Beranda / Romance / LES CHAÎNES DU DESTIN / Chapitre 5 – L’Engrenage

Share

Chapitre 5 – L’Engrenage

Penulis: Déesse
last update Terakhir Diperbarui: 2025-02-17 21:12:18

Gabriel de Montreuil

La chaleur du matin écrasait déjà Bellefontaine lorsque je quittai le manoir. Mon père n’avait rien dit du scandale de la veille, mais son silence en disait long. Il attendait. Il observait. Il voulait voir si j’allais plier ou persister.

Je savais que j’avais attiré l’attention, pas seulement celle des contremaîtres, mais aussi celle des esclaves. Un geste comme celui d’hier ne s’oubliait pas. Il semait quelque chose. Une rumeur, un espoir. Ou un avertissement.

Lorsque je rejoignis les champs, Carter m’attendait, assis sur une barrière de bois, un brin d’herbe coincé entre ses dents.

— « On dirait que vous avez fait sensation hier, Montreuil. »

Je ne répondis pas. Il sauta de son perchoir et s’approcha.

— « Votre père ne vous a pas encore mis dehors ? Étonnant. Mais vous devriez faire attention. Tout le monde parle de vous. Et pas en bien. »

Je levai un sourcil.

— « Vraiment ? Et qu’est-ce qui se dit ? »

— « Que vous êtes trop tendre. Que vous n’avez pas la poigne pour tenir une plantation. Que tôt ou tard, vous allez vous casser les dents. »

Il s’approcha encore, suffisamment pour que je sente son haleine chargée de tabac.

— « Mais moi, je crois que vous n’êtes pas seulement naïf. Vous êtes dangereux. Vous croyez quoi, au juste ? Que vous allez changer les choses ? »

Je soutins son regard.

— « Je crois que ce système est pourri. Et que les hommes comme vous en sont la preuve vivante. »

Carter sourit, mais je vis la colère passer dans ses yeux. Il n’était pas habitué à ce qu’on le défie.

— « Vous êtes un foutu idéaliste. Et les idéalistes finissent toujours mal. »

Il s’éloigna avec un rire moqueur, rejoignant les autres contremaîtres.

Mais je savais qu’il ne me prendrait plus jamais à la légère.

Le soir, je retrouvai Aïda près de la rivière. Elle lavait du linge, les pieds dans l’eau, ses mouvements précis et rapides.

— « Vous êtes revenu, » dit-elle sans lever les yeux.

Je m’accroupis près d’elle.

— « Pourquoi est-ce que je serais parti ? »

Elle tordit un morceau de tissu avant de le jeter sur une pierre.

— « Parce que votre père va réagir. Parce que les autres surveillent. Et parce que ce n’est pas votre combat. »

Je posai mes coudes sur mes genoux.

— « Et si je vous disais que c’est devenu mon combat ? »

Elle me regarda enfin, l’ombre d’un sourire triste sur les lèvres.

— « Alors vous allez souffrir. »

Je ne répondis rien.

Au loin, le soleil disparaissait derrière les cannes à sucre, teintant le ciel de nuances pourpres et dorées.

☾☾☾

La nuit tombée, je regagnai ma chambre, mais à peine avais-je poussé la porte que mon père m’attendait, assis dans un fauteuil, un verre de brandy à la main.

— « Ferme la porte, Gabriel. »

Je m’exécutai.

— « Assieds-toi. »

Je restai debout.

Il soupira et posa son verre sur la table.

— « Très bien. Tu veux jouer à l’homme ? Alors parlons d’homme à homme. »

Je croisai les bras.

— « Je vous écoute. »

Son regard s’assombrit.

— « Je t’ai laissé faire hier. J’ai voulu voir jusqu’où tu irais. Mais tu es allé trop loin. »

— « Trop loin ? Parce que j’ai empêché qu’un enfant soit battu ? »

Son poing s’abattit sur l’accoudoir.

— « Parce que tu as défié l’autorité ! Parce que tu as montré à tout le monde que nous sommes divisés ! Et ça, Gabriel, c’est une faiblesse que nous ne pouvons pas nous permettre ! »

Je ne baissai pas les yeux.

— « Vous avez peur que je sois une faiblesse, ou que je sois une menace ? »

Il me scruta un long moment, puis se leva lentement.

— « Tu n’as aucune idée de ce que tu fais. Les Beauregard… Carter… Ils ne laisseront pas passer ça. Ce monde repose sur l’ordre. Un ordre brutal, mais nécessaire. Et toi, tu es en train de tout foutre en l’air. »

Je soutins son regard.

— « Peut-être que ce monde mérite d’être foutu en l’air. »

Il secoua la tête, désabusé.

— « Tu es mon fils. Mais si tu continues sur cette voie, tu deviendras mon ennemi. »

Un silence s’installa.

Puis il s’éloigna, me laissant seul avec la certitude que je venais de franchir un nouveau seuil.

☾☾☾

Le lendemain, alors que je marchais entre les cabanes, un murmure me fit stopper net.

— « Il est là. »

Je me tournai. Deux hommes me fixaient. L’un d’eux, un esclave plus âgé, hocha la tête dans ma direction avant de disparaître derrière une cabane.

Curieux, je le suivis.

Derrière la bâtisse, un petit groupe m’attendait. Aïda était là. L’homme plus âgé me regarda longuement avant de parler.

— « On a entendu parler de ce que vous avez fait hier. »

Je ne répondis pas.

— « Certains disent que c’était un coup de tête. Que vous voulez juste jouer au héros. Mais moi, je crois que vous êtes sincère. »

Il croisa les bras.

— « Alors je vais vous poser une question, Gabriel Montreuil. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? »

Mon cœur battait plus vite.

Aïda me fixait, l’air grave.

— « Vous pouvez encore faire marche arrière, » murmura-t-elle.

Je pris une grande inspiration.

— « Je n’ai pas l’intention de reculer. »

L’homme hocha lentement la tête.

— « Alors préparez-vous. Parce que les jours qui viennent seront plus sombres que vous ne l’imaginez. »

Ce soir-là, en retournant au manoir, je compris une chose essentielle.

Je n’étais plus seulement un Montreuil.

J’étais devenu autre chose.

Et bientôt, ce monde le saurait aussi.

Lanjutkan membaca buku ini secara gratis
Pindai kode untuk mengunduh Aplikasi

Bab terbaru

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Épilogue – Ceux que la mer n’oublie pas

    Récit d’un vieil homme, narrateur anonymeOn raconte qu’un jour, un capitaine a fait taire la mer.Pas par la peur. Pas par la guerre.Mais parce qu’il lui a tourné le dos.Parce qu’il a aimé plus fort que la mer ne le permet.Parce qu’il a choisi l’amour au lieu du vent, une main au lieu du sabre.Son nom ?Gabriel de Montreuil.Une légende.Une épine dans le flanc de l’Empire.Un spectre pour les galions espagnols.Un mythe pour les jeunes mousses qui rêvaient de fortune, de gloire, de liberté.Et puis… plus rien.Un matin, le Pavillon Noir n’est plus reparu à l’horizon.Plus de voiles. Plus de feu.Le capitaine s’est tu.Et avec lui, la mer a perdu quelque chose de sauvage, de furieux.Mais moi, je sais.Je sais ce qu’il est devenu.J’étais jeune mousse sur un brick marchand, à l’époque.On croisait au large d’îles sans nom, là où les cartes s’effacent dans le bleu, où le ciel et l’eau se confondent.Et un soir, juste avant que le soleil meure, je l’ai vu.Une barque.Deux silhouet

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Chapitre 195 – Sous la peau du silence

    Gabriel de MontreuilLe San Telmo dort dans le ventre de l’océan.Et nous, on flotte dans l’après.La plage est déserte, battue par le vent. Du sable blanc, du sel sur ma peau. Elle est là, allongée, la poitrine soulevée lentement, les yeux fermés.Je ne dis rien.Je la regarde respirer.AïdaJe sens son regard avant d’ouvrir les yeux.Je le connais. Il me brûle doucement, sans violence.Ses mains sont posées sur ses genoux. Il ne me touche pas. Pas encore.Je me redresse.Ma robe est en lambeaux, mais je m’en moque.Il est là. Et je suis vivante.— Tu comptes me regarder longtemps comme ça ?Il ne sourit pas. Il s’approche. Lentement.Je tends la main. Il l’attrape.Gabriel de MontreuilSon contact me brise.Je tombe à genoux devant elle, le front contre son ventre.— Je t’ai crue morte.— J’ai cru l’être aussi.Ses doigts glissent dans mes cheveux, et tout se tait.AïdaIl a tout perdu. Le navire. Le serment. La légende.Mais il m’a gardée.Ou peut-être que c’est moi qui l’ai gardé.

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Chapitre 194 – La Mer ne Pardonne Pas

    Gabriel de MontreuilJe tombe à genoux. Le pont du San Telmo vacille sous mes mains. L’air est saturé de sel, de magie ancienne, de douleur. Aïda gît là, dans les bras invisibles du navire, comme une offrande vivante, une prière hurlée à l’océan. Son corps est toujours là, mais son âme, je la sens glisser, tirée par des courants plus sombres que la mort elle-même.— Non… non, Aïda…Je me précipite, mais déjà la coque s’ouvre autour d’elle, comme une gueule vivante. Le bois craque, soupire, s’ouvre comme une plaie.DiegoJe m’élance après Gabriel. Il vacille, prêt à se jeter dans l’abîme pour la rejoindre. Je l’attrape par le bras au dernier instant.— Tu fais quoi, bordel ?!Il se débat, les yeux fous.— Elle a pris ma place, Diego ! C’est à moi ! C’était à moi !Il me frappe. Je le retiens. Je le frappe à mon tour. Le chaos autour de nous est si intense que personne ne voit. La mer hurle, la Gardienne récite des incantations dans une langue morte. Mais Gabriel ? Il se brise entre mes

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Chapitre 193 – Le Jugement des Profondeurs

    DiegoJe connais Gabriel depuis assez longtemps pour comprendre ce qu’il s’apprête à faire. Ce regard, cette foutue détermination glacée… Il croit qu’il n’a pas le choix. Mais il en a toujours un.— On peut trouver une autre issue, je lance. Il y a toujours un autre moyen.La Gardienne esquisse un sourire triste.— Vous ne comprenez pas. Ce navire ne navigue que sur le serment du sang.AïdaLe serment du sang.Tout s’effondre en moi. Mon souffle se coupe, mon cœur cogne contre mes côtes comme un tambour de guerre. Je comprends avant même que Gabriel parle.— C’est moi, murmuré-je. C’est moi le prix.Il détourne les yeux.Le silence qui suit est pire que n’importe quelle tempête.Gabriel de MontreuilAïda me fixe, les yeux brillants d’un mélange de peur et de rage. Je pourrais lui mentir. Lui dire qu’elle se trompe. Mais elle sait. Elle a toujours su.— Non, souffle-t-elle.Le San Telmo tangue violemment. L’eau noire s’agite sous nous, une houle surnaturelle, impatiente. Mon père reste

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Chapitre 192 – L’Éveil des Ombres

    Gabriel de MontreuilLe pont du San Telmo grince sous mes pas.Le bois est ancien, pourtant il semble respirer. Les voiles noires frémissent comme la peau d’une créature vivante. Un murmure serpente à travers l’air, une prière oubliée, un avertissement peut-être. Mais il est trop tard pour reculer.Je sens la présence de mes compagnons derrière moi. Diego inspecte le gréement, les traits tendus. M’Bala, silencieux, recharge son fusil, prêt à affronter l’inconnu. Aïda garde le médaillon serré dans sa main, son regard brillant d’une inquiétude qu’elle ne dissimule plus.Puis la Gardienne parle.— Le navire t’appartient, Gabriel de Montreuil. Il est le dernier témoin de ton sang, l’ultime vestige de ce qui fut et de ce qui doit être.Je tourne les yeux vers elle. Son voile d’or scintille sous la lueur irréelle qui baigne le vaisseau.— Où nous mènera-t-il ?Elle incline légèrement la tête.— Là où le pacte l’exige.Un frisson court le long de mon échine. Ce pacte… Je l’ai scellé sans en

  • LES CHAÎNES DU DESTIN    Chapitre 191 – L’Offrande du Sang

    Gabriel de MontreuilM’BalaJe plante mon coutelas dans la poitrine d’un des spectres.Il ne bronche pas.Ses mains se referment sur mon cou.Je suffoque.Puis, soudain, une lumière jaillit derrière moi.Je tombe à genoux, haletant.Le médaillon.Aïda s’est levée.Son regard est brûlant.Et le médaillon brille d’une lueur qui n’a rien de naturel.Les morts s’arrêtent.L’ombre, elle, avance.Gabriel de MontreuilLa jungle se déchire dans un rugissement de vent et de cendres.La silhouette cachée dans l’ombre révèle enfin son visage.Un visage que je connais.Mon père.Ou du moins, ce qu’il est devenu.Son regard est froid, inhumain.— Tu aurais dû rester en mer, Gabriel.Sa voix est un murmure de tempête, un écho de mille âmes perdues.Je serre les poings.— Pourquoi es-tu encore là ?Un sourire tordu se dessine sur son visage.— Parce que j’ai échoué.Un silence s’abat sur nous.Puis il lève la main.Et la terre tremble sous nos pieds.DiegoLe sol s’ouvre en un fracas assourdissant.

Bab Lainnya
Jelajahi dan baca novel bagus secara gratis
Akses gratis ke berbagai novel bagus di aplikasi GoodNovel. Unduh buku yang kamu suka dan baca di mana saja & kapan saja.
Baca buku gratis di Aplikasi
Pindai kode untuk membaca di Aplikasi
DMCA.com Protection Status