Liés par les Ombres

Point de vue de Sienna

« Elle est passée par ici ! » cria quelqu’un en courant à travers les bois.

Je continuais de courir, ignorant les branches et les hautes herbes qui fouettaient mon corps. Je haletais, mes pieds fatiguaient.

J’étais épuisée, mais je ne pouvais pas m’arrêter. S’ils me rattrapaient, j’étais aussi bien que morte. Je me réfugiai derrière un arbre, essayant de reprendre mon souffle.

« Je la vois ! » cria l’un des hommes.

« Merde ! » grognai-je en recommençant à courir.

S’il te plaît, aide-moi, Déesse de la Lune. S’il te plaît. Je n’en peux plus… Je ne peux plus. S’il te plaît.

Une épine acérée d’une plante égratigna mon genou, et je poussai un cri.

« Putain ! »

« Trouvez-la ! » cria l’un des hommes. Ils se rapprochaient.

J’avais besoin de plus de temps. Je ne pouvais pas les affronter. Ils me tueraient.

« Chère déesse, que dois-je faire ? » murmurai-je en fermant les yeux une seconde.

Je me transformai en ma forme de louve, c’était ma meilleure chance, et j’ouvris les yeux.

Ma louve avait un pelage rouge vif avec des reflets blancs. Elle était plus grande que les loups adolescents ordinaires et je commençai à courir, hurlant avec la lune.

La moitié des hommes capta mon odeur et se transformèrent aussi, bondissant à travers la forêt comme des bêtes enragées. C’étaient les assassins de la Confrérie de Minuit. Certains étaient humains, d’autres des loups-garous comme moi, mais ils avaient tous une chose en commun : ma tête.

Je n’aurais jamais dû être retrouvée si vite. J’avais été très prudente, veillant à ne jamais rester plus d’une nuit au même endroit. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, ils m’avaient retrouvée, et pire encore, j’étais affaiblie à cause de mon flux mensuel.

Quelqu’un m’avait trahie, mais qui ?

J’avais coupé toutes mes connexions.

Qui aurait pu me faire ça ?

Leurs hurlements devinrent plus forts, me faisant frissonner tandis que je poussais plus loin.

Je peux le faire. Il me suffit d’atteindre la frontière. Plus vite, Sienna.

Ils continuaient de grogner, et je commençais à ralentir. Je les vis se rapprocher de mon côté, montrant leurs crocs prêts à me déchirer la peau.

Les autres hommes suivaient sur leurs motos.

Comment… ?

Mon cœur battait à tout rompre et je me forçai à courir plus vite.

Déesse de la Lune. J’ai besoin d’aide. Envoie-moi de l’aide, je t’en supplie !

Les hommes riaient en conduisant leurs motos. « On t’a maintenant. »

L’un d’eux s’approcha, tendant la main pour m’attraper, et je grognai. Il ricana et tenta à nouveau. Ne parvenant pas à m’attraper, il sortit son arme et l’arma.

Je devais agir vite.

Réfléchis, Sienna. Réfléchis.

Ma vision devint soudain floue à cause de la fatigue. Mes poumons brûlaient, mais je continuai de courir.

Puis je la vis, une structure en ruine cachée dans les arbres.

Je créai une diversion, m’arrêtai brusquement et les motos se percutèrent. Les loups qui me poursuivaient bondirent sur moi, mais je les esquivai juste à temps et me précipitai dans une autre direction, évitant leurs griffes et leurs crocs.

Ma louve dévala l’herbe et j’enfonçai mes griffes dans le sol pour ralentir ma course.

Je sifflai de douleur en sentant la brûlure à ma patte. Dès que je m’arrêtai, je me remis à courir, reconnaissante de les avoir semés. Je courus jusque dans les ruines d’une ancienne meute.

Je repris espoir. Je savais qu’ils retrouveraient mon odeur bientôt, mais je pouvais les semer à l’intérieur.

Je continuai, trébuchant sur le sol du vieux repaire et entrai. L’air sentait la poussière et la décomposition. La lumière de la lune traversait le toit effondré, illuminant les meubles brisés et les pierres couvertes de mousse.

Je m’arrêtai, m’appuyai contre un mur et respirai profondément. Il me restait moins d’une minute pour me reposer.

Je repris forme humaine, haletante. J’étais presque nue. Ma transformation précédente avait déchiré mes vêtements ; il ne me restait qu’un sous-vêtement en lambeaux.

À cet instant, je la sentis. Une présence. Froide. Terrifiante.

Je n’étais pas seule. Je bougeai, scrutant les alentours pour repérer la source de cette sensation étrange.

Quelque chose bougea derrière moi et je me retournai, mais trop lentement : une main attrapa ma gorge et me projeta au sol.

Je grognai faiblement, me débattant contre la poitrine de mon agresseur. Son odeur m’était familière, mais il était couvert de la tête aux pieds et portait un masque noir assorti à ses vêtements.

« Lâche-moi ! » dis-je en me débattant.

Ses yeux ambrés s’assombrirent, puis s’adoucirent, glissant le long de mon cou.

« Espèce de pervers ! » criai-je, essayant de le repousser.

« Tu pourras crier dans la tombe, » répondit-il froidement en sortant une dague.

Je le regardai, horrifiée, les yeux suppliants.

« Tu aurais dû continuer à courir. C’est amusant de te regarder, » murmura-t-il.

Mes ongles s’enfoncèrent dans son poignet, sans qu’il ne réagisse à la douleur. « Va en enfer, » crachai-je.

« Laisse-moi t’y emmener la première, » répondit-il, levant son doigt ; ses griffes s’allongèrent, et il me plaqua au sol, m’étranglant de l’autre main.

« Adieu, Sienna, » dit-il alors que je me débattais sous lui.

Ses griffes s’abattirent. Je fermai les yeux, mais il hésita.

Un autre hurlement retentit à proximité, et nous tournâmes lentement la tête vers la source du son.

Dans l’ombre, un énorme loup apparut, au pelage sombre et épais. La peur m’envahit aussitôt en voyant la bête puissante franchir la porte. Ses yeux brillaient d’un or intense.

« Oh, merde, » murmura l’assassin.

Nous sommes morts.

Il grogna, découvrant ses crocs, et je frissonnai. Si je bougeais maintenant, j’avais peut-être une chance de m’enfuir.

« Lâche-moi, » ordonnai-je, mais l’homme ne bougea pas. « S’il te plaît, » suppliai-je.

Le loup noir fit un pas en avant et je hurlai : « Dégage ! »