CassandraLe feu crépite faiblement dans l’âtre, projetant des ombres incertaines contre les murs de bois de l’abri. Ezra est assis à l’autre bout de la pièce, les yeux fixés sur un plan froissé qu’il relit pour la dixième fois. Il fait semblant de se concentrer, mais je sens son regard glisser vers moi, parfois. Quand il croit que je ne vois pas.Je ne parle pas. Je ne mange pas.Je pense à Noah.Encore.Toujours.Le goût de la trahison m’écorche les lèvres. La tension dans ma nuque ne cède pas. J’ai froid, malgré le feu. Un froid intérieur, comme si quelque chose en moi avait gelé juste après l’explosion.Ou peut-être bien avant.Je me lève, fais quelques pas vers la fenêtre barrée. La nuit est tombée vite, lourde, sans transition. La forêt au-dehors semble figée sous la neige. Un monde en veille, prêt à exploser de nouveau.Je ferme les yeux.Et il revient.Le souvenir.Avant.Nous étions enfermés dans un appartement sans nom, en périphérie d’une ville que nous n’aurions jamais dû
Cassandra Bientôt, nous partirons. Encore une fois.Mais ce qu’il ignore… c’est que j’ai gardé un exemplaire du dossier. Une partie. Cachée dans la doublure de mon sac. Celle que Noah m’avait confiée. Celle qu’il m’avait suppliée de lire, sans mots.Je l’ai lue. Et je n’arrive plus à dormir depuis.Il y a des noms. Des dates. Des morts.Et une vérité possible.Je suis piégée entre deux hommes. Deux versions du monde. Deux visions de la justice.Et dans ce tiraillement, je perds des morceaux de moi-même.Alors je reste là, seule entre Ezra et l’ombre de Noah, entre la chaleur trouble d’un amour peut-être conditionnel, et la colère glaciale d’une confiance brisée.Et pendant que la neige tombe dehors, lavant les traces de pas, de sang, de décisions… je sens une autre tempête se lever en moi.Un jour, il faudra que je choisisse vraiment.Pas par instinct.Pas par loyauté.Mais par vérité.Et ce jour-là, l’un des deux tombera.Parce que je ne pourrai pas les sauver tous les deux.Pas qua
CassandraLe souffle de l’explosion me hante encore.Il est inscrit dans mon corps, comme une onde résiduelle sous la peau, un écho qui résonne jusque dans mes os. Le silence qui suit est une coquille vide, presque surnaturelle. Même les oiseaux semblent s’être tus, même le vent hésite à revenir.J’ai de la suie sur les mains. L’odeur âcre du feu colle à mes cheveux. Et malgré tout ça, je ne bouge pas.Je suis restée là, agenouillée au sol, le regard figé sur la porte défoncée, les planches brûlées, les papiers éventrés, les cris résonnant encore dans ma mémoire. Des cris de douleur. Des cris de peur. Des cris que je n’aurais jamais cru entendre de la part de Noah.Ezra est à côté de moi. Il s’est redressé avec difficulté, appuyé contre la table qui penche dangereusement depuis que la moitié de la cabane menace de s’écrouler. Son visage est couvert de poussière, ses yeux injectés de sang, et il y a une entaille qui saigne juste sous sa tempe.Mais il se contente de secouer la tête qua
NoahLe pont est désert maintenant. Le vent s’y engouffre, sifflant entre les poutres métalliques comme un fantôme furieux. Je reste figé là, immobile, longtemps après son départ. Cassandra.Elle m’a regardé droit dans les yeux.Elle a choisi.Pas la vérité. Pas la justice.Ezra.Je serre les poings. Le froid mord mes phalanges, mais je n’y prête plus attention. Ce n’est pas la morsure du vent qui me brûle, c’est celle de la trahison.Encore une fois.Je devrais être habitué, non ? Depuis combien d’années déjà j’assiste à ce cirque ? Depuis combien d’années je tends la main à des gens qui préfèrent brûler avec leurs illusions plutôt que d’ouvrir les yeux ? Ezra est un traître. Ce n’est pas une opinion. C’est un fait. Un traître, un fugitif, un menteur. Mais il a ce talent maudit : il fait croire qu’il aime. Qu’il souffre. Qu’il est victime.Et les gens… les gens veulent croire à ça. Ils ont besoin d’un héros.Même s’il est bâti sur des os.Je quitte le pont à pas lents, l’esprit en fe
EzraLa nuit est tombée sans bruit, engloutissant la forêt et le chalet dans une obscurité presque surnaturelle. Cassandra dort encore, recroquevillée sur le canapé, les traits tirés, la main serrée autour de l’enveloppe qu’elle refuse de lâcher. Même dans le sommeil, son corps reste en tension, comme si son âme savait qu’il lui fallait rester sur le qui-vive. Je l’observe en silence, debout près de la fenêtre. La neige tombe plus drue maintenant, engloutissant le monde dans un linceul glacé.Je n’ai pas dormi. Pas une seconde.Noah est reparti sans un mot de plus, nous laissant seuls avec les dossiers, les preuves, le poison lent de ses vérités. Il a semé une bombe dans notre relation, puis s’est éclipsé comme un fantôme, sûr de son effet.Je serre la mâchoire.Il n’a pas tout à fait tort. Ce qu’il a dit n’est pas un mensonge. Mais ce n’est pas toute la vérité non plus. La vérité… C’est un monstre à plusieurs têtes, et j’ai passé des années à essayer de la décapiter sans y parvenir.
CassandraLe silence qui suit notre étreinte est lourd, presque assourdissant. La neige continue de tomber à gros flocons derrière la vitre, recouvrant le monde d’un voile immaculé, mais à l’intérieur, tout brûle, se consume en moi comme un feu que je ne peux éteindre. Ezra est là, à mes côtés, mais l’image de Noah, ce regard glacé et cette enveloppe fatale, ne cesse de tourner dans ma tête, me déchirant de l’intérieur.Je me relève, le souffle court, incapable de rester figée dans cette pièce où chaque objet semble désormais chargé de menaces invisibles. Mes mains tremblent encore, serrant l’enveloppe comme un dernier lien fragile avec la réalité.— Il faut que je sache, murmuré-je à peine, presque pour moi-même. Pourquoi est-il venu maintenant ? Pourquoi aujourd’hui ?Ezra reste silencieux, son regard fixé sur moi, profond, intense. Ce poids dans ses yeux, je le connais bien. Il porte lui aussi les cicatrices d’un passé qu’il voudrait effacer.— Parce que le passé ne meurt jamais vr