LOGINOphélie Les larmes me montent aux yeux, brusques, incontrôlables. Ce ne sont pas des larmes de tristesse, ni vraiment de joie. C’est un trop-plein. L’adrénaline de l’affrontement, la peur, la violence des mots d’Élodie, la douceur déchirante des paroles de Marc, la fatigue de la nuit, le poids énorme de l’avenir… tout ça se mélange et déborde.Un sanglot échappe à ma gorge, étouffé.— J’ai peur, j’avoue, la voix brisée. J’ai tellement peur, Marc. Elle a dit… elle a dit que tu reviendrais vers elle quand ce serait difficile. Quand le bébé crierait toute la nuit. Quand je serai fatiguée et moche et…— Chut, fait-il doucement.Il lâche ma main et, cette fois, il encercle mes épaules de ses bras. Il me attire contre lui, avec une précaution infinie pour mon ventre entre nous. Je pose ma tête contre son torse. Je respire son odeur, mêlée à celle du café froid et de la nuit passée. Une odeur d’homme, de maison, de réalité.— Elle disait ça pour te faire mal. Pour nous faire douter. Mais re
OphélieLe clic de la porte a retenti comme un verrou qui se ferme sur un monde. Le monde d’Élodie. Sur notre monde aussi, d’une certaine façon. Un monde d’ambiguïté, de non-dits et de culpabilité diffuse. Ce qui s’ouvre maintenant est une étendue nue, balayée par les vents glacés de la réalité.La main de Marc est toujours sur mon bras. Sa chaleur traverse le tissu du peignoir , son peignoir , et je dois réprimer un frisson qui n’a rien à voir avec le froid. C’est la réaction de mon corps au choc, à la violence verbale qui vient de déferler, à la vue de cette femme brisée qui s’est effacée.Je me sens sale. Pas à cause de Marc. À cause d’elle. À cause de la haine qu’elle a déversée, de la pitié que j’ai ressentie, de cette certitude froide qui s’est installée en moi pendant qu’elle hurlait. J’ai gagné. J’ai pris sa place. L’idée devrait me soulever le cœur. Pourtant, un sentiment plus sombre, plus primitif, palpite sourdement sous la honte : une satisfaction terrible.Je détache mon
MarcSon aveu, formulé ainsi, dans la colère et le déni, sonne creux. Trop tard. Les mots qui auraient pu ébranler, apitoyer, il y a quelques semaines, n’ont plus de prise. Je me lève, lentement, sentant le poids du regard d’Ophélie sur moi.— Un cri d’alarme qui a pris la forme des lèvres d’un autre homme dans mon bureau, Élodie, dis-je, sans élever la voix.La scène me revient, nette et précise, mais elle n’a plus le pouvoir de me lacérer. Elle est devenue une pièce à conviction dans un procès déjà jugé.— Tu ne voulais pas que je te voie. Tu voulais me blesser . Nous blesser. Et tu as réussi.Je fais le tour de la table, non pas pour aller vers elle, mais pour me placer entre les deux femmes. Un geste instinctif, protecteur. Protéger qui ? Ophélie ? L’enfant ? Ou peut-être le fragile espace de paix que nous venons de conquérir.— Il n’y a plus de « nous » à reconstruire sur ces ruines, Élodie. Il n’y en a plus depuis longtemps. Nous avons juste joué à faire semblant. Mais tu m'as a
ÉlodieLa clé tourne dans la serrure avec une fluidité qui me rassure. Mon propre chez-moi. Mes propres murs. Après trois jours chez ma mère à ruminer, à pleurer, à me convaincre que Marc finirait par revenir, j’ai décidé de reprendre les choses en main. Je suis son épouse. C’est ici, avec lui, que je dois être.L’entrée sent le café frais et le pain grillé. Une odeur domestique, banale, qui me serre le cœur. Marc a toujours été un lève-tôt. Je m’attends à le trouver seul, peut-être hagard, regretant son départ précipité. Prêt à écouter mes excuses, mes explications. Prêt à reconstruire.Les voix me parviennent de la cuisine avant que je n’aie franchi la porte du salon.Une voix de femme. Basse, voilée de fatigue, mais vibrante d’une intime familiarité.Et le rire de Marc. Un rire que je n’ai pas entendu depuis des mois. Détendu, profond, véritable.Mes doigts se crispent sur la poignée de mon sac. Le sang bat à mes tempes, un roulement de tambour sourd et menaçant. Je me fige, écouta
MarcLe baiser n’a pas rompu le charme, il l’a transformé en une énergie palpable, lourde et électrique. L’air de la chambre, auparavant chargé de silences et de non-dits, est maintenant saturé d’un besoin brut, primal. Le souffle haletant d’Ophélie est le seul son, plus fort que les battements désordonnés de mon propre cœur.Quand nos lèvres se séparent, l’espace d’un instant n’existe plus. Il n’y a que son regard, noir et infini, qui me aspire. Je vois la même tempête en elle. La même décision irrévocable.Je l’embrasse à nouveau, mais cette fois, c’est différent. Moins sauvage, plus profonde. C’est une exploration. Une redécouverte. Mes mains parcourent son corps, un territoire à la fois familier et étranger. Elles épousent la courbe de ses hanches, plus généreuses, la lourdeur voluptueuse de ses seins, et enfin, la rotondité parfaite, tendue, de son ventre.Mon enfant est entre nous. Une barrière de chair et de vie. Une présence qui devrait freiner, intimider.Au contraire.C’est
MarcLe jour se lève à peine, teintant la chambre d'une lueur bleutée et incertaine. Je me réveille le premier, ce qui est rare. Un poids familier, lourd et doux à la fois, m’a tiré du sommeil. Non, pas un poids. Une présence.Ma main est posée sur le ventre d’Ophélie.Je ne me souviens pas de l’avoir placée là. Elle a dû glisser durant la nuit, cherchant inconsciemment une chaleur, une connexion. Et la voilà, paume à plat sur la courbe parfaite et tendue de son abdomen. Sous ma peau, quelque chose bouge.Je retiens mon souffle. Immobile. Attentif.Et ça recommence. Une petite pression, nette et ferme, juste sous mes doigts. Un coup de pied. Un vrai. Pas un frémissement vague, mais une affirmation. La preuve tangible, irréfutable, de la vie qui palpite en elle.Une émotion brute, sauvage, monte en moi, si puissante qu’elle me coupe le souffle. Ce n’est pas de la joie, pas exactement. C’est plus primitif. De l’émerveillement. De la crainte. Une reconnaissance immédiate et viscérale. Mo







