DavidLa nuit ne voulait pas tomber. Elle flottait entre deux mondes, suspendue au-dessus des ruines du vieux temple, comme si elle hésitait encore à recouvrir ce lieu chargé d’histoire et de mystères. Le vent, chargé d’odeurs de terre humide et de cendres, s’immisçait dans mes vêtements trempés, caressant ma peau avec une froideur pénétrante. Pourtant, rien ne parvenait à briser cette lourdeur sourde qui pesait sur ma poitrine, ce poids invisible mais écrasant qui m’écrasait depuis des heures, depuis des jours.Je n’étais plus le même. Pas seulement parce que j’avais traversé l’Épreuve des Trois Miroirs, non. Ce que j’avais ressenti là-bas, dans l’ombre de ce temple, avait bouleversé quelque chose en moi. C’était comme si quelque chose ou quelqu’un avait laissé une empreinte profonde, irréversible, au cœur même de mon âme. Quelque chose d’ancestral, d’inexprimable.Je m’étais réveillé à l’aube, incapable de bouger, les mains serrées contre la pierre froide du socle. La pierre noire,
KaelJe ne me souviens pas du moment exact où le monde a changé.Peut-être était-ce quand David a posé la pierre contre l’éclat. Peut-être avant. Ou peut-être bien plus tôt, quand il a prononcé la Marque pour la première fois sans savoir qu’il appelait une armée de souvenirs morts.Mais ce que je sais, c’est que maintenant… rien n’est plus comme avant.Le sol s’est creusé sous nos pieds, mais ce n’est pas une faille. C’est une ouverture. Une blessure. Le ciel au-dessus de nous n’est plus le même ciel — il est teinté de rouge, de cendres, de craintes anciennes et de vérités déterrées. Et ce qu’on a libéré ne peut pas être refermé.Autour de nous, la forêt se tord. Pas physiquement. Dans son essence. Comme si chaque arbre hurlait en silence. Les feuilles se consument sans flamme. Les pierres saignent une lumière sourde.Et au centre, David.Il flotte presque. Non. Il brûle. Pas son corps, mais sa présence. Son aura. Comme si quelque chose d’autre prenait racine en lui.Alma recule, le v
AlmaJe sens encore leur présence.Même après leur repli, même après le silence revenu, une part d’eux reste imprimée sur ma peau, comme une brûlure invisible. Le monde autour de nous semble différent, comme s’il avait cessé de tourner pendant que David parlait… et qu’il hésitait maintenant à reprendre.Kael est toujours là, un bras sous l’épaule de David. Il ne dit rien. Il n’a pas besoin. Son regard est fixé sur la pierre noire, et je sais ce qu’il pense. Ce qu’il craint.Esteban reste en retrait. Le souffle court, la main crispée sur la garde de sa lame. Il n’a pas fui, lui non plus. Il n’a pas tremblé — pas vraiment — mais quelque chose en lui s’est fissuré ce soir.Et Joren…Il est déjà en marche. Toujours le premier à briser l’immobilité. Il scrute l’horizon, son arme dégainée, comme s’il s’attendait à voir jaillir les ombres du Néant. Ou peut-être espère-t-il que cela arrive. Lui aussi, il a changé.Mais c’est David… David qui porte désormais plus qu’un nom, plus qu’une promess
Ils sont légion. Et pourtant seuls.Ils n’ont pas de nom que les vivants peuvent prononcer.Ils n’ont ni âge, ni forme, ni pitié.Ils sont nés du Vide, du serment trahi, de l’oubli imposé. Quand la Première Porte fut scellée, ils furent piégés de l’autre côté non pas par vengeance, mais pour préserver ce qui n’était pas prêt. Ce qui ne comprenait pas encore. Ce qui aurait détruit en croyant sauver.Ils ne dorment pas. Ils scrutent. Ils attendent.Et ce soir, un battement dans la chair d’un humain a ravivé l’écho du Pacte.Ils se penchent. Ils s’incarnent.Non pour détruire, mais pour comprendre si l’heure est venue.La Voix de l’AncienUne entité plus ancienne que les autres s’avance. Elle ne foule pas le sol : c’est le sol qui se rétracte sous son passage.Elle est drapée de cendres et de lumière mourante. Sa silhouette change à chaque battement de cœur tantôt une carcasse d’étoile, tantôt un roi sans couronne, tantôt un enfant les yeux brûlés par le savoir.Il n’a pas de visage.M
DavidJe sens d’abord… un frisson.Une vibration profonde, sourde, qui traverse la salle. Une ondulation comme un battement d’ailes colossales. Je serre les poings la marque sur ma poitrine pulse, répond à l’appel. Quelque chose franchit le seuil de la réalité.Je sens l’air se densifier, la lumière se tordre. Le chant s’approche, impossible à nommer, comme une clameur ancestrale perçant le silence des siècles.Je vois des ombres se profiler dans l’air rouge. Pas de corps nets, mais des silhouettes en mouvement : formes vaguement humanoïdes, déchiquetées, pourtant majestueuses. Elles flottent. Elles cherchent. Elles grandissent.Mon cœur bat fort. Ma gorge se noue. Mais je ne lâche pas la marque. Je ne peux plus.— Ils arrivent, murmuré-je.Autour de moi, tout retient son souffle.KaelJe recule instinctivement. Une main se pose sur la garde de mon épée, mais je sais que ça ne sert à rien. J’entends un bruissement dans l’air, un froissement d’ailes, de tissus, de chair. Et qui m’effra
ÉliasIl ne bouge pas.Il respire, mais différemment. Comme si son souffle n’appartenait plus à ce monde. Comme s’il puisait l’air non pas dans nos poumons, mais dans les ruines du temps. Il est à genoux, les bras le long du corps, les yeux ouverts mais absents. Et sur sa poitrine, cette marque… ce cercle incandescent, encore rougeoyante, palpite comme un second cœur. Un cœur qui bat au rythme d’un monde que nous ne comprenons pas.Autour de lui, aucun de nous ne parle.Même le silence semble avoir peur.Je fais un pas vers lui. Mes jambes tremblent. J’ai traversé des guerres, des sacrifices, des ruptures de réalités… mais rien ne m’avait préparé à ça. À ce vide qui nous entoure désormais. Un vide rempli d’un murmure invisible. Comme si le monde retenait son souffle.— David ?Il cligne des yeux. Puis il tourne lentement la tête vers moi.Et je comprends.Ce n’est plus lui. Pas tout à fait. Il est encore là, dans ses traits, dans la forme de ses mains, dans la voix qui sortira bientôt