MasukLa contre-attaque de Kael ne fut pas une bataille. Ce fut une exécution.Guidé par sa rage de m'avoir vue touchée (ou ce qu'il croyait être une touche), il traversa les lignes de la Légion Grise comme une tempête dorée. Les murs de basalte tremblaient à chaque décharge de son énergie. Les mercenaires, pourtant des vétérans endurcis, tombaient avant même d'avoir pu recharger leurs armes runiques.Je suivais à distance, entourée par ma garde rapprochée qui formait un carré de protection autour de moi. Je serrai mon poing gauche dans ma poche, la douleur fantôme de mon petit doigt manquant pulsant en rythme avec les explosions.« Par ici, » ordonnai-je, pointant un escalier en colimaçon à moitié effondré qui s'enfonçait dans les entrailles du Temple. « Le sniper était une diversion. Le vrai objectif est en bas. »« Madame, l'Alpha a ordonné de rester en surface, » protesta le chef de mon escouade.« L'Alpha est occupé à tuer des mouches, » répliquai-je sèchemen
5h00 du matin.Le convoi blindé du Réseau quittait la Forteresse, une colonne de scarabées d'acier noir fendant la neige fraîche.J'étais assise à l'arrière du véhicule de commandement, sanglée dans un siège baquet trop grand pour moi. Kael était assis en face, en train de vérifier le chargeur de son arme de poing. Même s'il pouvait tuer par la pensée, il gardait ses habitudes de soldat.« Ta main, » dit-il sans lever les yeux.Je réprimai un tressaillement. Ma main gauche reposait sur mes genoux, enveloppée dans un bandage compressif épais, dissimulé sous un gant tactique noir un peu trop large.Sous le tissu, mon auriculaire n'était plus entier. Il manquait la dernière phalange.Je l'avais coupée.Je l'avais nettoyée, gravée d'une rune microscopique avec une aiguille, et je la portais maintenant dans un médaillon en argent autour de mon cou, contre ma peau.« J'ai coincé mes doigts dans le tiroir de la commode, » mentis-je, ma voix parfaitement stable grâce à la douleur lancinante q
Ma chambre était devenue un laboratoire clandestin.J'avais verrouillé la porte et tiré les lourds rideaux de velours pour bloquer la lune. La seule lumière venait de trois bougies que j'avais volées dans la chapelle de la Forteresse. De la cire bon marché, pas de la cire d'abeille bénie, mais le Codex Venenis disait que l'intention comptait plus que le matériau.J'étais assise en tailleur sur le tapis persan, le livre ouvert devant moi.La page 42 décrivait un rituel de base : Oculus Sanguinis – L'Œil de Sang.Ce n'était pas un sort de clairvoyance noble qui permettait de voir l'avenir. C'était une technique brute pour percevoir les signatures magiques environnantes pendant une courte période.Pour une Sorcière née, c'était aussi simple que d'ouvrir les paupières.Pour une humaine, c'était une opération chirurgicale.Je disposai les ingrédients que j'avais réussi à rassembler : un bol d'eau stagnante (récupérée dans un vase de fleurs fanées), u
Trois semaines.Il avait fallu trois semaines pour que mes os se ressouder et que ma peau brûlée cicatrise en une toile nacrée et insensible sur mon bras droit. Mais il n'avait fallu que trois jours pour que la Forteresse comprenne que sa Reine n'était plus qu'un titre vide.Je marchais dans les couloirs de l'aile Est, là où se trouvaient les grandes archives. Je ne portais plus mes tenues de combat, ni mes robes de Sorcier imprégnées de mana. Je portais une robe longue en laine grise, élégante, chaude, et terriblement civile. Une tenue d'épouse, pas de guerrière.Les patrouilles que je croisais s'écartaient sur mon passage.« Majesté, » murmuraient-ils en baissant les yeux.Avant, ils baissaient les yeux par respect et par crainte de mon aura. Aujourd'hui, ils les baissaient par gêne. Ils sentaient mon absence de magie comme on sent une infirmité. J'étais devenue la "Chose Cassée" de l'Alpha.J'arrivai devant les doubles portes de la Bibliothèque des Anciens.Deux gardes d'élite barr
Le réveil ne fut pas brutal cette fois. Il fut cotonneux, blanc et chimique.J'émergeai d'un sommeil sans rêves, tirée vers la surface par le bip régulier d'un moniteur cardiaque. J'ouvris les yeux. Le plafond n'était pas la roche brute de la grotte, ni le métal du bunker. C'était le plâtre immaculé de l'aile médicale privée.Je voulus me redresser, mais mon corps refusa d'obéir. Je me sentais lourde, comme si mes os avaient été remplacés par du plomb. Mon bras droit était bandé de l'épaule jusqu'au bout des doigts, immobilisé dans une attelle en polymère.« Doucement, » dit une voix grave.Kael.Il était assis dans un fauteuil près de la fenêtre, un dossier numérique sur les genoux. Il le posa immédiatement et s'approcha du lit.Il avait l'air épuisé, mais d'une épuisement sain. Pas de cernes noirs, pas de veines pulsantes. Juste la fatigue d'un homme qui a veillé trois nuits d'affilée.« Combien de temps ? » demandai-je. Ma voix était un murmure ér
Je ne vis pas ma mort. Je vis le Blanc.Une blancheur absolue, silencieuse, qui effaça le froid, la douleur, et la peur. Pendant une seconde qui dura une éternité, je n'étais plus Anya, ni Sorcier, ni Reine. J'étais une particule de lumière en suspension dans le souffle d'une supernova.Puis, la gravité se rappela de moi.Le monde revint avec la brutalité d'un accident de voiture. Le son déchira mes tympans – un grondement titanesque qui semblait venir du centre de la Terre. L'air brûlant me calcina les poumons.Je fus projetée en arrière, poupée de chiffon dans un ouragan de magie pure. Je sentis mes os craquer, ma peau se déchirer, avant de percuter quelque chose de dur.Le noir revint.« ...nya ! »Une voix. Lointaine. Déformée par un acouphène suraigu.« Anya ! Réponds-moi ! »J'ouvris un œil. C'était difficile. Mes paupières étaient collées par quelque chose de visqueux. Du sang ? De la neige fondue ?Je toussai, et une poussière âcre, au goût d'ozone et de cendres, sortit de ma







