle sait que les enjeux sont plus élevés que jamais. Les murmures qui circulent sur la corruption et les trahisons au sein même du conseil sont désormais un poison qui se répand à travers tout le royaume. Il est crucial de répondre à ces accusations de manière décisive et sans hésitation.Je prends place sur mon trône, mon regard perçant scrutant la salle. Les seigneurs, bien que dissimulant leurs émotions, ne peuvent s’empêcher de ressentir le poids de la situation. La salle est remplie, mais l’atmosphère est tendue, presque palpable."Mes seigneurs", je commence d’une voix calme mais ferme, "nous
Par AldricLes jours qui suivent la grande réunion sont étrangement calmes. Une tranquillité précaire s’étend sur le royaume. Le vent, jadis porteur de rumeurs de rébellion et de dissidence, semble plus doux désormais, comme si la tempête avait été temporairement dissipée par mes paroles et les compromis obtenus. Mais je sais que la paix n’est jamais aussi simple. Chaque geste, chaque décision, porte son lot de conséquences.Elara, toujours vigilante, ne partage pas totalement mon optimisme. "Vous avez gagné une bataille, mais la guerre, elle, n'est pas terminée", me rappelle-t-elle un matin alors que nous nous entretenons dans le bureau du roi. "Il y a encore des forces dans l'ombre, des alliés de ceux qui conspirent encore contre vous. Ils attendent le bon moment."Je hoche la tête, contemplant la carte étendue devant nous. Le royaume semble plus stable, mais la fragilité de la situation reste là, tapie sous la surface."Je sais", lui réponds-je. "Mais nous avons donné à ceux qui do
AldricElara me regarde longuement, la lumière qui filtre par les fenêtres illuminant ses traits décidés. Elle semble hésiter, mais son instinct ne la trompe jamais. "Que veux-tu dire, exactement ?"Je prends une profonde inspiration avant de répondre, mes pensées se formant lentement. "Je vais proposer une grande réunion. Tous les seigneurs, les nobles du royaume, et même ceux qui s’opposent encore à nos réformes. Une réunion où chacun pourra exprimer ses préoccupations et ses idées. Peut-être que, dans cet échange, nous pourrons trouver une voie commune."Elara me scrute, un air de défi dans ses yeux. "Une réunion… avec ceux qui conspirent encore contre toi ?""Oui", dis-je simplement, la certitude d’avoir choisi la voie la plus difficile s’installant en moi. "Mais c’est la seule façon de dissiper la rumeur avant qu’elle ne se transforme en tempête. Si nous n’agissons pas maintenant, nous serons pris au piège, et il sera trop tard."Elle réfléchit un instant avant de hocher lentemen
AldricLe calme qui règne sur le royaume depuis la confrontation à la forteresse est trompeur. Il est trop parfait, trop silencieux. Un souffle d’air froid s’infiltre à travers les fenêtres entrouvertes de mon bureau, soulevant les lourdes tentures sombres. Je fixe les flammes vacillantes des bougies, perdu dans mes pensées.Les seigneurs qui ont hésité à se rallier à la rébellion ne sont pas tous convaincus. Je l’ai vu dans leurs yeux, senti dans leur manière de parler. Ils n’ont accepté qu’en surface, attendant le moment propice pour se détourner. Certains attendent encore que l’ombre du chaos s’abatte de nouveau pour se positionner du côté qui leur sera le plus avantageux.Un mouvement près de la porte attire mon attention. Elara entre, silencieuse comme une ombre. Ses pas ne font aucun bruit sur le sol de pierre, et pourtant, sa présence remplit la pièce d’une tension familière.— Ne nous laissons pas endormir par cette accalmie, dit-elle d’un ton calme mais tranchant comme une la