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Le Goût du bonheur

Author: Seth
last update Last Updated: 2025-04-25 21:51:56

Deux semaines plus tard, tout avait changé. Comme si le vent avait tourné. La misère semblait s’être éloignée, remplacée par une étrange sensation de calme et de fierté.

Fabrice venait de signer le bail d’une petite maison neuve, légèrement en retrait du tumulte du centre-ville. Elle n’était pas grande, mais elle était propre, fraîchement peinte, et surtout… saine. Plus de murs qui s’effritent, plus de toit qui goutte. Trois chambres, un petit jardin où pousseraient bientôt quelques fleurs, et une cuisine avec des carreaux blancs impeccables.

Le jour de l’emménagement, sa mère resta longtemps sur le pas de la porte, les mains sur la bouche.

— Mon Dieu… c’est vraiment pour nous, ça ? C’est pas un rêve ? souffla-t-elle.

Fabrice rit doucement.

— Touche les murs, maman. C’est bien réel.

Elle posa sa main sur le chambranle de la porte, comme pour en vérifier la solidité.

— Tu es sûr qu’on peut payer ça chaque mois ? Fabrice… je ne veux pas de dettes. Je ne veux pas de mauvaises surprises.

— Maman, j’te le promets. Le vieux Libanais me paie bien. Et j’ai mis de côté. On est à l’abri pour un moment.

Il mentait sans trembler, sans honte. Ce mensonge-là, il l’avalait comme un médicament amer mais nécessaire.

Diane, elle, courait dans tous les sens.

— J’ai ma propre chambre ! Avec une vraie fenêtre ! Et… regarde ! On a même un petit couloir ! On peut courir dedans !

Sa joie pure réchauffa le cœur de Fabrice. Il s’accouda au chambranle de la porte, les bras croisés, le regard posé sur sa famille. Ce moment valait toutes les nuits blanches, tous les risques, toutes les sueurs froides. Pour la première fois, il avait l’impression d’avoir fait quelque chose de bien.

Sous les lattes du plancher de sa chambre, bien dissimulés, dormaient des liasses de billets. Ce trésor volé représentait l’espoir d’un nouveau départ. Mais Fabrice savait : le vrai défi, ce n’était pas de monter… c’était de rester au sommet.

---

Le restaurant ouvrit quelques jours plus tard.

Un petit local au coin d’une rue animée, tout près d’un marché populaire où les odeurs de poissons fumés, d’épices et de fruits mûrs emplissaient l’air dès l’aube. Fabrice avait négocié le bail lui-même, fait repeindre la façade, installé une enseigne en bois sculpté à la main. Dessus, il avait fait graver en lettres dorées :

 Chez Maman Rose

Quand sa mère vit le nom pour la première fois, elle posa une main tremblante sur sa poitrine.

— Fabrice… c’est… c’est moi ? C’est mon prénom ? Tu as appelé le restaurant comme ça ?

— Bien sûr. T’es la chef ici. La reine de cette cuisine. Le monde doit le savoir.

Elle éclata en sanglots, et le serra fort contre elle.

— Je ne mérite pas tout ça… j’ai juste fait ce que n’importe quelle mère ferait.

— Non, maman. Tu t’es battue pour nous. Tu t’es privée pour nous. Tu mérites plus que ça, mais c’est un bon début.

---

Le premier jour d’ouverture fut un petit miracle. Les clients affluaient. Les anciens voisins, les mamans du quartier, des curieux attirés par les bonnes odeurs… même un policier passa commander un plat de poisson braisé, avec du riz au coco et des bananes plantains frites.

En cuisine, Rose s’activait comme une chef étoilée. Elle portait un pagne coloré, un grand sourire, et une serviette nouée autour du front. Sa passion pour la cuisine, longtemps confinée à leur petite maison humide, explosait enfin au grand jour.

Diane, en robe verte à pois blancs, tenait la caisse avec un sérieux adorable. Chaque fois qu’elle encaissait un client, elle lançait un sourire immense :

— Merci d’être venu chez Maman Rose ! Revenez vite, hein !

Fabrice, lui, restait un peu en retrait, assis près du comptoir. Il observait. Il souriait. Parfois, il se levait pour aider à servir une assiette, porter un plat à la terrasse, ou charrier un client.

— T’es le patron ? lui demanda un homme d’un certain âge.

— Moi ? Non, non. La patronne, c’est ma mère. Moi, je suis juste le fils.

Le soir venu, après avoir fermé la grille métallique, ils comptèrent la recette. Le tiroir-caisse était bien rempli. Rose n’en revenait pas. Elle s’assit sur une chaise, le visage couvert de sueur, mais les yeux brillants.

— On a vraiment fait ça ? Tout ça… c’est à nous ?

Fabrice vint derrière elle, posa les mains sur ses épaules.

— Et c’est que le début. T’as vu comment les gens sont revenus deux fois ? Trois fois ? T’as un don, maman.

Elle tourna la tête vers lui. Une lueur étrange dans ses yeux. De la gratitude, de la fierté, mais aussi une sorte de pressentiment.

— Fabrice… je ne sais pas ce que t’as fait pour avoir cet argent. Et je vais pas poser de questions. Mais… je sens que Dieu t’a regardé aujourd’hui. Peut-être qu’il t’a pardonné. Peut-être qu’il veut te donner une seconde chance.

Il baissa les yeux. Il n’avait pas la force de répondre.

Il garda ce moment en lui comme un trésor, comme une photo intérieure qu’on ne veut jamais effacer.

Mais au fond, là où ses pensées devenaient sombres, il le savait :

 Le bonheur, il l’avait goûté. Maintenant, il fallait prier pour qu’il dure.

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