rideaux élimés de la chambre de Fabrice, quand son téléphone vibra sur la table de chevet. Encore ensommeillé, il tendit le bras et regarda l’écran :
Winner : “Gros coup ce soir. Trois boîtes de nuit. On vide les coffres. Tu viens ou pas ?”
Il resta figé quelques secondes. Ce n’était plus un petit vol improvisé. Trois établissements, une seule nuit. Un plan risqué, mais sûrement très rentable. Il prit une grande inspiration, balaya du regard la pièce défraîchie où sa sœur dormait dans l’autre chambre, et répondit :
“J’suis là.”
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La nuit tomba rapidement. Les rues de la ville prenaient leur visage nocturne : néons, klaxons, cris lointains et basses sourdes des clubs en activité. Dans une voiture banalisée garée dans une ruelle peu éclairée, Winner, Fabrice, et deux autres gars – Lewis et Kévin, attendaient. Le moteur ronronnait faiblement.
Fabrice (tendu) :
— Trois clubs dans la même nuit ? Sérieusement ? Tu vises la prison ou quoi ?
Winner (calme, un sourire froid aux lèvres) :
— Faut frapper fort, frère. Fin de mois, y’a du cash partout. Les patrons gardent tout sur place pour payer les employés demain. On fait vite, propre, et on se casse. Pas de scène.
Kévin (ajustant sa montre) :
— On a les vigiles de la première boîte dans la poche. Les deux autres, faudra la jouer plus fine.
Fabrice (inquiet) :
— Et si ça dérape ?
Winner (sortant une cagoule noire, la tendant à Fabrice) :
— T’as plus le droit de douter. T’es dans le bain maintenant. Alors nage ou coule.
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La première boîte fut la plus simple. Les vigiles, bien payés à l’avance, ouvrirent la porte arrière sans poser de questions. En moins de dix minutes, le coffre avait été vidé, les liasses soigneusement rangées dans deux sacs noirs. Pas un mot, pas une goutte de sueur perdue inutilement.
La deuxième boîte, un club plus chic, était protégée par des caméras et une alarme silencieuse. Mais Lewis, l’informaticien du groupe, avait tout prévu. Assis dans un van à l’écart, il neutralisa le système de sécurité pendant exactement douze minutes. Le temps de faire leur affaire.
Fabrice (chuchotant à Winner en portant le sac) :
— J’pensais pas qu’on irait aussi loin... J’pensais pas que j’irais aussi loin.
Winner (sans le regarder) :
— T’es né pour ça. Regarde comme t’assures. L’argent fait pas peur, faut juste le prendre au bon moment.
La dernière boîte fut la plus tendue. Le gérant était encore sur place, en train de faire la fermeture. Il fallut l’endormir rapidement – une injection discrète de somnifère dans un verre qu’ils avaient piégé grâce à un complice infiltré. Fabrice se chargea du coffre, les doigts tremblants, l’esprit en surchauffe.
Ils sortirent au petit matin, le sac plus lourd que tous les autres.
Winner (dans la voiture, tapotant l’épaule de Fabrice) :
— T’as bien bossé. T’es plus un novice, frère. Bienvenue dans le vrai monde.
Fabrice ne répondit pas. Il regardait par la vitre, les yeux vides. Ce monde-là… il n’était pas sûr de vouloir y appartenir.
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Il rentra chez lui à l’aube. La maison était silencieuse, plongée dans une pénombre douce. Il ouvrit sa porte doucement, se déchaussa, marcha à pas feutrés. Dans sa chambre, il planqua le sac sous le lit, verrouilla la porte à double tour, puis alla se doucher. L’eau chaude coula longtemps, lavant son corps, mais pas sa conscience.
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Le soir venu, après un dîner simple – du riz, des haricots, un peu de poisson séché – Fabrice s’assit face à sa mère. Elle tricotait, le regard posé sur les aiguilles, le silence paisible des soirs de fatigue.
Fabrice (brusquement) :
— Maman, faut qu’on parle.
Elle leva les yeux, inquiète.
— T’as encore fait une bêtise ?
— Non. Pas cette fois. Écoute… j’ai trouvé un taf. Du jardinage. Chez un vieux Libanais. Un grand terrain, un gars qui veut entretenir sa maison. Il paye bien.
Elle plissa les yeux.
— Du jardinage ? Toi ?
— Ouais… et il m’a donné six mois d’avance sur le salaire. Il voulait que je sois tranquille. Que je me concentre sur le travail.
— Six mois ? C’est louche, ça, Fabrice.
— C’est un vieux riche. Il s’en fout de l’argent. Il veut juste quelqu’un de sérieux.
Il se leva, alla chercher une grosse liasse de billets, et la posa devant elle.
— Je veux qu’on quitte cette maison, maman. Elle tombe en ruine. Tu mérites mieux que ces murs humides. Et j’ai pensé à un truc.
Il sortit un carnet, griffonné à la va-vite. Sur les pages, des idées, un budget, un nom : “Chez Maman Jeanne”.
— Un petit resto. Toi aux fourneaux, Diane à la caisse. Moi, je t’aide quand je peux. Rien de grand, mais un endroit à toi.
Sa mère resta silencieuse, les mains tremblantes. Les larmes lui montèrent aux yeux.
— Mon fils… c’est tout ce que j’ai toujours voulu. Mais... t’es sûr que c’est légal, ce que tu fais ?
Fabrice força un sourire.
— Bien sûr, maman. Je veux juste qu’on sorte de la misère. C’est tout ce qui compte pour moi.
Elle le serra dans ses bras, longtemps. Lui ferma les yeux. Et dans ce silence, une voix intérieure murmurait encore :
Combien de temps vas-tu tenir avant que tout ne s’écroulet
00h17. Entrepôt désaffecté, zone industrielle, sortie nord.La nuit avait englouti les rues, les phares d’un dernier camion avaient disparu depuis longtemps. Un vent froid s’engouffrait à travers les planches disjointes, faisant siffler des gémissements presque humains. Le sol craquait sous les pas, les poutres grondaient par moments, comme si le bâtiment lui-même retenait son souffle.Au centre de cet espace poussiéreux, cinq silhouettes noires formaient un cercle. Leurs visages à moitié dissimulés par des bonnets, des capuches, des foulards. Des regards tendus, des mâchoires serrées. Ils attendaient. Sans un mot.Une porte métallique grinça lentement.Vital entra.Vêtu d’un manteau militaire noir, col remonté, casquette basse, silhouette droite, froide. Il portait à la main une tablette sécurisée d’où émanait une lumière bleutée.Il s’arrêta face au groupe, ne disant rien pendant plusieurs secondes. Le silence devint pesant. Puis, calmement, il parla.— Messieurs, ce qu’on va faire
Palais Émeraude. 10h47 du matin.La salle de réunion était silencieuse, baignée par une lumière douce filtrée à travers d'épais rideaux couleur ivoire. L’air sentait le cuir neuf, le bois poli et le parfum discret des puissants.Autour d’une grande table ovale en marbre noir, siègent huit hommes, costumes impeccables, regards aiguisés. Nathan, toujours droit, costume bleu nuit taillé sur mesure, était celui qui tenait la parole.— La sécurité économique du pays passe avant nos ambitions personnelles, dit-il, articulant chaque mot avec gravité. Nous avons les ressources, les compétences… mais si la confiance du peuple s'effondre, nous aurons bâti un château sur du sable.Face à lui, certains hochèrent la tête. D’autres restaient impassibles.À sa droite, le Gouverneur affichait un calme parfait. Mains croisées sur le dossier, il jouait la carte du soutien loyal.— Votre vision est noble, Nathan, dit-il d’un ton posé. Et je vous soutiendrai jusqu’au bout. Le pays a besoin d’un homme dro
La nuit était tombée depuis longtemps, et le silence du lac donnait à l’endroit un aspect presque irréel. Une villa ultra-moderne, posée à flanc de colline, surplombait les eaux sombres. Pas de voisins. Aucun bruit de ville. Juste le crépitement d’un feu dans une cheminée extérieure, entouré de fauteuils en cuir noir.Le Boss, habituellement en position de force, était ce soir l’homme en retrait. Son regard, froid mais attentif, était tourné vers la silhouette assise en face de lui.L’homme ne bougeait presque pas. Son visage restait caché par les ombres, mais chaque mot qu’il prononçait semblait porter plus de poids qu’un coup de feu.— Les jeunes sont prêts ? demanda-t-il, voix calme, basse, presque rassurante. Mais glaciale.Le Boss se redressa légèrement, sur la défensive malgré lui.— Oui, Patron. Ils ont été formés dans les opérations précédentes. Discrets. Efficaces. Pas de traces, pas de bavures.— Et loyaux ?Un petit silence. Le genre de silence qui teste la sincérité.— Aut
Le soleil d’avril caressait doucement les trottoirs propres du quartier en pleine gentrification. Autrefois décrépite, la rue s’était transformée : façades repeintes, arbres plantés, trottoirs élargis. Au coin de l’artère principale, "Chez Rose & Fils" attirait les regards.La devanture était flambant neuve : lettres dorées sur fond noir mat, grandes baies vitrées brillantes, une terrasse en bois clair ornée de fleurs fraîches dans des pots en céramique. Les serveurs, chemises blanches impeccables et tabliers noirs, naviguaient entre les tables avec efficacité. Des rires discrets montaient des conversations feutrées.Fabrice, derrière le comptoir, observait tout. Chemise crème soigneusement repassée, bras nus révélant un bracelet discret, cheveux courts parfaitement taillés. Il n’avait pas seulement changé d’apparence — il avait changé de statut.Il vérifiait la caisse d’un œil, suivait les gestes des serveurs de l’autre, saluait les habitués d’un signe de tête maîtrisé. On l’appelait
Tour Centurion, étage 38. Le cœur de la capitale battait en contrebas, mais ici, loin du tumulte, se jouaient d’autres batailles. La salle de conférence privée, ovale, aux murs insonorisés, baignait dans une lumière chaude et tamisée. L’atmosphère était feutrée, presque religieuse, mais la tension était bien réelle.Une quinzaine d’hommes — politiciens, généraux à la retraite, barons de l’industrie, quelques figures du renseignement — étaient assis autour de la grande table en bois massif. Tous puissants. Tous silencieux.Et au centre de cette constellation de pouvoir : Nathan.Costume trois pièces sur mesure, montres discrètes mais luxueuses, regard perçant sous des paupières mi-closes. Il parlait peu. Il n’en avait pas besoin. Sa réputation parlait pour lui : stratège, influenceur de l’ombre, maître des équilibres instables. Il n’avait jamais eu besoin d’un titre officiel pour gouverner.À sa droite, deux anciens ministres au visage fermé. Des hommes d’expérience, qui savaient lire
Au sommet de la colline d’Ébène Heights, quartier ultra-sécurisé où les regards indiscrets n’avaient jamais accès, trônait un immeuble moderne aux murs de verre et d’acier. Dernier étage. Penthouse privatisé. Un ascenseur sécurisé y menait, protégé par reconnaissance digitale et code biométrique. Seuls les hommes du Patron pouvaient y accéder. Ce soir-là, l’atmosphère était lourde, tendue, comme si même le luxe retenait son souffle.La salle de réunion privée du Boss était une œuvre d’architecture froide et impeccable. Le sol, en marbre noir miroir, reflétait les lumières tamisées du plafond. Un aquarium géant longeait le mur du fond, peuplé de poissons exotiques, seul mouvement visible dans cette ambiance figée. Un bar minimaliste brillait à gauche, et au centre, une immense table en verre trempé, encadrée de fauteuils en cuir anthracite.Fabrice, Winner, Lewis, Max et Steve étaient déjà installés. Aucun ne parlait. Même les respirations semblaient mesurées.La porte coulissante s’ou
Il était 22h30. Une nuit sans lune. Le ciel, vaste drap d’encre, enveloppait la ville d’un silence oppressant. L’air était tiède, presque lourd, comme chargé d’électricité. Dans les rues chics de la commune résidentielle de Kambassi, les villas se succédaient, gardées par des murs hauts, des caméras et des alarmes dernier cri. Mais celle qu’ils visaient ce soir-là… se voulait trop discrète pour éveiller les soupçons. Une villa aux lumières toujours éteintes, aux allées bien entretenues, sans chien, sans jardinier. L’objectif.Garé à deux rues de là, un 4x4 noir aux vitres teintées vibrait faiblement, moteur éteint, système de refroidissement en veille. À l’intérieur, Max, silhouette fine, lunettes rectangulaires, tapait frénétiquement sur un clavier portatif branché à une console improvisée. Trois écrans montraient en direct les abords de la maison.— Caméra nord désactivée. Sud aussi. Est clignote, mais j’ai la main. On est bons, dit-il dans le micro, ses doigts dansants sur le pavé
La salle de réunion était une œuvre d’art du pouvoir silencieux. Les rideaux en velours rouge tombaient lourdement des plafonds hauts, étouffant les bruits comme pour mieux contenir les secrets. Les fauteuils en cuir fauve encerclaient une table ovale en bois massif, vernie à la perfection. Chaque place était équipée d’un verre en cristal, d’un carnet de notes en cuir et d’un stylo gravé au blason de la Commission Stratégique d’Aménagement National.Les hommes présents portaient des costumes cousus main, mais c’était dans leurs regards que brillait le véritable tissu du pouvoir : assurance, méfiance, calcul.Vital entra le dernier. Costume bleu nuit ajusté, cravate rouge sombre, attaché-case en cuir de crocodile. Il avança d’un pas fluide, le visage barré de ce sourire poli qui ne touchait jamais les yeux. Il serra quelques mains avec la chaleur mécanique d’un robot bien programmé, distribua des tapes dans le dos, effleura des épaules… et s’assit enfin, face à Nathan, déjà installé.N
Chapitre 15 : Le bon fils… ou le bon menteur ?Le soleil de midi cognait dur, transformant le petit restaurant familial en une étuve où les ventilateurs semblaient tourner dans le vide. Mais malgré la chaleur étouffante, l’ambiance était à la fête. Les tables ne désemplissaient pas, les marmites chantaient sur les réchauds, et la caisse tintait régulièrement.Diane courait d’un bout à l’autre avec deux assiettes pleines, pendant que leur mère surveillait les commandes, le visage ruisselant mais le cœur léger.Fabrice, lui, s’était éclipsé discrètement derrière le comptoir. Il tenait une lourde liasse de papiers, les doigts un peu moites, le regard oscillant entre confiance et anxiété.— Maman, j’ai réfléchi à tout ça, dit-il, un sourire nerveux aux lèvres. Il est temps qu’on agrandisse le resto.Elle leva les yeux de son cahier de comptes.— Agrandir ? Tu veux dire casser les murs ?— Oui. Et construire une terrasse couverte ici, là où y a le vieux banc. On refait le carrelage, on mod