DavidLe vide m’aspire.Je chute sans fin, emporté dans un abîme de ténèbres. Le temps lui-même s’efface, se distord. Autour de moi, des visages apparaissent et disparaissent, leurs contours flous, leurs yeux vides. Des murmures rampent sur ma peau, me traversent, s’infiltrent dans mon crâne.— David…Ma propre voix résonne, déformée, comme un écho perdu dans l’éternité.— David… réveille-toi.Soudain, un choc brutal.Je suis projeté contre une surface froide et dure. L’impact me coupe le souffle, et la douleur éclate dans mon dos comme une explosion.J’ouvre les yeux.Je suis allongé sur le sol d’une immense
DavidL’obscurité nous avale.Je cours, mon grand-père à bout de souffle à mes côtés, alors que les ombres hurlent derrière nous, déformées par la rage et l’impatience de nous voir chuter. Nos pas résonnent dans ce couloir sans fin, dont les murs suintent d’une matière sombre, vivante. Une odeur de cendres et de sang imprègne l’air.— Grand-père, tiens bon !Il serre ma main, ses doigts tremblants mais fermes.— Je savais que ce jour viendrait, David. Mais je n’aurais jamais cru que tu serais celui à briser la malédiction…Je ne réponds pas. Pas maintenant. Pas tant que nous ne sommes pas sortis d’ici vivants.La lumière est une illusion. Le couloir s’étire à l’infini, et chaque pas semble nous enfoncer davantage dans cet abîme. Derrière nous, le Corbeau hurle :— Tu ne peux pas nous fuir ! Tu fais partie de nous !Sa voix s’enroule autour de mon crâne comme une chaîne.Non.Je refuse.Je serre les dents et continue d’avancer, traînant mon grand-père avec moi. Mais soudain, la terre t
DavidL'air est lourd, saturé d'un parfum de cendres et de secrets oubliés.Face à moi, cet homme qui me ressemble comme un reflet brisé, tordu par une force obscure. Ses yeux sont noirs, insondables, et pourtant… quelque chose en lui m'est familier.— Qui es-tu ? ma voix est rauque, étranglée par l’incompréhension.Il sourit lentement.— Je suis toi.Mon grand-père pose une main tremblante sur mon épaule.— David… nous devons partir.Mais je ne peux pas bouger.Cet homme—cette chose—me fixe avec une intensité glaciale.— Tu n’as jamais posé les bonnes questions, David. Pourquoi crois-tu que tu as survécu là où tant d’autres ont péri ? Pourquoi crois-tu que le Corbeau, la Mouche Tsé-Tsé et le Hibou t’ont toujours combattu avec autant d’acharnement ?Ma gorge se serre.— Parce que je suis une menace pour elles.Il secoue lentement la tête.— Parce que tu es leur héritier.Non.Non, c'est impossible.Je recule, cherchant désespérément une issue, mais les murs de pierre semblent se refer
DavidLa dague est lourde dans ma main. Plus lourde que du métal. Comme si elle portait un fardeau invisible, un poids qui cherche à s’ancrer en moi.Mon grand-père me fixe, l’angoisse dans les yeux.— David, écoute-moi.Je serre la lame entre mes doigts, et le froid de l’acier me mord la peau.— Tu savais, n’est-ce pas ?Il ne répond pas tout de suite. Son regard s’égare vers le sol, là où des symboles anciens semblent s’animer sous la lueur tremblante des bougies.— Je n’avais pas le choix.Un frisson me traverse.— Pas le choix ? Tu m’as laissé grandir dans un mensonge, entouré de ces femmes… ces monstres !Un silence.Puis, enfin, il relève les yeux vers moi.— Parce que je voulais que tu restes humain.Un rire amer m’échappe.— Humain ?Je lève la main libre, la paume tournée vers le plafond.L’air tremble.Des ombres dansent autour de moi, des murmures s’infiltrent dans mon esprit.Je ressens tout.Les battements du cœur de mon grand-père. La pulsation du sang dans ses veines. L
DavidLe vide m’avale.Je tombe à travers un gouffre sans fond, une obscurité liquide qui engloutit mes pensées et ralentit mon souffle. J’ignore où je vais atterrir, mais une certitude me ronge : je ne reviendrai pas le même.Les voix me poursuivent.— Tu es des nôtres.— Tu as toujours été des nôtres.— Accepte-le.Je veux hurler, mais aucun son ne sort de ma gorge. Mes poumons se compressent, mon cœur cogne contre mes côtes. Puis, soudain, je percute une surface glaciale.L’impact me coupe le souffle.Je suis allongé sur un sol dur et humide. L’air est saturé d’une odeur métallique – du sang, peut-être ? Je me redresse lentement, mes muscles endoloris. Autour de moi, tout est flou, mouvant, comme un cauchemar mal défini.— Tu es enfin là.Je me fige.Devant moi se tient une silhouette familière. Trop familière.Moi.Ou plutôt… une version tordue de moi-même. Son visage est le mien, mais ses yeux sont noirs comme un abîme sans fin. Son sourire est plus acéré, plus cruel.— Qui es-tu
DavidLe silence après ses paroles est plus lourd qu’un cercueil scellé.Le Corbeau est là, devant moi, sa silhouette sombre drapée dans une obscurité qui semble s’étirer bien au-delà du réel. Son regard me fouille, creuse en moi des vérités que je refuse d’affronter. Derrière elle, l’ombre du couloir s’étend, profonde et insondable, comme si elle menait directement aux Enfers.Mon grand-père est toujours debout entre nous, son dos voûté mais son regard aussi dur que l’acier. Il n’a plus la vigueur d’antan, mais sa volonté brûle encore comme un feu qu’on ne peut éteindre.— Tu n’auras pas mon petit-fils.Le Corbeau esquisse un sourire froid.— Est-ce moi qui le réclame ? Ou est-ce lui qui vient à nous ?Elle me fixe de nouveau, et cette fois, je ressens un frisson glacial courir sur ma peau.Quelque chose bouge en moi.Un murmure, une présence, une conscience qui n’était pas là avant.— Arrête ça, dis-je, ma propre voix à peine plus forte qu’un souffle.Le Corbeau penche légèrement la
DavidLa nuit s’étire, lourde et oppressante. Je suis allongé sur mon matelas de fortune, dans la chambre qui m’a été attribuée, mais le sommeil me fuit comme une ombre insaisissable.Les mots du Corbeau résonnent encore en moi."Tu es des nôtres."Non.Je refuse.Mais quelque chose en moi vacille.Je ressens encore la chaleur qui a couru dans mes veines, cette sensation étrange de puissance brute, ce battement sourd qui ne m’appartient pas totalement.Je passe une main tremblante sur mon front. Froid. Glacé.Autour de moi, le silence est pesant. La maison semble retenir son souffle.Même mon grand-père n’a pas reparu depuis notre confrontation avec le Corbeau. Comme s’il savait qu’il devait me laisser seul. Comme s’il comprenait ce qui se passe mieux que moi.Et puis…Un bruit.Un chuchotement.Infime, à peine perceptible, mais bien là.Je me redresse brusquement, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.— Qui est là ?Rien.Je tends l’oreille.Puis, soudain, un grattement à ma porte.
DavidL'air du matin est glacé. L'humidité s'infiltre jusque dans mes os alors que je referme ma valise usée, seul bagage que je peux emporter. Mon grand-père m'observe en silence, debout dans l’ombre du couloir. Ses yeux sont fatigués, marqués par des années de lutte contre ces femmes qui gangrènent notre famille.— Tu pars maintenant.Sa voix est ferme, mais je perçois l’émotion derrière. Il ne veut pas me voir partir, mais il sait que c'est ma seule chance.Je hoche la tête.Le silence s’installe.Puis il ajoute, plus bas :— Ne regarde pas en arrière. Quoi que tu entendes, quoi que tu ressentes, ne te retourne jamais.Un frisson court le long de mon échine.Je sers la lanière de ma valise entre mes doigts.Puis je sors.---L’air du dehors est plus lourd que d’habitude. Comme si quelque chose s’accrochait à mes épaules, m’écrasant de son poids invisible.Je traverse la cour, le pas rapide.Mais alors que je m’approche du portail en fer, un murmure me parvient.Faible. Doux. Envoût
DavidL’eau m’arrache l’air des poumons. Un silence absolu m’entoure, plus dense que tout ce que j’ai connu. Pas un bruit, pas une vibration. Juste l’immensité noire, infinie, qui m’attire vers le fond.Mes bras s’agitent par réflexe, mais il n’y a ni haut ni bas. L’eau n’est pas froide. Elle est absente. Une matière qui n’en est pas une, un gouffre qui me retient sans jamais me porter.Je descends.Ou est-ce le monde qui s’élève au-dessus de moi ?Les ténèbres s’épaississent. Une masse informe se dessine, immense, démesurée. Elle ne brille pas. Au contraire, elle absorbe la lumière qui ne devrait même pas exister ici.Puis, elle s’ouvre.L&
DavidL’appel ne s’arrête pas. Il s’insinue dans mon esprit, rampant comme une marée noire qui s’étale sur le sable. Je serre les dents, tentant de chasser cette voix qui me hante, mais elle s’accroche à moi comme une ancre.— David… Tu ne peux pas fuir.Je me redresse, le souffle court, mes doigts crispés sur le bois du bastingage. L’air est lourd, chargé d’un silence pesant. Tout semble figé, comme si le monde retenait son souffle.L’océan s’étale devant moi, immense et impénétrable. Mais sous cette surface tranquille, quelque chose veille. Quelque chose m’attend.Les Signes— Capitaine !La voix de Joren brise le silence, me ramenant à la réalité. Il accourt vers moi, l’air préoccupé.— On a un problème.Je me tourne vers lui, refoulant les ténèbres qui me rongent.— Quoi encore ?Il me désigne le ciel. Je lève les yeux et mon sang se glace.Les étoiles ont disparu.Aucune lueur ne brille dans l’immensité nocturne. Comme si une main invisible avait effacé la voûte céleste.Joren av
DavidLe silence s’abat sur le pont comme un couperet. L’ombre face à moi n’a pas bougé. Pourtant, je ressens son emprise partout autour de moi. L’air est plus lourd, plus froid. Les torches vacillent, comme si leur flamme hésitait à continuer d’exister en présence de cette entité.— Qui es-tu ? répété-je, cette fois d’un ton plus tranchant.L’ombre ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix profonde, presque familière, elle murmure :— Un avertissement.Je serre mon épée, prêt à frapper au moindre mouvement suspect.— Un avertissement de qui ?Elle lève lentement une main, paume ouverte vers le ciel.— Des profondeurs.Et soudain, tout bascule.La DéchirureLe pont du navire disparaît sous mes pieds. Un instant, je suis là, au milieu de mes hommes, l’instant d’après, je suis ailleurs.Un lieu que je ne reconnais pas.Le sol est noir, rugueux comme de la pierre volcanique. Autour de moi, des silhouettes sans visage flottent dans un espace sans fin. Le ciel au-dessus n’est pas un ci
DavidLe château est plongé dans une torpeur sinistre. La guerre est finie, mais le silence qui règne dans les couloirs ne signifie pas la paix. Au contraire. Il y a une tension sourde, une attente glaciale qui précède toujours une nouvelle tempête.Je suis assis sur le trône de pierre noire, les doigts drapés sur l’accoudoir froid, observant les flammes danser dans la grande cheminée. Autour de moi, le conseil murmure, échange des regards lourds de suspicion et d’ambition.— Nous devons agir vite.La voix de Markus brise le silence. Son regard est braqué sur Eldric, qui se tient debout à quelques pas du trône.— Les nobles du sud n’ont pas renoncé. Nous avons pris leur château, mais pas leur loyauté.Je lève un sourcil.— As-tu des preuves ?— Des espions ont intercepté un message. Une invitation secrète envoyée à trois seigneurs exilés. Une réunion aura lieu dans trois jours, près du port de Valdoria.Eldric croise les bras et sourit légèrement.— Ils ne perdront jamais espoir, Davi
DavidLe feu danse encore dans mes souvenirs, le crépitement des flammes résonne en écho dans ma tête. La guerre est finie, du moins en apparence. Mais je sais que ce n’est qu’un répit. Une trêve silencieuse avant la prochaine tempête.Nous avons pris le château. Nous avons écrasé nos ennemis. Mais le goût de la victoire est amer.Les Ombres du PasséJe me tiens dans la grande salle du trône, face aux murs marqués de suie et de sang. Les bannières ennemies ont été arrachées, brûlées, remplacées par les nôtres. Pourtant, l’air est lourd de souvenirs, de fantômes qui refusent de disparaître.— Ce château t’appartient désormais, David.La voix de Markus brise le silence. Il se tient derrière moi, son armure encore souillée par la bataille.— Tout ceci… je murmure en balayant la salle du regard. Combien de morts pour en arriver là ?— Assez pour ne jamais oublier.Le JugementDans la cour du château, les prisonniers sont agenouillés, leurs mains liées dans le dos. Certains tremblent, d’au
DavidLe vent hurle à travers la nuit, soulevant la poussière et les cendres laissées par le combat. Mon souffle est court, mon corps meurtri, mais je tiens debout. J’observe les ruines du sanctuaire, là où, quelques instants plus tôt, la Déesse du Corbeau et le Hibou Silencieux tentaient encore de m’anéantir.Elles ont disparu.Mais je sais qu’elles reviendront.Elles ne renoncent jamais.Je serre les poings, sentant encore l’écho du feu sacré dans mes veines. Une force ancienne s’est réveillée en moi, une puissance que je ne contrôle pas encore totalement. Mais une chose est sûre : je ne suis plus celui qu’elles pouvaient manipuler à leur guise.J’avance lentement à travers les décombres, mes pas résonnant sur les pierres brisées. L’odeur de suie et de souffre imprègne l’air, un rappel amer de la bataille qui vient de se jouer.Et pourtant, ce n’est que le début.— "David…"Une voix.Faible.À peine un murmure.Je me fige.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête, scrutant les
DavidLe vent hurle à travers les ruines du sanctuaire. Les colonnes brisées projettent des ombres difformes sur le sol de pierre, et la chaleur de mon feu sacré se mêle au froid surnaturel qui suinte de la Déesse du Corbeau et du Hibou Silencieux.Je suis pris entre elles.Elles avancent lentement, comme des prédateurs certains de leur victoire.— "Tu ne comprends toujours pas, n’est-ce pas ?" murmure la Déesse du Corbeau.Elle tend une main pâle vers moi.L’air se charge d’une énergie glaciale.Un mur invisible m’écrase la poitrine, me clouant au sol.Mes genoux frappent la pierre dure.Je suffoque.Mais je ne baisse pas les yeux.Elles veulent me voir briser.Elles veulent voir la peur.Je leur refuse ce plaisir.Mon feu crépite, luttant contre leur influence.Le Hibou Silencieux lève son bras.Elle ne parle jamais.Mais ses gestes suffisent.Un chuintement traverse l’air.Un trait noir fuse vers moi.Je roule sur le côté.Juste à temps.Le sol où je me trouvais un instant plus tôt
DavidLe feu danse autour de mon bras, vibrant d’une puissance ancestrale. Il ne me consume pas. Au contraire, il me reconnaît. Comme s’il savait.Ce n’est pas seulement une arme.C’est un héritage.Un don laissé par ceux qui ont combattu avant moi.Et un poids immense s’abat sur mes épaules.Je ne suis plus seulement une proie.Je suis celui qui peut les détruire.Mais pour ça…Je dois comprendre.Je dois savoir ce qu’elles veulent vraiment.Et je dois être prêt à affronter la vérité.---Le sanctuaire tremble encore sous la force du feu sacré.Je ferme les yeux et inspire profondément.Mon grand-père m’a toujours appris à écouter avant d’agir.À sentir le danger avant qu’il ne frappe.Et en cet instant, je le ressens.Quelque chose approche.Un murmure glisse entre les colonnes effondrées.Une voix trop basse pour être humaine.Puis…Le silence.Mais ce n’est pas un silence ordinaire.C’est un vide.Comme si quelque chose venait d’aspirer tout le son autour de moi.Je me retourne le
DavidL'obscurité m’enveloppe alors que je continue de courir. Mes jambes brûlent, mes poumons hurlent, mais je ne m'arrête pas. Derrière moi, l’ombre des trois sorcières plane toujours. Invisibles, mais terriblement présentes.Je ne suis plus un enfant. Je le leur ai prouvé en brûlant leur marionnette d’ombre. Pourtant, elles n’abandonneront pas. Elles veulent me récupérer. Elles veulent m’anéantir ou me plier à leur volonté.Mais je ne suis pas comme elles.Je suis autre chose.Quelque chose qu’elles n’ont pas prévu.---La route s’étend devant moi, interminable, comme si elle voulait me conduire quelque part où tout changerait. Où je pourrais enfin leur échapper.Mais je sais que c’est un mensonge.On ne fuit pas les ombres en courant.Je dois les affronter.Un vieux panneau surgit sur le bas-côté : "Prochaine ville : Black Hollow - 12 km"Black Hollow… Ce nom fait remonter en moi un souvenir ancien.Mon grand-père m'en avait parlé autrefois."Si un jour tu dois fuir, trouve la lum