Coup de foudre à Cotonou

C’était la fin du mois de janvier, l'harmattan soufflait fort, enveloppant tout le pays d’un voile sec et poussiéreux. Ce soir-là, Elsa ressentait une faim vorace, une sensation qui lui dévorait l’estomac. Toute la journée, elle avait été emportée par le tourbillon des activités, se perdant dans les recherches pour l'université, les lectures de ses cours et les travaux à rendre. Elle n’avait pas pris le temps de se nourrir, et maintenant, elle se sentait comme un animal affamé, prêt à dévorer tout ce qui se présenterait à elle.

Déterminée à se faire plaisir, elle attrapa son sac en cuir noir, y glissa son téléphone et quelques billets froissés avant de sortir en direction du petit marché du quartier. Là, elle se laisserait emporter par les couleurs vives des étals, le parfum des fruits frais et l'odeur envoûtante des épices.

La maison qu’elle occupait en location était une bâtisse imposante, une vieille demeure coloniale qui abritait une vingtaine de chambres. La plupart des occupants étaient des étudiants, jeunes, dynamiques et bruyants. C'était un lieu où l’énergie ne s’éteignait jamais, animée par des discussions passionnées, des jeux de cartes bruyants et la musique qui s’échappait des fenêtres ouvertes.

Elsa salua brièvement un groupe de garçons absorbés par une partie de Ludo et se dirigea vers le lourd portail rouge, qu’elle poussa avec une légère hésitation. Ses pensées s’étaient égarées à nouveau, une spirale de préoccupations liées à ses études. Les rires des garçons et les notes de musique se mêlaient dans l'air, une bande-son de sa vie quotidienne, tandis qu’elle se dirigeait vers la rue.

Soudain, quelque chose attira son regard. Une voiture mal garée bloquait le passage. Elsa leva les yeux au ciel.

« C'est qui ce connard qui ne sait pas se garer ? » pensa-t-elle, agacée, en jetant un regard vers le siège conducteur.

Mais ce qu’elle aperçut la figea sur place. Un homme. Il était là, assis dans la voiture, la tête légèrement penchée en arrière comme s’il savourait un moment de tranquillité. Il portait un t-shirt gris, simple mais parfaitement ajusté, et une veste en jean qui épousait ses épaules larges avec élégance. Il était d’une beauté presque irréelle : une peau d’un noir doux, comme un cuir lisse et parfaitement soigné, des yeux noisette qui brillaient d’un éclat mystérieux, et une barbe de trois jours qui lui donnait un air délibérément désinvolte. Il était à la fois imposant et captivant.

Elsa le dévisagea sans même s’en rendre compte, le cœur battant plus vite. Ses traits étaient comme sculptés, son regard d'une intensité déstabilisante. Un frisson lui parcourut l’échine, et son souffle se fit plus court. Ce regard intense, ces traits parfaits, tout en lui semblait appartenir à un autre monde.

"Non, non, non, il faut que je me ressaisisse. Je vais passer pour une psychopathe sinon", se dit-elle intérieurement, se forçant à détourner les yeux avant que cela ne devienne gênant.

Elle reprit sa marche, son estomac grondant comme un rappel brutal à la réalité. Elle avait vu des hommes beaux auparavant, bien sûr, mais celui-là... Il persistait dans ses pensées de manière insupportable. Pourtant, elle savait qu'il ne resterait qu'une image fugace, une silhouette dans la rue. Pourtant, ce soir-là, son image refit surface dans son esprit, sans crier gare, et se fixa dans un coin de son esprit comme un spectre inopportun.

Quand elle se glissa sous ses draps plus tard dans la nuit, le plan de sa journée du lendemain prit un détour inattendu. La scène avec lui revenait sans cesse. Elle se retrouva à revoir son visage, à imaginer les expressions qui pouvaient y naître, comme une obsession fugace et incontrôlable. Elle se secoua mentalement. **Jamais** elle n’avait ressenti cela. Jamais elle n’avait été aussi déstabilisée par une rencontre aussi brève. Elle ferma les yeux, espérant s'endormir, mais l’image du bel inconnu restait là, fixée sur ses rétines. Pourquoi lui ?