Chapitre 6

Point de vue de Mia

Linda est entrée. « Madame Branson a appelé. Elle a souhaité que vous rentriez tous les deux ce soir pour dîner. »

Ma belle-mère était la seule personne qui traitait notre mariage comme réel, qui me voyait comme plus qu'un arrangement pratique pour Kyle.

La mâchoire de Kyle s'est crispée. « Dis-lui que nous sommes occupés. »

« J'ai déjà essayé, monsieur », a répondu Linda. « Elle insiste pour que vous rentriez. Elle a dit, et je cite : “Dites à mon fils têtu que si ce soir il ne ramène pas ma chère belle-fille à la maison pour dîner, je me rendrai moi-même à son bureau.” »

« Très bien. Nous viendrons. » a dit Kyle.

Pendant le trajet en voiture vers la grande maison des Branson, un silence pesant a régné. Je regardais les quartiers familiers défiler, de plus en plus huppés, jusqu'à ce que nous arrivions dans la rue arborée où Kyle avait grandi. La grande maison s'est dressée fièrement, élégante et raffinée, les lumières chaleureuses à l'intérieur des fenêtres resplendissant dans la lumière tamisée du soir, créant une atmosphère particulièrement accueillante.

Catherine nous attendait à la porte, ses cheveux argentés impeccablement coiffés, sa robe émeraude parfaitement assortie à la couleur de ses yeux.

« Enfin ! » s'est-elle exclamée. « Mes chéris ! »

Elle m'a enlacée d'abord, fort, l'odeur familière de son parfum Chanel N°5 m'enveloppant comme une couverture réconfortante. « Mia, ma chère », elle m'a lâchée et m'a regardée avec une inquiétude maternelle, « tu es bien pâle. Est-ce que mon fils, le maniaque du travail, t'a encore fait passer des nuits blanches au bureau ? »

« Maman », la voix de Kyle a porté un avertissement.

« Oh, tais-toi », a dit Catherine en levant la main pour m'interrompre, me prenant par le bras pour m'emmener à l'intérieur. « Entrez, entrez. Madame Reynolds a préparé un somptueux dîner ce soir. »

L'intérieur de la maison n'avait pas changé depuis notre dernière visite. Le lustre en cristal diffusait une lumière douce, illuminant les meubles anciens et les portraits familiaux. Tout respirait la richesse ancienne, décoré avec élégance et confort. Catherine avait toujours su parfaitement maintenir cet équilibre subtil.

Lorsque le premier plat est arrivé, Catherine a souri. C'était une soupe aux champignons raffinée, et une odeur terreuse flottait dans l'air. « Je me suis souvenue de l'époque où cette table était pleine de monde », a-t-elle dit. « Tu te souviens de nos dîners du dimanche soir, Kyle ? Tous tes cousins et cousines venaient... »

« C'était il y a longtemps, maman », a répondu Kyle.

Catherine a soupiré, touillant sa soupe. « Tout a changé, n'est-ce pas ? La voisine Éva est devenue grand-mère le mois dernier. Sa fille a eu des jumeaux. » Elle a levé les yeux vers nous, ses yeux pétillants. « À propos, quand pourrai-je avoir des petits-enfants, moi ? »

La fourchette de Kyle a heurté bruyamment son assiette. « Maman... »

« Ne me traite pas comme ta mère », l'a interrompue Catherine. « Vous êtes mariés depuis trois ans. Trois ans ! Tu sais combien de mes amies ont déjà deux fois des petits-enfants ? »

« Le travail nous occupe beaucoup », a dit Kyle.

« Le travail ! » Le ton de Catherine a trahi son mécontentement. « Tu as toujours travaillé, Kyle. Une femme, pour être heureuse, elle n'a pas besoin d'un mari occupé. Elle a besoin d'être aimée. »

Le mot « aimée » est resté suspendu dans l'air comme une entité palpable.

« L'entreprise traverse une phase importante », a dit Kyle sèchement. « On pourra discuter des enfants plus tard. »

Les yeux de Catherine se sont plissés. « C'est juste une excuse, tu le sais bien. Quand j'étais enceinte de toi... »

« Maman, on en a déjà parlé », a coupé Kyle, la voix perçante. « Ma priorité, c'est d'étendre l'entreprise à l'international. Les enfants seraient... inconfortables. »

Inconfortables. Ce mot a résonné comme un coup. La saveur des aliments est devenue soudainement insupportable, et mon estomac s'est tordu. Des points noirs sont apparus sur les bords de ma vision, et une vague de nausée m'a envahie.

« Puis-je sortir un instant ? » les ai-je interrompus. « J'ai besoin de prendre l'air. »

L'expression de Catherine s'est radoucie instantanément. « Bien sûr, ma chère. Va dans le jardin. Les jasmins qui fleurissent la nuit sont magnifiques à cette époque de l'année. »

Je me suis promenée dans le jardin immaculé de Catherine, longeant les haies parfaitement taillées et les fleurs en pleine éclosion, jusqu'à m'installer sur un banc de pierre près de la fontaine.

Mes mains se sont posées instinctivement sur mon ventre. Kyle avait dit que les enfants étaient « Inconfortables ». Que dirait-il s'il apprenait que j'étais enceinte ?

J'ai fermé les yeux, me souvenant de toutes les fois où je m'étais assise ici, rêvant qu'un jour Kyle me regarderait comme il regardait Taylor. Rêvant que notre mariage ne serait plus seulement un contrat. Et maintenant, je portais son enfant, mais il ne me voyait toujours que comme un arrangement commercial. Cette ironie était presque insupportable.

« Je savais que je te trouverais ici. »

Je me suis retournée pour voir Catherine s'approcher, un châle en cachemire dans les mains. Elle l'a posé sur mes épaules, puis s'est assise à côté de moi.

« Tu as toujours aimé cet endroit », a-t-elle dit doucement. « Je me suis souvenue du premier jour où Kyle t'a ramenée à la maison. Tu y as passé des heures à dessiner ces fleurs. »

« Désolée, ma chère », a continué Catherine, en tenant ma main. « Je connais bien mon fils. Dans certains domaines, je n'ai pas pu l'aider. Après le décès de son père... » Elle a marqué une pause, sa voix tremblant légèrement. « Kyle cherche à être parfait. Des résultats parfaits, un homme d'affaires parfait. Il a oublié comment ressentir les choses. »

« Catherine, je - »

« Laisse-moi finir. » Elle a serré ma main. « Tu es gentille avec lui, Mia. Tu es bien meilleure que ce qu'il mérite. Je vois la manière dont tu le regardes, je vois combien tu l'aimes. »

« Maman. » La voix de Kyle a brisé le silence de la nuit. « Ne t'en mêle pas. »

Catherine s'est levée et s'est tournée vers son fils. « Prends soin de ta femme, fils. Ne tarde pas trop. »

Lorsque Kyle conduisait, les lumières de la ville défilaient floues à nos côtés. Il tenait fermement le volant, les articulations de ses doigts devenaient blanches. J'ai pris mon courage à deux mains, tentant de trouver les mots justes.

« Kyle », ai-je dit doucement, « ce que tu as dit au dîner, à propos des enfants... »

« Et alors ? » Sa voix était glaciale. « La famille, ce n'est pas ce qui m'intéresse. Tu savais cela quand tu as signé ce contrat. »

Mon cœur s'est serré. C'était vrai. Je n'aurais pas dû avoir ces pensées. J'ai bougé sur mon siège, cherchant une position plus confortable, quand quelque chose a heurté mes pieds.

Je me suis penchée en avant et ai touché du bout des doigts un métal lisse. Je l'ai ramassé. C'était un rouge à lèvres - Rouge Dior, celui que j'avais vu Taylor appliquer des dizaines de fois au bureau. L'étui doré brillait de façon moqueuse dans ma paume, et je pouvais encore sentir son parfum unique dessus.

Évidemment. Elle avait pris son véhicule. Et pas récemment. Ce n'était pas une coïncidence. Taylor ne laissait jamais rien au hasard. Elle avait délibérément laissé ce rouge à lèvres ici, comme un rappel cruel, me montrant qu'elle était la vraie personne que Kyle désirait.

« Gare-toi sur le côté », ai-je dit à voix basse, luttant contre le sentiment de nausée qui montait en moi.

« Quoi ? »

« Gare-toi ! » Ma voix a été plus ferme que je ne l'avais prévu. « J'ai besoin de respirer. »

Kyle a serré sa mâchoire et a garé la voiture sur le bas-côté. Je n'ai pas prononcé un mot en sortant de la voiture, m'enroulant dans le vent frais de la nuit. Le moteur de la voiture a grondé, et il est reparti, me laissant seule sur le trottoir.

Les lumières de la ville sont devenues floues dans mes yeux pleins de larmes. Comment ma vie en était-elle arrivée là ? Ma tête a commencé à tourner, je ne savais pas si c'était à cause de la grossesse ou de mes émotions, je n'arrivais pas à faire la différence.

« Mia ? »

À travers mes larmes, j'ai vu un visage familier. Jeo se tenait là, une expression pleine de préoccupation sur le visage. Sans hésiter, il a enlevé sa veste en cuir et l'a posée sur mes épaules.

« Tu vas attraper froid », a-t-il dit, ses mains chaudes sur mes bras. « Que fais-tu ici toute seule ? »

« Je vais bien », ai-je tenté de dire, mais mes mots étaient brouillés. Le sol sous mes pieds semblait trembler.

« Tu vas mal », a dit Jeo, son ton devenant urgent en voyant mon état instable. « Tu dois aller à l'hôpital. »

« Non, je n'ai besoin que de - » Mes genoux ont cédé.

« À l'hôpital », a dit Jeo fermement, me soutenant avant que je ne tombe. « Immédiatement. »