AleksandrElle disparaît.Pas dans la mort.Pas dans le silence.Elle devient autre chose.Une lumière étrange irradie du centre de la faille, douce et brûlante à la fois.Elle ne dévore pas.Elle révèle.Je tombe à genoux.J’essaie de me souvenir de son visage tel qu’il était avant tout ça.Avant la magie, les pactes, les dieux brisés.Avant la guerre.Mais tout s’efface.Il ne me reste qu’une sensation.Sa chaleur dans ma paume.Le poids de sa tête contre ma poitrine, une nuit, il y a des siècles.Et cette phrase :« Je t’ai choisi, même quand je n’aurais pas dû. »Je hurle, mais rien ne sort.Le cri reste enfermé dans ma gorge.Le monde se referme sans elle.LysJe me redresse.La terre est fendue sous mes pieds, mais je reste debout.Le vent porte encore les cendres de ce qui fut, mais j’avance.Elle n’est plus là.Mais quelque chose est resté.Je le sens en moi.Un écho. Une étincelle.Je tends les bras.Et la lumière me répond.Ma peau s’illumine, marbrée de lignes dorées qui ne
YviJe ne parle plus.Je n’entends plus.Je deviens.Le Néant n’est pas ce que je croyais.Ce n’est pas une force extérieure.C’est une mémoire.C’est une vérité ancienne.C’est un monde qui existait avant le nôtre, un monde oublié, effacé, recouvert de silence.Quand je tends la main, je ne touche pas des ombres.Je touche des souvenirs.Ils hurlent.Des milliers de voix. Des échos de ce qui fut.Leurs cris ne sont pas douloureux.Ils sont vrais.Je vois des cités que le temps n’a pas construites.Je vois des visages qui m’appellent par un nom que je ne connais pas.Je vois le miroir d’une Yvi que je n’ai jamais été.Et pourtant, je sais.Je sais qu’elle est moi.Je suis la porte.Je suis la fin de quelque chose, et le commencement d’autre chose.Mais je n’ai pas choisi.Pas vraiment.C’est le monde qui m’a poussée à l’oubli.C’est l’histoire qui a refusé de se souvenir de moi.Alors le Néant s’est souvenu.AleksandrJe ne peux plus la suivre.Pas vraiment.Je vois son corps, sa silh
YviLe sol tremble sous mes pieds.Ce n'est pas le vent.Ce n'est pas la mer.C’est le monde qui crie.Je vois les ombres se dresser, se former autour de nous, comme des spectres sortis des brumes anciennes. Le Gardien n’est qu’un nom maintenant. Il n’est plus celui que nous avons combattu. Il est devenu un vestige d'une époque révolue. Le Néant, lui, s’étend. Il s’impose. Il engloutit tout.Je ferme les yeux un instant, cherchant à m'ancrer dans la réalité.Mais ce n’est plus une réalité.C’est une toile déchirée.C’est l’univers lui-même qui vacille.Aleksandr, à mes côtés, semble presque irréel. Sa présence, d’habitude si rassurante, est maintenant teintée de cette même inquiétude que je ressens. Mais il est là. Et son regard… il brûle de cette lueur qui m’a toujours tant fascinée. Il n'a pas peur, du moins pas ouvertement. Il est prêt, comme moi, à faire face à ce qui vient.La mer gronde plus fort. Les ombres approchent, lentement, comme une marée noire. Elles glissent sur le sol
YviIl me regarde, ses yeux cherchant à comprendre.Mais il n’y a rien à comprendre.Tout est trop vaste, trop ancien pour être compris.Je suis devenue l’écho de tout ce qui a été oublié, de tout ce qui a été scellé.Mais le monde change, et je suis la clé de ce changement.Je sens l’air se rafraîchir autour de moi. La marée monte.Les vagues du monde se réorganisent. Les frontières deviennent floues.Et je sais que ceux qui nous ont suivis, nos alliés… ils sentiront ce changement.Ils comprendront que tout ce que nous avons traversé n’était que la première étape.Le Néant n’est pas une fin.C’est une renaissance.KaelJe suis là, à la lisière de la dévastation, observant cette scène.Le Gardien est disparu. Yvi est là, brisée et refaite.Mais je ne sens plus la fin.Je sens un vide qui n’est pas le néant.C’est quelque chose d’autre.Un gouffre, un abîme où tout se fond, où tout renaît.Je dois les rejoindre.Je dois leur dire que rien n’est fini.Que le monde ne sera jamais le même
YviLa lumière que j'ai libérée consume le ciel.Elle n'est pas blanche.Elle est rouge. Dorée. Noire.Elle hurle. Elle arrache le silence des astres.Le Gardien ne bouge pas.Ses yeux brillent comme deux gouffres.Et je comprends. Il ne vient pas pour tuer.Il vient pour juger.— Tu crois pouvoir défaire ce qui a été scellé, dit-il, comme s’il murmurait au monde entier.— Je n’ai rien défait, je réponds. J’ai aimé.Je sens le cœur d’Aleksandr battre dans mon dos.Il est mon ancrage, et ma folie.Je devrais avoir peur. Je devrais être écrasée par l’aura du Gardien.Mais je suis debout.Et je brûle encore.AleksandrJe veux l’arrêter.Je veux la prendre dans mes bras, la cacher, la protéger.Mais je ne peux plus.Ce qu’elle est devenue me dépasse.Elle n’est plus la sorcière que j’ai connue.Elle est feu. Elle est promesse.Elle est fin.Mais je ne partirai pas.— Tu ne la toucheras pas, dis-je au Gardien.Il m’ignore.Comme si je n’étais rien.Le Gardien— Le monde penche, dit-il. La
AleksandrJe veux la prendre, la ramener, la garder.Mais ce lieu n’obéit pas à mes règles. Il se moque de la force, du contrôle, du sang.Il ne veut que la vérité.Et la mienne…C’est qu’elle est plus que tout ce que j’ai connu.Que je suis prêt à brûler avec elle.Ou sans elle.Mais pas à la trahir.Je serre les dents. Je tends la main.— Je ne suis pas un dieu. Mais je la choisis. Encore. Jusqu’au bout.Et là…Le néant gronde.YviIl a dit ce que je n’osais pas.Ce que je redoutais.Je me tourne vers lui. Il est flou. Éclaté. Brillant.Mais il est réel.Et moi…Je ne veux plus partir.Alors je tends la main.Je laisse le feu en moi s’ouvrir une dernière fois.Non pas pour détruire.Mais pour créer.Je ne veux pas être un souvenir.Je veux être la première de mon nom à revenir.Et lui… mon premier monde.La voix murmure encore, presque étonnée :— Tu refuses l’oubli ? Tu refuses la paix ?Je réponds :— Je refuse de disparaître sans lui.Et le ciel, si longtemps muet, se fend.Aleks
YviLa lumière m’aveugle un instant. Puis le monde hurle.Le sol s’effondre sous leurs pieds. Les spectres chancellent, hurlent sans bouche, griffent l’air de leurs crochets invisibles. Mon incantation les frappe de plein fouet, déchire les voiles entre les mondes. Ce n’est pas un sort. C’est un jugement. Une punition. Une dernière offrande.— Tenebrae Lux.Les mots ne sortent pas de ma bouche. Ils déchirent ma gorge. Ils lacèrent mes entrailles. Ils ne sont pas faits pour des vivants. Ce sont des mots de création. De fin. Je sens mes os se fendre. Mon sang siffle. Mon esprit se fendille. Mais je continue.Je dois continuer.Derrière moi, ils luttent. Aleksandr est un tourbillon d’ombre et de rage. Soren manie ses lames comme une danse sanglante, les yeux fous, comme s’il voulait arracher à la mort tout ce que j’ai donné. Kael psalmodie, les mains plaquées contre la terre, s’ancrant pour ne pas sombrer. Lyam reste près de moi. Il ne recule pas. Même lorsque je deviens incandescente.A
YviJe m’avance de deux pas.Assez pour qu’ils voient mes yeux.Assez pour qu’ils sachent que je ne me cache plus.Le Conseil se tient devant nous, rangé comme une meute.Ils sont cinq.Cinq silhouettes encapuchonnées.Cinq ombres figées dans la clarté mourante du jour.Aucun visage.Juste la voix du centre, grave et lente, chargée d’une arrogance ancienne.— Nous ne voulons pas de guerre, dit-il. Pas si tu t’agenouilles.Je ris. Un rire court. Vide.Ce n’est pas un vrai rire. C’est un éclat de dédain, de mépris, de douleur aussi.— Vous ne voulez pas de guerre ? Quelle ironie. Vous m’avez traquée. Marquée. Rejetée. Vous avez tué ma mère. Vous avez sacrifié mon sang. Et aujourd’hui, vous me parlez de paix ?Un frisson passe dans les branches au-dessus de nous.Quelque chose dans l’air change. Comme si la forêt elle-même retenait son souffle.L’un des membres du Conseil fait un pas vers moi.Il est plus grand que les autres, plus massif aussi.Sa cape glisse légèrement, laissant entrev
YviL’air est plus dense qu’il ne devrait. Chaque pas me donne l’impression de repousser une frontière invisible, une limite ancienne qu’on n’aurait jamais dû franchir. Mais nous marchons, ensemble, unis, portés par le souffle du pacte, par l’écho de nos promesses.Je sens leurs regards. Chacun d’eux.Aleksandr, à ma gauche, est une présence brute, entière. Il ne sourit pas. Il ne parle pas. Mais il brûle. Je le connais assez pour savoir ce qu’il pense : il calcule déjà les probabilités, les issues, les sacrifices à consentir. Il me regarde parfois, de biais. Et dans ce regard, il y a la fierté… et cette peur sauvage de me perdre.Kael avance juste derrière, presque en silence, mais sa magie danse déjà au bout de ses doigts. Il ne veut pas que je le voie. Il sait que je le sens. Il est toujours prêt, toujours là. Il m’aime sans drame, sans cri. C’est peut-être ça qui me serre le cœur. Ce calme. Cette foi muette.Soren, lui, joue les insouciants. Il parle à Lyam, fait des blagues, imit