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Chapitre 3—les murmures de saint-célestin

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-03-18 21:59:41

Après une matinée chargée de cours, Rosette sentit le besoin de s’éloigner un peu de l’agitation du lycée. Elle n’était pas encore tout à fait habituée à ce nouvel environnement, et même si Orchidée lui avait offert un peu de répit la veille, elle avait envie de s’accorder un moment de solitude pour réfléchir.

Lorsqu’elle sortit dans la cour, elle chercha un coin tranquille où s’asseoir. L’endroit était vaste, bordé de grands arbres qui projetaient de longues ombres sur le sol dallé. Quelques élèves traînaient par-ci par-là, discutant entre eux ou tapotant sur leur téléphone, mais Rosette trouva un banc isolé, légèrement à l’écart, près du grillage qui entourait le lycée. Elle s’y installa et laissa échapper un soupir, appréciant la brise légère qui caressait son visage.

Elle observa les bâtiments imposants de Saint-Célestin, avec leurs vieilles pierres et leurs hautes fenêtres. Il y avait quelque chose d’ancestral dans cette architecture, une aura qui semblait presque hors du temps. Rosette ne savait pas pourquoi, mais une étrange impression l’envahissait depuis son arrivée ici. Comme si cet endroit cachait quelque chose d’invisible, un secret qu’elle ne pouvait pas encore saisir.

Alors qu’elle était plongée dans ses pensées, elle entendit des pas lourds crisser sur le gravier derrière elle. Un frisson lui parcourut l’échine et elle se retourna lentement. Un homme massif, vêtu d’un uniforme de vigile bleu foncé, s’approchait d’elle. Il portait une casquette sombre qui dissimulait partiellement son visage, mais son regard perçant et son air grave ne laissaient aucun doute : il ne venait pas ici par hasard.

Rosette se redressa instinctivement, mal à l’aise sous son regard scrutateur. L’homme s’arrêta à quelques mètres d’elle, croisant les bras.

— Tu es nouvelle ici, pas vrai ? demanda-t-il d’une voix grave et rauque.

Rosette hocha lentement la tête.

— Oui… Je suis arrivée hier.

Le vigile la fixa un instant, comme s’il cherchait à sonder son âme. Puis, il jeta un regard furtif autour de lui, s’assurant qu’ils étaient seuls.

— Écoute-moi bien, gamine. Il baissa légèrement la voix, rendant son ton plus menaçant. Ce lycée… Ce n’est pas un endroit comme les autres. Tu devrais faire attention.

Rosette sentit son cœur rater un battement.

— Pardon ? demanda-t-elle, troublée.

L’homme s’approcha d’un pas, son ombre s’étendant sur le sol à ses pieds.

— Il y a des choses ici qui ne devraient pas exister. Il marqua une pause, comme s’il hésitait à en dire plus. Des choses que les élèves préfèrent ignorer. Mais toi… Il la regarda plus intensément. Tu ne devrais pas les ignorer.

Un frisson glacé parcourut le dos de Rosette. Elle déglutit difficilement.

— Je ne comprends pas… De quoi parlez-vous ?

Le vigile laissa échapper un soupir, jetant un nouveau coup d’œil aux alentours.

— Tu comprendras bien assez tôt. Mais retiens ça : si jamais quelque chose te semble étrange ici… si tu entends des bruits la nuit, si tu vois des choses qui n’ont pas lieu d’être… Il se pencha légèrement vers elle. Ne cherche pas à comprendre. Fais comme les autres et détourne le regard.

Le silence tomba brutalement entre eux. Rosette sentait son cœur battre plus vite. L’homme lui adressa un dernier regard appuyé, puis se redressa et recula lentement.

— Fais attention à toi, gamine.

Puis, sans un mot de plus, il tourna les talons et s’éloigna dans l’ombre des bâtiments, laissant Rosette seule avec un sentiment grandissant d’inquiétude.

Elle resta figée sur le banc, son esprit en ébullition. Qu’avait-il voulu dire ? Que pouvait bien cacher cet établissement prestigieux ?

Un coup de vent fit bruisser les feuilles des arbres autour d’elle, et pendant un instant, Rosette eut l’impression que l’air même autour d’elle frissonnait.

Saint-Célestin n’était peut-être pas juste un simple lycée.

Rosette resta assise sur le banc un long moment après le départ du vigile, les paroles de l’homme résonnant encore dans son esprit.

“Il y a des choses ici qui ne devraient pas exister.”

Ces mots lui donnaient froid dans le dos. Elle n’était pas du genre à croire aux légendes urbaines ou aux histoires de fantômes, mais quelque chose dans l’attitude du vigile l’avait troublée. Ce n’était pas juste une mise en garde anodine. Il parlait avec une certitude, une gravité qui ne laissait place ni à l’exagération ni à la plaisanterie.

Elle observa les alentours, cherchant quelque chose d’inhabituel, mais tout semblait normal. Des élèves riaient un peu plus loin, certains se dépêchaient de retourner en classe, d’autres traînaient encore dans la cour. Le ciel était clair, l’après-midi paisible. Tout était normal… en apparence.

Mais maintenant, Rosette ne pouvait plus s’empêcher d’observer les détails. Un vieux lampadaire au fond de la cour dont l’ampoule clignotait faiblement. Une ombre sous un arbre, dont elle était presque sûre qu’elle avait bougé légèrement, alors que rien n’aurait dû provoquer ce mouvement. Une sensation étrange, comme si un regard invisible pesait sur elle.

Elle secoua la tête, essayant de se reprendre.

“Arrête, Rosette. Tu te fais des films.”

Mais malgré elle, un sentiment d’inconfort s’était installé au creux de son ventre.

La sonnerie annonçant la reprise des cours retentit, la sortant de ses pensées. Elle se leva précipitamment, ramassant son sac avant de prendre la direction du bâtiment.

Alors qu’elle marchait dans le couloir en direction de sa salle de classe, elle croisa Orchidée, qui semblait de bonne humeur comme toujours.

— Tu étais passée où ? demanda-t-elle en se plaçant à ses côtés. Je t’ai cherchée après le déjeuner, mais t’avais disparu !

— Je voulais juste… être un peu seule, répondit Rosette avec un sourire léger, essayant de cacher son trouble.

Orchidée la dévisagea un instant avant de hausser les épaules.

— Ouais, je comprends. Mais fais gaffe, hein ! Ce lycée est tellement grand que tu pourrais te perdre et on te retrouverait que dans six mois dans un placard poussiéreux.

Elle avait dit ça en plaisantant, mais Rosette frissonna malgré elle.

— Tu as déjà ressenti quelque chose d’étrange, ici ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

Orchidée cligna des yeux, surprise.

— Étrange ? Comme quoi ?

Rosette hésita un instant. Elle n’avait pas envie d’avoir l’air paranoïaque, mais quelque chose lui disait que cette question méritait d’être posée.

— Je ne sais pas… comme une impression que… quelque chose cloche, dit-elle prudemment.

Orchidée sembla réfléchir un instant, puis haussa les épaules.

— Non, pas vraiment. Enfin, Saint-Célestin est un lycée un peu spécial, c’est sûr. Tout le monde dit qu’il est hyper ancien, qu’il y a eu des tas d’élèves célèbres qui sont passés ici, et qu’il y a même des passages secrets quelque part sous l’école. Mais bon, ce sont juste des rumeurs, non ?

Des passages secrets… Rosette n’y avait pas encore pensé, mais cela expliquerait certaines choses.

— Tu crois que c’est vrai ? demanda-t-elle en baissant la voix.

Orchidée éclata de rire.

— Tu t’intéresses aux mystères du lycée, maintenant ? Méfie-toi, y’en a qui disent que les curieux disparaissent…

Elle dit ça avec légèreté, mais Rosette sentit un frisson la parcourir.

— Très rassurant, marmonna-t-elle.

— Oh allez, ne fais pas cette tête ! Si ça se trouve, on est assises sur un trésor caché et on ne le sait même pas.

Elles arrivèrent devant leur salle de classe, et Orchidée poussa la porte avec enthousiasme.

— Allez, Sherlock, on a un cours de maths à suivre !

Rosette sourit légèrement et entra à sa suite. Mais même assise à son bureau, stylo en main, une part d’elle ne pouvait s’empêcher de penser à la mise en garde du vigile.

“Ne cherche pas à comprendre.”

Elle n’était pas certaine d’y arriver. Car maintenant, elle voulait comprendre.

Et c’était peut-être ça, le vrai danger.

L’après-midi passa lentement. Rosette avait beau essayer de se concentrer sur les cours, son esprit revenait sans cesse à la discussion avec le vigile. Plus elle y pensait, plus elle sentait qu’il ne s’agissait pas de simples racontars pour effrayer une nouvelle élève.

Alors que le professeur écrivait une série d’équations au tableau, Rosette jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le ciel était devenu plus gris, et un vent léger faisait osciller les branches des arbres dans la cour. L’atmosphère semblait plus lourde que ce matin, comme si quelque chose planait dans l’air.

Un mouvement attira son regard.

Dans l’ombre d’un des bâtiments, près d’une des portes de service, une silhouette se tenait immobile. Elle était trop loin pour qu’elle puisse distinguer les détails, mais elle avait la sensation que cette personne la regardait.

Un frisson parcourut sa colonne vertébrale.

Elle cligna des yeux, et… plus rien.

La silhouette avait disparu.

— Mademoiselle Blooms ?

Rosette sursauta. Toute la classe la fixait. Le professeur la regardait, bras croisés, une expression sévère sur le visage.

— Peut-être aimeriez-vous nous éclairer sur la réponse à cette équation, puisque vous semblez absorbée par quelque chose d’encore plus passionnant ?

Quelques rires étouffés résonnèrent dans la salle. Rosette sentit la chaleur lui monter aux joues.

— D-Désolée… je…

Elle fixa le tableau en panique. L’équation semblait simple, mais son cerveau refusait de fonctionner.

— C’est… X égale 5 ? tenta-t-elle au hasard.

Le professeur la toisa un instant, puis poussa un soupir en secouant la tête.

— Ce sera un zéro pour votre participation, et j’espère que vous serez plus attentive à l’avenir.

Les ricanements fusèrent à nouveau. Rosette se tassa dans sa chaise, souhaitant disparaître.

Orchidée, assise à côté d’elle, lui donna un léger coup de coude.

— Eh bah alors, t’as vu un fantôme ou quoi ? chuchota-t-elle.

Rosette serra la mâchoire, mais ne répondit pas.

Peut-être bien…

reste de la journée se passa sans autre incident, mais Rosette resta sur ses gardes. Elle ne vit plus de silhouettes étranges et tenta de se persuader qu’elle avait rêvé. Pourtant, au fond d’elle, une part refusait d’accepter cette explication.

À la fin des cours, elle rangea ses affaires et sortit lentement de la salle. Orchidée lui lança un sourire.

— On rentre ensemble ?

Rosette hésita, puis secoua la tête.

— Pas ce soir. Je voulais… explorer un peu le lycée.

Orchidée haussa un sourcil.

— Explorer ? Depuis quand t’es une aventurière, toi ?

— J’ai juste envie de mieux connaître l’endroit.

— Si tu veux mon avis, tu risques juste de tomber sur des salles de classe vides et des couloirs qui sentent le renfermé. Mais bon, amuse-toi bien !

Elle lui adressa un clin d’œil avant de partir.

Rosette resta seule dans le couloir, son sac en bandoulière. Elle prit une inspiration et, au lieu de se diriger vers la sortie, elle tourna dans un couloir moins fréquenté.

Si cet endroit cachait un secret… elle comptait bien le découvrir.

Et elle ignorait encore à quel point cette décision allait changer sa vie.

Le lycée était bien plus silencieux une fois la majorité des élèves partis. Rosette marcha lentement dans les couloirs, ses pas résonnant sur le sol carrelé. Elle n’avait pas vraiment de plan, seulement cette intuition persistante qu’il y avait quelque chose à découvrir ici.

Elle longea une rangée de casiers, s’apprêtant à descendre un escalier qui menait au rez-de-chaussée, lorsqu’une voix glaciale retentit derrière elle :

— Tu fais quoi encore ici ?

Rosette sursauta et se retourna précipitamment.

Adossé contre le mur, les bras croisés, un garçon la fixait de ses yeux perçants. Il était grand, élancé, vêtu d’un uniforme impeccablement ajusté qui contrastait avec son air nonchalant. Ses cheveux noirs tombaient légèrement sur son front, et une aura indéfinissable, entre arrogance et mystère, émanait de lui.

Rosette le reconnut immédiatement. Tout le monde connaissait son nom, même après seulement une journée ici.

Alex pete collman.

Lui, le garçon que personne n’osait vraiment approcher. Il traînait toujours seul, parlait peu, et pourtant, il semblait tout voir, tout entendre.

Et à cet instant précis, il l’observait avec une intensité troublante.

— Je… Rosette hésita. Je voulais juste… explorer un peu.

Alex haussa un sourcil, avant de décroiser les bras et de s’avancer vers elle d’un pas lent.

— Explorer ? Son ton était moqueur, mais aussi étrangement grave. Tu n’as rien à faire ici à cette heure.

— Je suis encore dans l’enceinte du lycée, je ne fais rien de mal, répondit-elle, tentant de garder contenance.

Alex s’arrêta à quelques centimètres d’elle. Maintenant qu’il était plus proche, Rosette remarqua à quel point ses traits étaient marqués : une mâchoire ciselée, un regard presque trop intense, comme s’il pouvait lire en elle.

— Rentre chez toi.

Son ton était sec, autoritaire. Ce n’était pas une suggestion.

Rosette serra les poings.

— Pourquoi tu me dis ça ? Tu es préfet, ou quoi ?

Un sourire en coin effleura les lèvres d’Alex, mais ce n’était pas un sourire chaleureux.

— Crois-moi, tu ne veux pas traîner ici après les cours.

Cette phrase réveilla un écho en elle.

“Si jamais quelque chose te semble étrange ici… détourne le regard.”

Le vigile lui avait dit ça, et maintenant Alex… Lui aussi semblait vouloir qu’elle parte.

— Est-ce que ça a un rapport avec… quelque chose que je ne devrais pas voir ? osa-t-elle demander.

Les yeux d’Alex s’assombrirent. Pendant un instant, Rosette crut qu’il allait répondre, mais il se contenta de soupirer avant de détourner le regard.

— Ne pose pas de questions. Rentre chez toi, maintenant.

Il la contourna, puis continua son chemin comme si elle n’existait plus.

Rosette resta figée un instant, le cœur battant.

Elle ignorait pourquoi, mais elle savait une chose : cet Alex savait quelque chose.

Et il semblait prêt à tout pour qu’elle n’apprenne jamais ce que c’était.

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