Chapitre 5

Point de vue de Kyle

Je n'ai pas pu me concentrer sur mon travail. L'image de Mia avec cet homme ne cessait de revenir dans ma tête. Jeo Parker. Rien que son nom m'irritait.

« Linda », ai-je crié par le biais de l'interphone, « donne-moi toutes les informations que tu peux trouver sur Jeo Parker. »

« Ce designer ? » La voix de Linda était prudente et neutre. « Je m'en occupe tout de suite, Monsieur. »

J'ai relâché ma cravate. Il faisait trop chaud dans le bureau. Que ferait Mia dans son entreprise de design ? Est-ce qu'elle serait seule avec lui ? Est-ce qu'ils travailleraient tard ensemble ? Les artistes font ce genre de choses, non ?

Rien qu'en pensant à eux dans son studio, ma mâchoire s'est serrée. Est-ce qu'il allait lui apprendre à prendre un pinceau ? Est-ce que ses mains allaient toucher les siennes ? Est-ce qu'ils allaient créer des portraits ensemble ? Est-ce qu'elle allait poser pour lui en tant que modèle ?

J'ai soudainement arraché ma cravate. Ces images ne s'arrêtaient pas. Mia souriait à lui comme elle me souriait autrefois. Mia restait tard dans son studio. Mia le laissait s'approcher trop près.

« Ne pense plus à ça. » J'ai murmuré en me servant un verre. C'était purement par souci professionnel. Rien de plus. Mia était ma femme. Du moins, sur le papier. J'avais le droit de connaître son environnement de travail.

Linda a frappé à la porte et est entrée avec une pile de documents épais. « Voici le dossier de Jeo Parker, Monsieur. »

J'ai feuilleté rapidement, et à chaque page, mes sourcils se sont froncés davantage. Un designer indépendant primé. Professeur invité dans une célèbre école d'art. Ses œuvres ont été exposées dans de grandes galeries à travers l'Europe. Forbes « 30 under 30 ». Commandes privées de célébrités et de membres de la royauté.

Une sensation désagréable m'a fait tourner l'estomac. « Découvrez-en plus sur sa vie personnelle. »

Linda a hésité un instant. « Monsieur ? »

« Est-il marié ? Est-il en couple ? »

« Je vais vérifier ça. » Elle a fait une pause. « Il y a aussi quelque chose que vous devriez savoir. »

J'ai levé la tête.

« Mademoiselle Williams a étudié l'art à l'université. Elle a même reçu une bourse complète pour aller à Paris. »

Je l'ai dévisagée. « Quoi ? »

« Quand vous l'avez embauchée comme secrétaire, elle a refusé cette offre. » La voix de Linda était très prudente. « Son professeur a dit qu'elle avait un talent exceptionnel. »

La sensation de malaise s'est intensifiée. Pourquoi ne savais-je pas cela avant ? Est-ce que j'avais déjà demandé à Mia quels étaient ses centres d'intérêt ? Ses rêves ?

« Est-ce que je devrais envisager d'acheter son entreprise ? » ai-je demandé soudainement.

Linda m'a regardé longuement. « Monsieur, est-ce vraiment de ça qu'il s'agit ? »

« Fais appel à nos avocats - »

« Branson », Linda m'a interrompu, ce qu'elle faisait rarement. « Peut-être devriez-vous parler à votre femme, plutôt que d'essayer d'acheter l'entreprise de son collègue. »

J'ai agité la main pour la faire sortir. Mon téléphone a vibré. C'était un appel de Taylor. Je l'ai ignoré.

Taylor. Elle avait signifié tout pour moi. Maintenant... maintenant son appel semblait comme une gêne. Quand cela avait-il changé ?

Je suis rentré à la maison plus tôt, ce que je n'avais jamais fait auparavant. J'ai franchi la porte, la maison était silencieuse. Mia était dans le salon, en train de dessiner quelque chose sur son ordinateur portable. Elle a levé la tête, surprise de me voir.

« Tu es rentré tôt. »

Je me suis approché et j'ai scruté son visage. Elle semblait épuisée. Sa peau était pâle. « Est-ce la fatigue du travail ? Est-ce qu'elle était malade ? Ou était-ce l'excitation de travailler avec lui ? »

Sans réfléchir, je l'ai tirée du canapé. Elle semblait si petite et familière dans mes bras, si parfaite. J'ai baissé la tête pour l'embrasser.

Elle a soudainement tourné la tête et a couvert sa bouche d'une main. Avant que je n'aie pu réagir, elle a couru dans la salle de bain. Je l'ai entendue vomir.

« Mia ? » Je l'ai suivie, l'inquiétude surpassant ma colère. « Tu es malade ? »

Elle est sortie, pâle, essuyant sa bouche. « Je vais bien. »

« Tu n'as pas l'air bien. » J'ai tendu la main pour la saisir, mais elle a reculé d'un pas.

« Je ne veux plus être ton option de secours, Kyle. » Sa voix était fatiguée. « Je ne veux pas partager ton attention avec Taylor. »

« Ça n'a rien à voir avec Taylor. » Penser à Taylor me semblait tellement distant et sans importance.

« Alors c'est à propos de quoi ? » Ses yeux verts me défiaient. « Pourquoi es-tu là ? »

Parce que je ne supporte pas l'idée que tu travailles avec lui. Parce qu'en pensant à un autre homme qui peut te faire sourire, je veux tout détruire. Parce que - « Parce que tu es ma femme. »

« Ta femme par contrat. » elle a corrigé douloureusement.

J'ai remarqué qu'elle sortait quelque chose de l'armoire de la salle de bain. Un flacon de médicaments. « C'est quoi, ça ? »

« Rien. » Elle a tenté de le cacher, mais j'ai eu le temps de lire l'étiquette.

« Tu as pris beaucoup de médicaments, dernièrement. »

« Ce ne sont que des vitamines. » Elle a serré le flacon contre elle.

« Pour ton nouveau boulot ? » Ma voix a laissé échapper une pointe de sarcasme malgré moi.

« Oui, en effet. Je dois rester en bonne santé. » Elle a tenté de passer à côté de moi.

Je lui ai bloqué le passage. « Parle-moi de ce travail. »

« Pourquoi ? Pour que tu puisses m'empêcher de l'accepter ? »

« Je veux savoir ce que tu vas faire. »

Elle a éclaté de rire, mais sans joie. « Tu t'intéresses à mon boulot maintenant ? Après m'avoir traitée comme une simple partenaire de lit pendant trois ans ? »

Ses mots m'ont blessé plus que je ne l'aurais cru. « Ce n'est pas juste. »

« Pas juste ? Tu connais la date de mon anniversaire, Kyle ? Ma couleur préférée ? Ce que j'ai étudié à l'université ? » Sa voix a tremblé légèrement. « Tu ne sais rien de moi, parce que tu ne t'es jamais soucié de le savoir. »

« J'en sais suffisamment. »

« Tu ne connais que ce qui est écrit dans notre contrat. Rien d'autre. » Elle s'est faufilée à côté de moi. « Je dois aller me coucher. »

« On n'a pas fini de parler de ce boulot. »

Elle s'est retournée brusquement. « Si, on a fini. Tu as fait ton choix il y a bien longtemps, Kyle. Tu as choisi Taylor. Maintenant, c'est à mon tour de choisir. »

« Ça n'a rien à voir avec Taylor. » j'ai insisté d'un ton ferme.

« Alors pourquoi as-tu passé les trois derniers jours avec elle ? »

Parce que j'étais en colère. Parce que j'ai voulu prouver que je m'en fichais de ce que tu faisais. Parce que quelque chose a sonné faux quand j'étais avec elle, et que je n'ai pas compris pourquoi. « Ça ne te regarde pas. »

« Exactement. » Elle a esquissé un sourire triste. « Tout comme mon nouveau travail ne te regarde pas. »

Je l'ai regardée s'éloigner, un étrange sentiment d'impuissance m'a envahi. Quand tout cela est-il devenu si compliqué ? C'était censé être un arrangement simple. Un mariage de convenance. Rien de plus.

Alors pourquoi l'idée de la voir travailler avec Jeo Parker m'a-t-elle donné envie de détruire tout ce qu'il avait construit ?

Mon téléphone a vibré de nouveau. C'était un appel de Taylor.

Pour la première fois, je n'ai pas eu envie de répondre. À la place, je me suis dirigé vers le bureau et j'ai ouvert mon ordinateur portable. J'ai tapé le nom des médicaments que j'ai vus Mia prendre.

Quelque chose clochait. Elle m'a caché quelque chose. Et j'ai voulu découvrir quoi.

Mais d'abord, j'ai dû passer un coup de fil. « Linda ? Je veux tout savoir sur cet atelier d'art. Les horaires. Les pratiques habituelles. » J'ai marqué une pause. « Et donne-moi le planning complet de Jeo Parker. »

J'ai eu le pressentiment que je ne dormirais pas cette nuit. Imaginer Mia dans son atelier, seule avec lui pendant des heures… Non. Je n'ai pas voulu laisser ça arriver.

Elle est ma femme. Contrat ou non, elle m'appartenait.