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Chapitre 2

#Les_Femmes_De_Ma_Vie

#Episode_2

Maman : c’est quoi Ibrahim ? Tu t’assois par terre pourquoi ?

Moi : on se repose un peu maman. Je suis fatigué

Elle posa la main sur mon front et baissa la tête.

Maman : tu veux comme ça tomber malade. Je vais te porter on va vite arriver au marché

Moi : et les bagages alors ?

Maman : je vais aussi porter ça. Accroche-toi bien

Mon corps était devenu faible. Je sentais une forte fièvre venir. Maman dû me mettre sur le dos pour continuer la route. Elle avait toujours eu l‘habitude de porter de lourdes charges. On marcha encore quelques minutes et je vis des femmes, hommes, enfants et animaux qui commençaient à venir des quatre coins d’un grand carrefour. Un sourire émerveilla le visage de maman. On y était presque. On prit l’une des routes et en moins d’une dizaine de minutes, on était dans ce grand marché. Tout s’y vendait. Tout s’y faisait.

Des petits garçons de mon âge avaient des plateaux sur la tête, les filles ne manquaient pas de travailler comme des hommes. Malgré la faiblesse de mon corps, je voulus descendre me trouver une activité pour la journée.

Moi : Ma’a, je ne veux pas rester sur le dos. Je dois aussi aller travailler.

Maman : je dois d’abord couper ton palu avant que ça ne se complique. Je connais une maman ici qui vend les remèdes du village. Elle va nous aider.

Elle se fraya une fine route au milieu de la foule. On passa de piste en piste jusqu’à ce marché qui avait une odeur d’écores d’arbres. Maman s’arrêta devant une femme couverte de voile de la tête aux pieds comme la majorité des femmes qui y étaient.

Maman : Salam Fadimatou !

-Fatima c’est toi ? Tu fais quoi ici ? Tu as laissé ton mari ? C’est Ibrahim sur ton dos ?

Maman : on aura le temps de parler. Ibrahim a une fièvre. Je veux que tu me fasses une bonne composition pour le soigner. Hier il a été battu et son corps tremble beaucoup.

-je vois ! Asseyez-vous, je vais vous trouver ce qu’il faut. Comme c’est toi, je vais te faire un bon prix.

Maman : merci ma sœur !

On prit place pour la première fois depuis près d’une heure. La femme au visage recouvert que maman appelait Fadimatou nous fit une sorte de mélange qui ne m’attirait pas du tout.

-il prendra ça pendant une semaine et je t’assure qu’il ne connaitra plus la fièvre. Il doit prendre ça sans sauter une seule journée. J’espère qu’il ne fuit pas les médicaments.

Maman : non ! C’est un grand garçon. Pour sa santé il prend tous les médicaments qu’il faut. Il peut boire l’autre maintenant ?

-sans problème. Il doit d’abord manger et pas un peu.

Elle alla chercher à manger et m’installa dans une petite case qui semblait être son magasin. J’y mangeai malgré le manque d’appétit et prit mon médicament. Je ne voulais pas que maman soit en colère.

Maman me laissa dans la case et alla rejoindre son ami. Elles avaient parlé pendant des heures pendant que je dormais certainement. Une forte transpiration m’avait mouillé de partout. Ma fièvre était tombée.

Moi : maman…

-ta maman arrive. Elle est allée chercher un endroit où vendre, répondit Fadimatou depuis l’extérieur.

Je m’enfouis à nouveau dans ce petit drap et je repensai à mon père. Les choses auraient pu être tellement différentes s’il était ce genre de père dont j’entends souvent parler. Ceux-là qui s’occupent de leur famille et qui les protège au péril de leur vie. Mon père à moi m’auraient tué pour une pièce sans valeur.

Maman arriva après un long moment. Elle avait beaucoup marché semblait-il. Je ne voulais pas manquer leur conversation alors j’allai m’installer avec eux dehors.

Maman : je vois que tu vas déjà mieux.

Moi : ou Ma’a, je ne suis plus fatigué.

Maman : j’ai trouvé un petit endroit où m’installer. J’ai même acheté les ingrédients et mes accessoires.  J’ai aussi trouvé une petite maison. On va jongler comme ça avant de voir.

Moi : on va faire les beignets ?

Maman : oui, tu sais que c’est le domaine de maman nor.

Moi : un jour je vais t’ouvrir une grande boulangerie comme ça, en écartant mes mains.

Toutes les femmes qui se trouvaient là se mirent à rire aux éclats. Elles étaient émerveillées de voir un enfant comme moi.

Maman : je te remercie pour tout Fadimatou. Ce petit m’a bien fait peur ce matin

-de rien ma sœur. Tu sais que ton fils c’est mon fils. N’oubliez pas que moi aussi j’aime les beignets haricots hein.

Moi : je viendrai avec ta part chaque matin que je pourrai.

-j’ai compris mon garçon, merci beaucoup. Tu dois aussi complètement guérir. Toute la semaine tu dois boire ton remède.

Maman : on y va Ibrahim

Cette fois je pouvais marcher en sautillant comme d’habitude. J’avais récupéré mon sac à dos. Maman m’arrêtait la main et ne cessait de me gronder car je voulais aller partout. Une fois devant une grande boulangerie où bon monde entrait et sortait, je m’arrêtai.

Maman : tu sais même que bientôt la nuit va tomber ? Avance !

Moi : regarde cette boulangerie maman, un jour on aura la nôtre, pas vrai ?

Maman : tout est possible quand on y croit mon chérie. Reste tout simplement dans le droit chemin et suit toutes les recommandations d’Allah.

Moi : et je t’achèterai aussi une grosse voiture qui aura même dix roues

Maman : c’est le camion ?

Moi : avec de beaux sacs à main à trois cordes et de jolies chaussures avec beaucoup de talons. Tu n’auras rien que des choses que les autres femmes n’ont pas.

Maman : hahaha, ne me finit pas les côtes. Voilà, on est arrivé. J’ai tout laissé là-bas.

On était en face d’une petite maison, une très petite maisonnette. On allait faire avec. Au moins on avait un toit sous lequel dormir. Un petit tapis était posé par terre, on n’y passerait surement le nuit. L’heure de la prière sonna, on remercia le ciel pour ses bienfaits. Maman m’allongea et alla chercher de quoi manger. Ce n’était pas grand-chose à ses yeux mais c’était tout pour moi puisque ça venait d’elle. On garda le reste pour le déjeuner du matin.

A l’heure du couché, on tourna la farine de beignet et maman arrangea son foyer à l’extérieur pour le feu. On venait juste d’arriver et je ne savais pas comment elle allait se faire de la clientèle en ci-peu de temps.

Moi : Ma’a, on va avoir les clients comment ? On vient à peine d’arriver.

Maman : quand tu dormais je travaillais. On aura assez de client pour la quantité que j’ai tourné. Tu vas voir

Moi : tu connaissais déjà cet endroit ?

Maman : Oui ! C’est ici que mes parents vendaient souvent. Je connais chaque recoin du marché et du quartier. J’y ai vécu.

Moi : parle-moi de tes parents maman. Pourquoi on ne va jamais les voir ?

Maman : c’est compliqué Ibrahim. Je te raconterai ça quand tu seras en mesure de comprendre. Grandit encore un peu

Moi : donc je suis court hein

Maman : hahaha… Pardon allons dormir. J’ai fini. Prions qu’il fasse beau temps demain.

On alla se coucher et pour la première fois depuis des années, on ne reçut aucun coup de ceinture pendant le sommeil. Aucune insulte ne se fit entendre. Tout était calme et paisible. Le matin arriva très rapidement. Il faisait déjà pleinement jour. Je croyais que maman dormais encore mais non ! Elle avait déjà posé son huile au feu. Elle avait vraiment fait tous les achats à la veille.  Pour le moment il n’y avait pas de bouillie car elle venait de tremper le maïs.

Je me rinçai le visage et les pieds puis j’allai la rejoindre.

Moi : bonjour maman

Maman : bonjour mon garçon. Il y’a le reste de pain d’hier dans ton sac. Mange ça avec le haricot que je t’ai laissé et viens prendre ton remède.

Elle pensait à tout, à tout moment. Je fis exactement comme elle me l’avait dit puis je m’assis près du feu avec elle. Ça faisait un bien fou de me retrouver près d’elle. L’huile avait à peine chauffé qu’on recevait déjà le premier client.

-As-Salam Alaykoum! Ce n’est pas encore prêt ?

Maman : Salam Laadji ! C’est presque prêt ! Prends place et laisse mon garçon te donner un petit verre d’eau.

-non, je vais attendre !

Maman coupait ses beignets avec tellement de rapidité et de joie. Elle souriait à chaque fois qu’un nouveau client se pointait. En retirant le premier tour, il y’avait au moins dix hommes assis sur le tapis. Chacun avait déjà passé la commande. Je me chargeais de porter son plat à chacun et de récupérer l’argent. Tantôt de jeunes filles qui arrivaient avec des plats pour emporter leur part, tantôt des petits enfants qui venaient acheter un petit beignet. On avait presque tout vendu.

Maman : voilà, on emballe. C’était bon pour aujourd’hui.

Moi : il y’a encore dix beignets et du haricot.

Maman : c’est ce que tu vas manger pour passer la journée. N’oublie pas que ton médicament c’est matin, midi et soir pendant une semaine. Tu dois bien manger.

Un nouveau client arriva sur le moment.

Maman : c’est fini pour aujourd’hui

-et ce qu’il y’a dans le panier ?

Maman : c’est pour que mon fils prenne ses médicaments. Je ne peux pas vendre ça mais demain matin vous aurez un cadeau. Rappelez-moi

-d’accord ! Je voulais déjà me fâcher mais ça va. Bonne journée

On emballa rapidement pour éviter de chasser un autre client. Avec maman, on lava tout ce qui avait été utilisé et on classa tout avant de commencer les comptes. Elle retira son capital en y ajoutant un plus et garda le bénéfice.

Moi : l’argent la est beaucoup hein

Je reçus un coup sur la tête.

Maman : tes yeux ne doivent jamais être longs sur l’argent… On doit aller au marché. On achète la marchandise de demain.

On lança des pas joyeux jusqu’à un coin assez sombre et calme du quartier. On y était passé la veille mais comme il faisait nuit, je n’avais pas remarqué la différence avec les autres endroits. Maman marchait calmement et semblait prier.

Moi : pourquoi l’endroit ci est un genre comme ça ?

Maman : ça a toujours été comme ça. Marchons vite, je n’ai jamais aimé cet endroit.

On pressa le pas jusqu’à la sortie. Au moment de lancer le dernier pas, on homme nous barra la route. On se retourna mais un autre y était déjà.

Maman : reste près de moi Ibrahim

Moi : qui soit-il maman ?

Maman : de mauvaises personnes.

L’un d’entre eux s’approcha de maman.

-donne tout et vous n’aurez aucun problème.

Maman fouilla rapidement son sac et retira son porte-monnaie. Elle voulut donner tout notre dur labeur à cet homme mais n’y opposai.

Moi : tu vas tout lui donner comme ça ? On a travaillé dur pour ça et tu vas tout lui donner ?

Maman : tais-toi Ibrahim !

Moi : s’il vous plait baba, ne prenez pas notre argent. C’est tout ce qu’on a

Maman reçu une gifle qui la jeta par terre.

-tu n’as pas sus éduquer ton fils et voilà le résultat. Il ne sait pas parler aux grands.

J’étais tellement en colère. Quelqu’un avait à nouveau levé la main sur ma mère. J’avais compris qu’il fallait tout donner. Je leur remis le porte-monnaie les larmes aux yeux. Maman était couchée à pleurer pendant que ces hommes comptaient notre argent. Ils me sourirent et se tournèrent pour s’en aller.

Moi : c’est haram ce que vous faites, Allah vous donnera des coups de fouets le jour du jugement dernier

L’un d’eux se retourna vers moi.

-on doit un peu te montrer comment un enfant doit se comporter ici

Maman : laissez-le je vous en prie ! Vous avez déjà eu ce que vous voulez alors laissez mon fils.

Il ne l’écouta pas. Cet homme vint m’arracher des bras de maman qui ne comptait pas me lâcher. Elle me tenait fortement et criait de toutes ses forces mais il restait plus fort qu’elle. Il me mit à plat ventre et me donna quelques coups de fouets qui retombaient parfois sur maman car elle ne cessait de s’interposer entre le fouet et moi. Il s’en alla en riant avec son ami. Malgré la douleur, maman me porta sur son dos et on reprit le chemin du retour. Tête posée sur ce dos que j’ai connu comme seul support depuis toujours, je pensais à notre vie. Je ne trouvais aucune issus.

Moi : dis-maman, Allah sélectionne les gens qui vivront heureux et d’autres qui vivrons malheureux ?

Maman : ne perds pas la foi mon fils, ne commet jamais cette erreur.

#A_suivre…

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