Chapitre 1

« Laisse tomber. Contente-toi de préparer la cérémonie de marquage pour moi et Hélène. Quant à Aria… j'ai mille et une façon de lui pourrir l'existence. »

« Imagine : une louve, éperdument amoureuse de son demi-frère, qui rêve de se hisser jusqu'à la Luna de la meute, se fait jeter comme une vieille peau. Après un tel déshonneur, tu penses vraiment qu'elle osera encore se montrer en public ? J'ai presque hâte, pour tout te dire. »

Marcus, en face de lui, semblait mal à l'aise : « Sa mère et ton père se sont remariés trois ans après le décès de la tienne. Ce sont de vieilles histoires. Aria n'était qu'une enfant innocente ; elle ignorait des rancunes entre les adultes. C'est pas un peu excessif, là ? »

« Pour une louve, le lien avec son compagnon et la réputation sont tout. Là, tu lui tireras carrément une balle dans la tête ! Elle dépend tant de ta phéromone d'Alpha… Si elle découvre que tu l'as manipulée, je crains que… »

Côme a ricané, agacé, tout en m'envoyant distraitement quelques emojis absurdes sur son téléphone.

« Me sors pas l'excuse de l'innocence. Quand ma mère est morte dans d'atroces souffrances, qui a dit qu'elle était innocente, elle ? »

« Elle est née du sang des traîtres. Ça la condamne à ramper, à être écrasée. »

« Si elle avait ne serait-ce qu'une once de dignité, elle n'aurait jamais accepté notre relation factice il y a six ans. Elle a choisi d'en arriver là. Elle ne mérite aucune pitié. »

Marcus a poussé un long soupir : « Admettons. Mais ces six années… Ne me dis pas que tu n'as jamais ressenti la moindre pulsion d'Alpha envers elle ? Que tu n'as rien éprouvé du tout ? Côme, je te préviens. Certaines limites, une fois franchies, ne permettent aucun retour en arrière. »

Le visage de Côme s'est glacé instantanément, son regard devenant aussi tranchant qu'une lame : « Tomber amoureux de la fille d'un traître et d'une briseuse de foyers ? Pour qui me prends-tu ? »

« Rien que de voir son visage, si semblable à celui de sa mère, me soulève le cœur. Lui laisser une marque temporaire sur la nuque était déjà une épreuve ! »

« Élevée par un traître et une prostituée, elle ne pouvait devenir qu'une ordure sans honneur ! La simple perspective de l'humilier devant toutes les meutes, plutôt que de la mettre en lambeaux, est déjà une preuve de MA clémence ! »

Voyant qu'il ne parviendrait à fléchir Côme, Marcus, vaincu, a poussé un dernier soupir et s'est tourné pour partir.

Alors que ses pas se rapprochaient, la panique s'est emparée de moi. J'ai cherché désespérément où me cacher, mais la tasse de café que je tenais m'a échappé des mains et s'est brisée en mille morceaux sur le sol.

Au moment où nos regards se sont croisés, j'ai vu distinctement la pitié dans les yeux de Marcus.

Alerté par le bruit, Côme a surgi de son bureau et m'a vue, pitoyable, accroupie et tentant de ramasser les éclats de verre.

Une fugace lueur d'alarme a traversé son regard avant qu'il ne se précipite vers moi et me relève avec une brusquerie qui m'a fait grimacer.

« Aria ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi ne m'as-tu pas prévenu de ta venue ? J'aurais envoyé quelqu'un te chercher », a-t-il demandé, une feinte inquiétude dans la voix.

J'ai essayé de lui sourire, mais des larmes ont commencé à rouler sur mes joues : « Je viens d'arriver. Je voulais te faire une surprise… Je suis si maladroite. Je n'ai même pas pu tenir une tasse correctement... »

Son sourire affichait la même indulgence habituelle. Il a écarté négligemment les débris du pied et m'a entraînée vers son salon privatif.

Le verrou de la porte a claqué et il m'a plaquée sans ménagement contre le panneau froid. Son aura brûlante d'Alpha m'a enveloppée, semblant vouloir me dévorer à travers le tissu léger de mes vêtements.

Je n'ai pas pu réprimer un frisson.

« Je t'ai toujours dit que tu n'avais pas à m'apporter de cadeaux. Aria, ta présence ici est le plus beau des… présents », a-t-il murmuré, la bouche contre mon cou, sa voix rauque aussi intime que dangereuse. « Le voyage a dû être fatigant. Repose-toi. Dès que j'aurai terminé ici, je te ramènerai. »

Puis il s'est penché, effleurant mon front de ses lèvres. Son nez a frôlé ma peau.

Ce geste, il l'avait fait d'innombrables fois, avec la tendresse et la protection caractéristiques d'un Alpha envers sa compagne. Mais cette fois, je ne percevais plus cette chaleur réconfortante qui m'était autrefois si unique.

Les loups-garous pouvaient vraiment dissimuler leur vraie nature à ce point… Tous ces mensonges, juste pour assouvir leur soif de vengeance.

Je me souvenais de l'époque où mon père avait été banni de la meute. Pendant les rassemblements, on me montrait du doigt en chuchotant : « la fille du traître ». Je me recroquevillais dans un coin, pleurant en silence.

Après que ma mère et Damien, le père de Côme, soient devenus couple, Côme était apparu dans ma vie comme une divinité. Il avait chassé ces regards malveillants. Son puissant parfum d'Alpha m'enveloppait comme un bouclier, et il m'avait murmuré sa promesse : « Je te protégerai toujours. Je serai ton seul refuge. »

J'avais cru chacune de ses paroles, chacun de ses regards. Je m'étais noyée dans ce doux mensonge qu'il avait tissé pour moi, croyant avoir enfin trouvé un havre de paix éternel.

Je n'avais jamais imaginé que tout cela n'était que le prologue d'une vengeance minutieusement ourdie ! Notre prétendu « lien du destin » n'était qu'une immense supercherie. Et lui… était celui qui m'avait personnellement poussée vers l'abîme !

Pendant que Côme s'occupait de ses affaires, j'ai envoyé un message crypté à ma mère :

« Maman, je veux partir d'ici pour de bon. Ne le dis à personne pour l'instant. »

Sur le chemin du retour, son bras encerclait ma taille avec possessivité. Il a dit d'un ton détaché : « Les Sages dans la meute me pressent de choisir une Luna. J'ai demandé à Hélène de jouer le jeu avec nous. »

« Ne t'inquiète pas, tu restes mon seul et unique amour. Elle n'est qu'une pionne pour apaiser ces vieux entêtés. Chaque nuit, je continuerai de veiller sur toi comme maintenant, et d'apaiser ton âme avec mon parfum. »

Tandis que ces paroles hypocrites s'échappaient de ses lèvres, ses doigts glissaient le long de ma hanche.

J'ai regardé la nuit qui défilait derrière la vitre, la gorge serrée. J'ai hoché silencieusement la tête, laissant mes larmes couler sans bruit dans l'obscurité.

À peine étions-nous rentrés chez lui qu'il s'est dirigé vers la salle de bains.

L'enivrant parfum d'Alpha qui m'enveloppait n'avait pas encore commencé à se dissiper lorsque son téléphone a vibré brusquement. Au troisième appel, inquiète, je me suis précipitée pour lui répondre et expliquer qu'il n'était pas disponible.

Mais mon empreinte digitale a déverrouillé par inadvertance son téléphone. Et lorsque mon regard est tombé sur sa liste d'amis… je me suis figée sur place, le souffle coupé...