(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que p
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Le ciel s’embrase à l’horizon. Une déchirure d’or et de rose dans le bleu encore somnolent de la nuit. La montagne, elle, reste là, monumentale, impassible, drapée dans ses reflets de cuivre, comme si le soleil lui-même ne pouvait que la caresser du bout des doigts sans vraiment l’atteindre.On marche en silence, sacs vissés aux épaules, bottes battant la terre rouge des sentiers. L’air est vif, piquant, saturé de résine et de cette odeur minérale propre aux hautes altitudes. Chaque pas soulève un peu de poussière, un peu d’histoire. Autour de nous, les pins montent la garde, vieux soldats centenaires, les troncs torsadés par le vent.Eddy ferme la marche, le regard bas. Depuis le départ, il ne dit rien. Il avance, mais sans être vraiment là. Ses pas sont ceux d’un somnambule.Jonah, quelques mètres derrière moi, ralentit, s’approche. Il ajuste son sac, penche la tête vers moi sans me regarder.— Tu l’as vu, toi aussi, hein ? Eddy… il déconne.Je hoche la tête. Loghan, plus lo
(Cassy)Une chape de silence pèse sur notre groupe. Le corps de Milo a été laissé à l’orée du sentier, enseveli sous des pierres, une stèle de fortune dressée sous un pin. Nous marchons, un pas après l’autre. Le vent cingle, les flocons se transforment en lames, la montagne rugit dans un murmure continu. La tempête n'est plus une menace — elle est une réalité. Jonah nous fait nous encorder. Par sécurité, dit-il. Mais personne n’est dupe. Ce n’est pas que la montagne qu’ils redoutent.— Allez, on reste groupés. Pas de prise de risque, pas de bravade, martèle-t-il.Eddy, au bout de la file, marmonne tout bas. Des phrases inintelligibles. Son souffle court, saccadé. Il rit parfois. Se parle. Il tourne la tête brusquement, comme si quelqu'un était là, juste derrière lui.— Elle est fière de moi, dit-il à voix haute.Personne ne répond. La visibilité s’effondre. Jonah crie des ordres, tente de garder tout le monde ensemble. Les cordes tirent, les bras se tendent, chacun s’agrippe à son vo
Les flammes ont rongé Eddy jusqu’au dernier éclat d’os. Son corps n’est plus qu’un tas de cendres, balayées par le vent. Pas de pierre tombale. Pas de mots. Seulement le feu. Nous reprenons la route. La neige crisse sous nos pas. Le vent s’est calmé, mais l’air reste lourd. Comme si la montagne attendait quelque chose de nous. Comme si elle savait. Jonah s’arrête le premier. Il désigne du menton un point plus haut, à flanc de roche, là où deux grands sapins tordus encadrent une ouverture sombre.— C’est là, souffle-t-il.On s’approche. Le cœur battant trop fort. Le souffle court. Et soudain, sans prévenir, le temps s’arrête. Plus un bruit. Plus un mouvement. Les flocons suspendus dans l’air, immobiles comme des perles de verre. Et devant l’entrée de la grotte, il est là. Ezra. Drapé d’une tunique sombre, la peau pâle comme la neige autour de lui. Ses cheveux gris roulent sur ses épaules. Ses yeux — noirs, insondables — croisent les miens. Il tend la main vers moi. Sans un mot. Je fai
CassyJe me réveille en sursaut, le cœur tambourinant, la respiration saccadée. Encore ce même rêve étrange. Cela fait des semaines que cela dure. Je vois toujours le même visage, le même homme. Il est grand, des épaules larges et il a des yeux bleu d’une intensité presque surnaturelle. Son regard semble me transpercer, comme s’il réclamait quelque chose en moi. C’est terrifiant et fascinant à la fois. Je fixe le plafond de ma chambre, essayant de calmer mes nerfs. À travers la fenêtre, les lumières de New York clignotent encore, timides dans l’aube naissante. Je jette un œil à mon téléphone : il est 5 h 47. Encore une nuit à dormir à peine quatre heures. Mon emploi du temps au Newyorktimes est déjà chargé, et ces rêves à répétition n’arrangent rien. Je soupire. Je me lève et file sous la douche. L’eau chaude sur ma peau atténue un peu la tension, mais pas assez pour effacer le visage de cet homme. J’attrape mon déshabillé et traîne les pieds jusqu’à la cuisine pour me faire un café s
CassyLe chauffeur me dépose à l’aéroport JFK. Je m’enregistre, récupère les billets envoyés par Me Swan. Pendant que j’attends l’embarquement, je somnole sur un siège inconfortable. Les visages des gens défilent autour de moi comme dans un brouillard. Je finis par m’assoupir un moment et je replonge dans ce rêve… Les mêmes yeux bleu, ce même homme, cette même tension qui me serre la poitrine. Je me réveille en sursaut, encore. Les passagers autour de moi me lancent un regard intrigué. Une voix retenti dans les hautes parleurs. — Dernier appel pour le vol à destination de San Francisco, Californie … Je saute sur mes affaires et embarque in extremis. Le vol me paraît interminable. Je picore à peine le plateau repas. Je regarde des séries sans vraiment y prêter attention. Les mots de Me Swan tournent en boucle dans ma tête. “Il est crucial que vous veniez sur place.” Pourquoi? Qu’est-ce que Henry me cachait ? Comment est-il mort? Pourquoi ne m’a-t-il jamais parlé de son fils Loghan? J
Les flammes ont rongé Eddy jusqu’au dernier éclat d’os. Son corps n’est plus qu’un tas de cendres, balayées par le vent. Pas de pierre tombale. Pas de mots. Seulement le feu. Nous reprenons la route. La neige crisse sous nos pas. Le vent s’est calmé, mais l’air reste lourd. Comme si la montagne attendait quelque chose de nous. Comme si elle savait. Jonah s’arrête le premier. Il désigne du menton un point plus haut, à flanc de roche, là où deux grands sapins tordus encadrent une ouverture sombre.— C’est là, souffle-t-il.On s’approche. Le cœur battant trop fort. Le souffle court. Et soudain, sans prévenir, le temps s’arrête. Plus un bruit. Plus un mouvement. Les flocons suspendus dans l’air, immobiles comme des perles de verre. Et devant l’entrée de la grotte, il est là. Ezra. Drapé d’une tunique sombre, la peau pâle comme la neige autour de lui. Ses cheveux gris roulent sur ses épaules. Ses yeux — noirs, insondables — croisent les miens. Il tend la main vers moi. Sans un mot. Je fai
(Cassy)Une chape de silence pèse sur notre groupe. Le corps de Milo a été laissé à l’orée du sentier, enseveli sous des pierres, une stèle de fortune dressée sous un pin. Nous marchons, un pas après l’autre. Le vent cingle, les flocons se transforment en lames, la montagne rugit dans un murmure continu. La tempête n'est plus une menace — elle est une réalité. Jonah nous fait nous encorder. Par sécurité, dit-il. Mais personne n’est dupe. Ce n’est pas que la montagne qu’ils redoutent.— Allez, on reste groupés. Pas de prise de risque, pas de bravade, martèle-t-il.Eddy, au bout de la file, marmonne tout bas. Des phrases inintelligibles. Son souffle court, saccadé. Il rit parfois. Se parle. Il tourne la tête brusquement, comme si quelqu'un était là, juste derrière lui.— Elle est fière de moi, dit-il à voix haute.Personne ne répond. La visibilité s’effondre. Jonah crie des ordres, tente de garder tout le monde ensemble. Les cordes tirent, les bras se tendent, chacun s’agrippe à son vo
(Cassy)Le ciel s’embrase à l’horizon. Une déchirure d’or et de rose dans le bleu encore somnolent de la nuit. La montagne, elle, reste là, monumentale, impassible, drapée dans ses reflets de cuivre, comme si le soleil lui-même ne pouvait que la caresser du bout des doigts sans vraiment l’atteindre.On marche en silence, sacs vissés aux épaules, bottes battant la terre rouge des sentiers. L’air est vif, piquant, saturé de résine et de cette odeur minérale propre aux hautes altitudes. Chaque pas soulève un peu de poussière, un peu d’histoire. Autour de nous, les pins montent la garde, vieux soldats centenaires, les troncs torsadés par le vent.Eddy ferme la marche, le regard bas. Depuis le départ, il ne dit rien. Il avance, mais sans être vraiment là. Ses pas sont ceux d’un somnambule.Jonah, quelques mètres derrière moi, ralentit, s’approche. Il ajuste son sac, penche la tête vers moi sans me regarder.— Tu l’as vu, toi aussi, hein ? Eddy… il déconne.Je hoche la tête. Loghan, plus lo
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que p
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma