Le centième bracelet : la fin de notre histoire

Quand Julien est rentré, j'étais en train de jeter à la poubelle la fiche « Consignes après un avortement ».

Trois jours plus tôt, pendant que mon mari était soi-disant « en déplacement », il fêtait l'anniversaire d'une petite avec qui il sortait.

En découvrant que son cadeau était un appartement valant des centaines de milliers d'euros, j'ai perdu le contrôle et j'ai fait une fausse couche.

À peine sortie de l'hôpital, rentrée à la maison, j'ai regardé la boîte à bijoux pleine de quatre-vingt-dix-neuf bracelets de jade. Je n'ai pas écouté les consignes médicales et j'ai commandé du poulet frit avec un coca bien frais.

Julien s'est approché, a jeté la nourriture à la poubelle et m'a reproché :

« Ton estomac est fragile, je t'ai déjà dit de ne pas boire glacé. Pourquoi tu continues ? »

Puis il a sorti de son sac un autre bracelet luxueux.

« Je l'ai acheté spécialement pour toi. Ça m'a coûté cher et beaucoup d'efforts. »

J'ai jeté un coup d'œil.

C'était un bracelet en jade impérial vert, rare et précieux, estimé à plusieurs millions.

Il ne mentait pas. Ce genre de pièce est difficile à trouver, il a sûrement dû mobiliser son réseau.

Avant le mariage, si j'avais reçu un tel bijou, j'aurais sauté de joie pour l'embrasser. Aujourd'hui, je n'ai ressenti ni bonheur ni envie de l'essayer.

Voyant mon silence, Julien s'est penché vers moi :

« Tu m'en veux ? C'est parce que je ne suis pas allé avec toi au cimetière pour ta mère l'autre jour ? Si tu veux, on peut y aller maintenant. »

J'ai baissé les yeux et répondu calmement :

« Pas la peine. L'anniversaire de sa mort, c'était il y a trois jours. C'est passé. »

Avant le mariage, Julien et moi avions convenu d'une chose : je pouvais négliger toutes les fêtes, mais il devait absolument m'accompagner chaque année sur la tombe de ma mère.

Les trois premières années, il avait toujours trouvé le temps.

Mais ce jour-là, quand je l'ai appelé après le travail, il m'a répondu d'une voix douce qu'il était déjà en déplacement en province.

J'ai fait le calcul : il ne restait que le vol de 22h, il n'aurait jamais pu revenir à temps.

Alors, j'y suis allée seule.

C'est là, devant la tombe de ma mère, que j'ai appris la vérité : Julien n'était pas en voyage d'affaires, il passait l'anniversaire d'une autre. Et il lui avait offert un appartement en cadeau.

J'ai tellement explosé de rage que j'ai fait une fausse couche sur-le-champ.

« C'était l'anniversaire de ta mère ? Désolé, chérie, j'ai complètement oublié. »

Julien m'a regardée, surpris, et son air coupable n'avait pas l'air feint.

À genoux devant moi, il a pris ma main et a murmuré pour me consoler :

« Ma chérie, laisse-moi me rattraper, d'accord ? »

« Et si j'achetais un autre bracelet encore plus beau ? Celui-ci vaut deux millions, je peux en trouver un à trois millions. »

Depuis notre premier rendez-vous, Julien agit toujours de la même façon :

d'abord il reconnaît ses torts, ensuite il me couvre d'attention, et enfin il sort l'arme ultime : l'argent.

En six ans de relation, je ne l'ai jamais vu s'énerver une seule fois.

Aux yeux des autres, c'est le mari parfait.

Mais moi seule sais à quel point notre mariage, derrière son vernis de luxe, est pourri de l'intérieur.

J'étais sur le point de lui demander le divorce, quand mon ventre a soudain gargouillé.

Julien a caressé ma tête, comme on parle à un enfant :

« Je vais te préparer du riz au lait. En attendant, réfléchis : tu préfères un bracelet ou une maison ? »

Il venait d'entrer en cuisine quand son téléphone, resté sur la table basse, a vibré.

Je l'ai pris.

Un message d'Élodie.

« Merci Julien pour la super maison, j'ai passé trois jours merveilleux. »

Le cœur tremblant, j'ai ouvert son profil.

Sa photo de couverture était une photo d'elle avec Julien : elle souriait à l'objectif, tandis qu'il lui tournait le dos, ne laissant voir qu'une silhouette élégante.

Mes doigts tremblaient légèrement. J'ai commencé à défiler.

Ses trois derniers jours de publications parlaient toutes de voyage et de Julien.

« Quand il est là, je n'arrive même plus à ouvrir une bouteille ! »

« Ah, mon cœur, son sourire est trop beau ! »

« Mesdames et messieurs, voici la star et son petit ami milliardaire ! »

À chaque fois, Julien avait laissé un like.

Sauf la dernière publication : une photo du bracelet de jade impérial.

« Beurk, ce bracelet est affreux. Même gratuit, j'en voudrais pas. »

Celle-là, il ne l'avait pas likée.

Le téléphone a vibré de nouveau.

« Julien, je bois trop sans toi. Tu peux venir ce soir ? »

J'ai froncé les sourcils. De la cuisine, sa voix tendre a retenti :

« Chérie, le riz est presque prêt ! »

Rapidement, j'ai installé le logiciel d'écoute que j'avais préparé. Une fois dissimulé et toutes les traces effacées, j'ai remis le téléphone à sa place.

Julien est revenu avec le bol fumant.

Il a jeté un œil à son portable, un sourire à peine visible a effleuré ses lèvres.

Puis, feignant l'embarras, il a dit :

« Chérie, j'ai une urgence au bureau, je dois y aller. »

Je remuais distraitement la cuillère dans mon bol :

« Si c'est vraiment important, dors là-bas cette nuit. »

« D'accord. »

Son cœur a dû bondir de joie. Avant de partir, il a même pris soin de me préparer de l'eau chaude pour le bain.