LIAMLa ville étouffe. Elle crache sa chaleur comme un animal enragé. Chaque souffle de vent apporte des relents d’essence, de goudron brûlant et de sueur. Les néons clignotent, les klaxons déchirent l’air, les cris des passants me vrillent les oreilles. Mais ce n’est rien face au bruit qui hurle dans ma poitrine.Je marche sans savoir où aller, la capuche tirée sur mon visage, les mains crispées dans les poches. Depuis ce matin, je ressens cette tension, ce poids étrangement vivant, comme une main glaciale posée sur mon cœur. Chaque pas me donne l’impression de marcher à côté de moi-même, prisonnier d’un malaise que je n’arrive pas à nommer.Puis ça frappe.Un vertige violent me coupe les jambes alors que je traverse un carrefour. Le monde s’effondre dans un bruit sourd. Les visages des gens s’étirent comme des ombres mal dessinées, les sons deviennent étouffés, lointains, avalés par un brouillard épais.Mon cœur.Mon cœur explose dans ma poitrine, se tord, comme s’il était broyé par
NERIAHJe sens sa présence avant même de respirer à nouveau.Kael.Tout en lui est une déflagration silencieuse. Chaque particule de l’air semble vibrer, déchirée par la force brute qu’il dégage. La lumière blanche de la salle, crue et froide, se ternit presque face à cette présence sauvage. Mon corps réagit avant même que ma pensée ne le comprenne : ma peau se hérisse, mes muscles se tendent, mon souffle devient court.Il ne bouge pas, mais c’est comme si sa simple existence avait créé une onde invisible, un choc électrique qui déferle dans toute la pièce.Un souffle étrange, lourd et magnétique, glisse contre ma peau. Une chaleur brutale, suivie d’un froid glacé, me lacère, me laisse trembler malgré moi.— Neriah…Un seul mot , comme une lame.Il n’a pas besoin d’en dire plus. Ce murmure fend l’air comme un coup de tonnerre, m’arrache à ma chaise, à ma raison, pour me clouer dans un vertige viscéral. Son regard… Mon cœur s’arrête. Ce regard est un gouffre.Quelque chose se passe , u
NERIAHLa salle de réunion est baignée d’une lumière blanche, presque crue, qui glisse sur les surfaces froides et lisses de la grande table en verre.Les visages autour de moi sont concentrés, absorbés par des chiffres, des graphiques, des projections d’avenir, mais aussi par une sorte de routine mécanique.Leurs voix s’entremêlent en un murmure professionnel, monotone.Je suis là , assise droite, le dos raide, figée dans ce fauteuil.Mais mon esprit est ailleurs , loin.Tiraillé entre une peur sourde qui me serre la poitrine et une anticipation brûlante, affamée, qui me dévore de l’intérieur.J’essaie de suivre les échanges, de répondre aux questions, de noter les points essentiels.Mais tout se brouille.Les mots s’effacent derrière le martèlement régulier, inéluctable, de mon cœur.Chaque tic de la pendule, chaque respiration devient un coup sourd qui résonne dans ma tête.Comme si le temps lui-même voulait m’écraser.Puis, sans prévenir, la porte claque contre le mur avec un brui
NERIAHLe matin est un mensonge.Une caresse fade sur une plaie qui brûle encore.Je suis assise face à Liam, une tasse de café chaude entre les mains. Le parfum du pain grillé, le bruit discret des couverts contre la vaisselle, tout semble normal, presque paisible. Mais rien ne l’est. Pas à l’intérieur.Il parle de projets, de week-end, de tout ce qui pourrait ressembler à une vie simple. Ses mots flottent dans l’air comme des bulles fragiles, et moi, je me contente d’hocher la tête, d’afficher ce sourire qui n’en est pas un.Sous la table, mes jambes tremblent. Et dans ma poitrine, une autre présence pulse.Lui : Kael , je sens qu'il est proche , trop proche.Je détourne le regard, le cœur battant. Liam ne comprend pas, et c’est mieux ainsi. Ses sourcils se froncent légèrement.— Tu es sûre que ça va ?Je relève les yeux vers lui, force un sourire qui me déchire presque les lèvres.— Oui. Juste un matin un peu lourd.Il ne me croit pas. Il ne dit rien, mais je vois ses mâchoires se
KAELJe l’ai sentie.Un fragment d’elle, arraché au néant, venu me heurter en plein cœur.J’étais là, au milieu du hall désert, les poings serrés, prêt à fracasser des murs qui n’avaient rien demandé, quand c’est arrivé. Une décharge. Une secousse dans le lien. Une preuve de vie.Et le pire… c’est que ça ne m’a pas soulagé.Ça m’a brisé un peu plus.Parce que si je l’ai sentie, c’est qu’elle sait.Et si elle sait… c’est qu’elle est déjà repartie.Elle fuit encore.— Kael.La voix de Bryn me rattrape, posée, maîtrisée. Trop calme pour ne pas être calculée. Il s’avance dans le couloir, son manteau détrempé, les yeux plus sombres que la nuit elle-même.— Dis-moi que tu ne vas pas faire une connerie.Je ne lui réponds pas.Je fixe la porte devant moi. Elle est là, derrière. Enfin… elle l’était.Tout dans cette pièce sent Neriah. Sa chaleur, sa colère, son parfum. Et ce vide.— Elle m’a laissé quelque chose.Je tends le morceau d’écharpe, froissé, trempé par mes doigts, comme une offrande
NERIAHLe souffle chaud de Liam contre ma nuque.Sa main sur ma hanche, paume ouverte, possessive dans son sommeil.Le drap glisse sur nos peaux encore moites, et la chambre baigne dans la lumière bleutée de l’aube. Tout semble calme. Lent. Doux.Mais je suis déjà ailleurs.Les yeux ouverts. Le cœur trop rapide. L’estomac noué.Quelque chose vient.Et je le sens. Pas comme un danger. Comme un grondement sous ma peau.— Tu dors encore ? murmure Liam.Je ferme les yeux trop vite. Trop fort. Il le sent.Il se redresse un peu, pose un baiser dans le creux de mon épaule.— Tu es tendue.Je hoche la tête sans répondre. Mes lèvres sont sèches.Ses doigts s’enroulent dans mes cheveux, glissent lentement jusqu’à ma nuque.— Tu fais encore ces cauchemars ? Ceux où tu cries ?Je m’efforce de sourire. Un rictus. Rien de sincère.Je me tourne vers lui, mords ma lèvre pour étouffer l’instinct.L’envie de fuir.Il est beau. D’une beauté rassurante, humaine, simple.Pas comme l’autre.Pas comme lui.