Léo
Le soleil perce à peine à travers les barreaux de ma cellule. Je suis réveillé depuis longtemps, assis sur le bord du lit, en train de repasser les événements de la veille dans ma tête. Deux filles ont essayé de me tester. Cigarette et Rasée.
Elles ont compris. Je ne suis pas une proie facile.
Mais ça ne veut pas dire que les emmerdes sont terminées. Au contraire. Quand tu survis à une première attaque en taule, deux choses peuvent arriver : soit on te respecte, soit on t'attend au tournant.
La grille s’ouvre brusquement.
— Morgan, réfectoire.
Une gardienne, l’air blasé.
Je me lève et la suis dans les couloirs. L’atmosphère est différente ce matin. Des regards échangés, des murmures. Je le sens. Quelque chose se prépare.
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Le Réfectoire – Nouveau Terrain de Jeu
Dès que je franchis la porte du réfectoire, je sais que je suis attendu.
Mira est installée à sa table habituelle, sa « meute » autour d’elle. Son regard croise le mien. Elle n’a pas oublié notre échange d’hier.
J’avance, plateau en main, balayant la salle du regard. La tension est là, palpable. Deux camps se dessinent. Celles qui veulent me voir me planter, et celles qui se demandent si je peux être un allié.
Je vais pour m’asseoir à une table isolée, mais une voix m’arrête.
— Ici.
Je lève les yeux. Mira.
Son invitation claque dans l’air comme un ordre. Toute sa clique me fixe. Certaines avec curiosité, d’autres avec défiance.
Je pourrais refuser. Mais ça serait une erreur. Ici, refuser une invitation de la cheffe, c’est la provoquer. Et je n’ai pas encore envie d’une guerre ouverte.
Alors, je me dirige vers leur table et pose mon plateau.
Mira me scrute un instant, avant de sourire légèrement.
— Pas trop rouillé, Morgan. T’as tenu bon cette nuit.
Des murmures autour de nous. Tout le monde sait.
— Fallait bien marquer mon territoire.
Elle rit doucement.
— T’as des crocs, c’est bien. Mais ici, faut aussi avoir un cerveau. Et surtout, des alliés.
Elle plante sa fourchette dans son assiette, la tourne lentement.
— La question, c’est… Tu cherches quoi, ici ?
Je tiens son regard. Je ne peux pas lui dire la vérité. Que je n’ai rien à foutre dans cette prison. Que je ne veux qu’une chose : sortir.
Alors je réponds autre chose. Une vérité qui ne me met pas en faiblesse.
— Ma place.
Mira hoche lentement la tête, amusée.
— On verra si tu peux la mériter.
Je le sais : cet échange n’est pas une acceptation. C’est une mise à l’épreuve.
Et les vraies épreuves ne tarderont pas.
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Un Cadeau Empoisonné
L’après-midi, alors que je retourne vers ma cellule, je sens qu’on me suit.
Je me retourne. Une fille, seule, un peu nerveuse. Léa.
Elle a une silhouette fine, des cheveux attachés en queue de cheval et un regard qui ne cesse de fuir.
— On peut parler ?
Je l’observe.
— T’as déjà commencé.
Elle déglutit. Elle est jeune, trop jeune pour être ici.
— Écoute, je voulais juste… te prévenir. T’as peut-être marqué des points hier, mais y’en a qui veulent te voir tomber.
— Qui ?
Elle hésite. La peur danse dans ses yeux.
— Groupe de Samira. Elles veulent pas qu’un mec commence à avoir du poids ici.
Samira. Un autre nom à retenir. Je ne l’ai pas encore vue de près, mais si elle a sa propre équipe, ça veut dire qu’elle est dangereuse.
— Et pourquoi tu me dis ça ?
Léa mordille sa lèvre.
— Je… Je déteste ces filles. Elles me pourrissent la vie. Si elles pouvaient tomber, ça m’arrangerait.
Un petit rire m’échappe.
— Donc tu viens m’utiliser comme un pion.
Elle se fige. Mais elle ne nie pas.
— J’ai pas d’autre choix.
Je la fixe un instant.
— Moi non plus.
Elle hoche la tête et s’éloigne rapidement.
Un avertissement, un début d’alliance. Mais à quel prix ?
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Le Premier Coup
La nuit tombe.
Je suis dans ma cellule, allongé sur mon lit, les bras croisés derrière la tête. Je repasse les événements de la journée. Mira, Léa, Samira. Les pions se déplacent déjà sur l’échiquier.
Puis, un bruit.
Lointain. Des pas précipités dans le couloir. Des voix étouffées. Un cri bref.
Je me lève d’un bond et me dirige vers la porte. Je plisse les yeux.
Un corps.
Dans l’ombre du couloir, quelqu’un est allongé au sol. Immobile.
Je jette un coup d’œil aux cellules alentour. Les autres ont vu. Mais personne ne bouge.
J’ai une seconde d’hésitation. Puis je me glisse discrètement dehors.
Mon regard se pose sur le corps. Léa.
Son visage est tuméfié, sa lèvre éclatée, son T-shirt déchiré. Son souffle est rapide, saccadé.
— Merde…
Je m’accroupis à côté d’elle. Ses yeux papillonnent, hagards.
— Samira… souffle-t-elle. Elles ont voulu t’envoyer un message.
Je serre les poings.
Un avertissement.
Je passe un bras sous ses épaules et la relève doucement.
— On va arranger ça.
Elle s’accroche à mon bras, tremblante.
Et à cet instant, je prends une décision.
Je ne vais pas rester spectateur.
Si Samira pense qu’elle peut me briser, elle va vite comprendre qu’elle a fait une erreur monumentale.
Ce soir, j’ai compris une chose.
La guerre vient de commencer.
ÉvaIl y a des moments où le monde semble ralentir, où chaque seconde devient un reflet d’un autre temps, d’une autre vie. Pourtant, ici et maintenant, dans cette pièce baignée par la lumière dorée de l’après-midi, tout se passe à une vitesse fulgurante. Les bruits de la rue s’estompent derrière les fenêtres, la vie continue à l’extérieur, mais ici, dans notre monde à nous, chaque mouvement, chaque pensée est calculée, précise. L’adrénaline de nos vies passées semble se dissiper, mais l’intensité, elle, demeure. Cette intensité silencieuse, palpable, qui flotte entre nous, une force qui nous pousse à avancer, encore et encore. Nous avons survécu à la tempête, à la rage des éléments, à la douleur. Mais ce n’est pas la fin. Non, c’est le début d’autre chose. D’une ère nouvelle.À mes côtés, Léo, toujours aussi calme et concentré, semble avoir trouvé sa place dans ce monde que j’ai reconstruit. Un monde que j’ai voulu solide, implacable, mais aussi, d’une certaine manière, plus doux. Il
ÉvaLes heures se sont glissées dans le silence, dissimulées dans l’ombre de ce que nous avons traversé. Le passé semble si lointain maintenant, presque irréel, et je m’étonne de voir à quel point il peut se dissiper lorsqu’on laisse place à l’instant présent. La ville autour de nous est silencieuse, comme si elle retenait son souffle, comme si elle savait que ce que nous vivons ici est plus grand que tout. Le vent léger de l’aube entre par la fenêtre, caressant ma peau. L’air est frais et pur, mais dans mon cœur, il n’y a plus que la chaleur de ce qui nous lie. Le monde tout entier semble avoir disparu, et il ne reste que lui et moi, dans cet espace intime, où le temps n’a plus d’emprise.Léo est là, adossé contre le mur, ses yeux rivés sur moi. La lumière douce de l’aube se joue de ses traits, éclairant chaque détail de son visage, chaque nuance de son expression. Dans ses yeux, il y a une calme certitude, comme s’il savait que tout ce qui comptait à cet instant n’était pas tout ce
ÉvaLes lumières de la ville brillent au loin, comme des étoiles égarées.Le vent de la nuit fait frissonner les rideaux.Il est tard, trop tard.Mais il n’y a plus de retour possible.Je regarde Léo, assis près de la fenêtre, les yeux perdus dans l’obscurité.Il est là, près de moi, mais tout semble si lointain.Nous avons traversé un océan de sang et de mensonges, et maintenant, l’eau est calme, trop calme.Un silence lourd comme un secret non dit.Tout est terminé, et pourtant, il reste quelque chose, un écho, un murmure d’un autre temps, une promesse que nous avons échangée.Je m’approche de lui, pose une main sur son épaule.Il sursaute à peine, mais je vois la guerre dans ses yeux.La guerre qui ne cesse jamais vraiment.Même quand les coups sont partis, même quand tout est fini.Éva – doucement« Léo, est-ce que tu penses qu’on peut réellement repartir de zéro ?Ou est-ce que tout ce qu’on a fait n’a été qu’un chemin vers un nouveau commencement ? »Il tourne son regard vers mo
LéoLa nuit est tombée en silence, comme une promesse de calme avant l’explosion.Dans le vieux bureau, les papiers sont éparpillés partout.Les dossiers sont maintenant prêts, les preuves rassemblées.L’odeur de l’encre, du vieux papier, et de l’adrénaline flotte dans l’air, imprégnant chaque recoin du lieu comme une alerte avant le départ.Éva n’a pas dit un mot depuis que nous avons commencé à rassembler les morceaux de l’empire.Mais je vois la tension dans ses gestes.Ses doigts effleurent parfois un document, puis se figent.Elle ne me le dit pas, mais je sais.Elle a la même peur que moi : que tout cela n’ait été qu’un rêve.Je m’arrête un instant, le regard plongé dans l’écran de l’ordinateur.Les premières informations sensibles sont en train d’être envoyées à l’adresse codée.Bientôt, le monde saura.Et à cet instant, tout ce que nous avons, tout ce que nous avons bâti – ou détruit – sera exposé à la lumière.Éva – voix calme mais sûre« Qu’est-ce qui nous attend, Léo ?Tu s
ÉvaIl y a quelque chose d’intime, de précieux, dans ce silence entre nous.Pas celui de l’évitement.Non.Un silence qui apaise, qui dit que l’on peut exister l’un à côté de l’autre sans crainte.Quand il se retourne enfin, il s’approche, prend une miette sur ma lèvre avec le pouce.Geste simple. Presque dérisoire.Mais je sens le poids des choses non dites dans son regard.Léo – bas, presque honteux« J’ai peur, tu sais. »Je ne bouge pas.Je ne réponds pas tout de suite.Je laisse son aveu suspendu dans l’air, comme une note fragile qui ne demande qu’à vibrer plus fort.Éva – doucement« Moi aussi. »Nos regards se croisent.Il y a de la peur, oui. Mais aussi une détermination nouvelle.On a déjà trop perdu.On a déjà trop brûlé.Alors maintenant, il ne reste que ce choix : avancer, ensemble.---LéoJe m’assieds en face d’elle, mes coudes sur la table, les mains jointes.Elle me regarde toujours.Pas avec pitié.Pas avec crainte.Mais avec cette lucidité brûlante qui m’a toujours
ÉvaLe soleil n’a pas encore franchi l’horizon.Pourtant, une clarté douce et chaude baigne déjà la chambre.Non celle du jour, mais la sienne.Sa chaleur, son souffle régulier dans mon cou, sa main qui repose encore sur ma hanche.Il dort.Et pour la première fois depuis si longtemps, son visage s’est détendu.Ses traits d’ordinaire tendus par la douleur ou l’inquiétude sont apaisés, presque juvéniles.Je me retourne lentement, veillant à ne pas rompre cette quiétude fragile.Je le contemple.Léo.Mon tumulte. Mon refuge.Ses cils frémissent, effleurent sa joue.Un soupir glisse de ses lèvres. Peut-être rêve-t-il.Peut-être de nous. Peut-être de rien.Je tends la main, effleure sa joue du bout des doigts.Il ouvre les yeux. Ils sont encore lourds de sommeil, mais leur éclat me frappe comme une évidence.Léo – voix rauque, veloutée par la nuit« Tu es encore là. »Je hoche la tête.Je ne réponds pas.Ce silence contient plus d’engagement que n’importe quelle promesse formulée à voix h