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CHAPITRE 4

Author: EvaLuna
last update Last Updated: 2025-04-02 01:44:06

Après quelques minutes de trajet, Émilie gara sa voiture sur le bord d’un chemin de terre. Elle avait préalablement repéré une boucle d’environ six kilomètres sur son application de randonnée, suivant les sentiers forestiers et les chemins de débardage qui serpentaient à travers la forêt. Pour cette première sortie, il lui semblait préférable de ne pas s’aventurer dans les bois à l’aveuglette. L’air frais lui fouetta le visage, emportant avec lui les dernières traces de fatigue oculaire, après trop de temps passé à lire sur son écran. Elle ferma les yeux un instant, inspirant profondément l’odeur des sapins et de la terre humide.

En s’avançant sur le sentier, elle sortit son appareil photo : son poids familier avait quelque chose de rassurant. Les rayons du soleil se faufilaient à travers les branches, créant des motifs dansants sur le sol. Émilie se mit à photographier les détails : une feuille délicatement veinée, une toile d’araignée scintillante d’humidité, un champignon aux couleurs vives pris dans la mousse...

Le sentier s'enfonçait dans la forêt, les immenses sapins filtraient la lumière du soleil, créant une atmosphère légèrement oppressante. Les paroles d’Alaric Voss, l’homme au regard hanté qui lui avait parlé de sa sœur disparue, lui revinrent en mémoire. « Ces loups… Ils ne sont pas comme les autres, Mademoiselle Rochefort. » Émilie secoua la tête pour chasser ces pensées. Elle était là pour observer et photographier des indices de la présence du loup, pas pour se laisser emporter par des chimères.

Soudain, un craquement de branches attira son attention. Émilie se figea, son cœur battant plus vite. Elle leva l’appareil photo, prête à immortaliser l'instant. Un mouvement furtif dans les buissons attira son regard. Elle s’approcha lentement, mesurant chaque pas pour éviter le moindre bruit, retenant son souffle. Elle aperçut une silhouette, une forme sombre qui se faufilait entre les sapins. Une pensée lui traversa l’esprit : et si c’était un sanglier ! Elle croisa les doigts pour qu'il ne s'agisse pas d'une mère soucieuse de protéger sa progéniture... Elle s'immobilisa pour ne pas effrayer l'animal, attendant patiemment qu'il se dirige dans sa direction, ou qu'il se montre suffisamment pour saisir un beau cliché. Alors, dans un moment de pure magie, il émergea lentement de l’ombre, avec une grâce tranquille, sans la moindre trace de méfiance ou d’inquiétude.

C’était un loup. Majestueux et magnifique, il se tenait là, à quelques mètres d’elle, observant Émilie de ses yeux mordorés, comme s'il pouvait lire à travers son âme. Sa fourrure noire aux reflets argentés ondulait dans l'air frais du sous-bois. Le temps sembla s’arrêter. Fascinée par cette rencontre inespérée, Émilie mit quelques instants à appuyer sur le déclencheur de son appareil photo. Comme s’il avait perçu son intention, le loup tourna la tête et, d’un bond élégant, disparut dans les profondeurs obscures de la forêt.

Émilie resta immobile, son cœur battant la chamade. Les paroles d’Alaric Voss tournoyaient dans sa tête malgré elle : « Je peux vous assurer que ces loups n’ont pas un comportement naturel. »avait-il dit. « On dirait qu’ils observent les gens, qu’ils surveillent la forêt. » Elle resta figée sur place plusieurs minutes, tâchant d’analyser ce qu’elle venait de vivre. D’une main tremblante, elle pianota sur l’écran tactile de son appareil pour afficher la dernière photo qu’elle avait prise. La magie de cet instant inoubliable s’afficha sous ses yeux à l’écran. Ça s’était probablement joué à moins d’une seconde, mais il était bien là, le grand loup noir avec son regard intense braqué droit sur l’objectif, comme s’il posait pour elle dans la lumière tamisée de la forêt. Elle n’avait pas eu le temps de faire le moindre réglage, mais elle pouvait dire merci à l’excellente qualité d’image et à la mise au point automatique, rapide et précise, de son équipement professionnel. Il avait fait le travail pour elle, saisissant toute la magie de l’instant, au point qu’elle en avait des frissons.

Elle décida de poursuivre son exploration, mais cette rencontre inattendue ajoutée aux histoires d'Alaric Voss enrobaient cette promenade d’une aura inquiétante. Le soleil déclinait lentement, projetant des ombres allongées sur le sentier. Émilie avançait avec précaution, son appareil photo suspendu à son cou, attentive au moindre bruit.

Soudain, un mouvement sur sa droite attira son attention. Émilie s'arrêta, son cœur battant un peu plus vite, prête à immortaliser une nouvelle rencontre avec un animal sauvage. Contre toute attente, ce ne fut pas un animal, mais un homme d'une trentaine d'années, aux longs cheveux noirs rassemblés en queue de cheval, qui émergea d’un sentier perpendiculaire au sien, dissimulé par une frange de fougères. Malgré ses nombreuses expéditions dans des lieux sauvages à travers le monde, elle conservait des réflexes de citadine : rencontrer un inconnu alors qu’elle se trouvait seule dans un endroit isolé éveillait toujours sa méfiance, et ses nerfs avaient déjà été mis à rude épreuve au cours de cette journée… Le regard de l’homme était intense, presque captivant, et il semblait presque aussi étonné qu'elle.

« Désolé ! » dit-il avec un sourire chaleureux. « Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un ici. Les ramasseurs de champignons se font rares à cette heure de la journée. »

Émilie, un peu déconcertée, répondit : « Bonjour. Je m'appelle Émilie, je suis photographe. Je suis venue immortaliser la beauté de cette forêt. »

L'homme pencha la tête sur le côté, visiblement intéressé. Ses longs cheveux noirs, lisses et brillants, lui donnaient des airs d’Amérindien, mais sa peau claire et ses yeux bleus démentaient cette impression. « Je m'appelle Gabriel, » répondit-il d’un ton enjoué, « vous avez choisi un bel endroit. Cette forêt a beaucoup à offrir. Quelles espèces espérez-vous photographier ? »

La surprise passée, Émilie, s'avéra ravie de cette rencontre inattendue. Il semblait connaître les lieux, et aurait peut-être un point de vue moins loufoque qu’Alaric Voss. « Je cherche à capturer des images de la faune locale, en particulier des traces de la présence du loup. C'est le sujet de mon reportage. »

Gabriel hocha la tête, ses yeux brillant d’excitation. « Chaque espèce a ses préférences et ses petites habitudes. Les loups, par exemple, ils sont souvent plus actifs à l'aube et au crépuscule. Si vous êtes patiente, vous pourriez avoir la chance de les observer. »

Elle préféra garder pour elle sa rencontre avec le grand loup noir, comme si l’évoquer risquait d’en altérer la magie. Leurs échanges se poursuivirent, chacun partageant ses connaissances et ses expériences. Gabriel parlait avec aisance des vertus médicinales des plantes sauvages et des comportements de la faune locale. Émilie se laissa emporter par son enthousiasme, évoquant ses voyages autour du monde et les moments exceptionnels qu’elle avait eu la chance d’immortaliser à travers son objectif. Elle apprit qu'il avait passé des années à explorer cette forêt, à découvrir ses secrets et en apprécier la beauté.

« La nature a une façon de nous parler. » dit-il, contemplant un rayon de lumière qui filtrait à travers les branches. « Il suffit de savoir écouter. »

Émilie acquiesça, touchée par ses paroles. Elle prit conscience qu'elle n'était pas seulement venue ici pour réaliser son reportage, mais aussi pour retrouver cette connexion profonde avec le monde naturel qu'elle avait perdu au cours de sa carrière. Leurs voix et leurs rires se mêlaient au chant des oiseaux et au murmure du vent dans joyeuse symphonie.

Alors que le soleil se couchait, teintant le ciel de nuances orangées, Émilie réalisa qu'elle avait encore un bon quart d'heure de marche pour achever la boucle qui la ramènerait à sa voiture. « Je devrais rentrer avant la nuit… » dit-elle, un brin de regret dans la voix.

Gabriel acquiesça avec un sourire compréhensif. « Les jours raccourcissent à vue d’œil à cette saison. Si vous repassez par ici, peut-être aurons-nous la chance de nous revoir. J'habite un peu plus loin sur le sentier, au domaine de Sombreval. »

Émilie hocha la tête, le cœur battant, notant mentalement l’information : « J’aimerais beaucoup. Merci pour cette belle conversation. »

Ils échangèrent un dernier regard, comme une promesse silencieuse de se retrouver. Émilie reprit son chemin, rejoignant sa voiture d’un pas léger sans voir le temps passer. La forêt lui avait offert bien plus que de simples images : elle avait croisé un esprit semblable au sien, et se sentait revigorée par cette rencontre.

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