Chapitre 2: le miroir brisé

Chapitre 2 — Le miroir brisé

— Pourquoi ? demande Gregory, adossé au mur du salon, les bras croisés.

Rebecca le fixait. Il avait à peine levé les yeux vers elle, comme si tout ce qu’elle venait de dire la veille n’était qu’un caprice.

— Parce que je ne suis pas rentré dîner ? Vraiment, Rebecca ?

Il hausse un sourcil, presque amusé. Comme s’il s’attendait à ce qu’elle éclate de rire et admette que ce n’était qu’une mise en scène.

Rebecca prend une inspiration profonde. Elle avait passé la nuit dans sa chambre, à fixer le plafond, incapable de fermer l’œil. Ses yeux étaient gonflés, rouges, mais elle ne voulait plus pleurer devant lui.

— Ce n’est pas pour un dîner, Gregory. C’est pour toutes les années où j’ai attendu. Toutes les fois où tu m’as regardée comme une obligation et non comme ta femme, je suis fatiguée de cette vie , j’ai l’impression que nous sommes pas marié.

Elle marqua une pause.

— Tu ne m’as jamais vraiment choisie, n’est-ce pas ?

Il fronça les sourcils, irrité.

— Et voilà. Tu recommences avec tes drames. C’est toujours la même chose. Tu veux qu’on te plaigne, c’est ça ? Désolé Rebecca, mais je suis fatigué de jouer à ce petit jeu.

Elle le regarde, bouche entrouverte. Il ne comprenait pas. Il refusait de comprendre. Depuis le début.

— Gregory. Je ne veux plus être une remplaçante. Une solution de secours. Pendant trois ans, j’ai tout laissé tomber pour toi. Et toi… toi, tu m’as tenue là, comme une femme invisible. On est mariés, oui, mais on n’a jamais été un couple. Tu le sais.

Il éclate de rire, un rire sec, blessant.

— Ah, donc maintenant tu veux quoi ? Tu veux qu’on baise, c’est ça ? T’as besoin de sexe pour te sentir exister ?

Elle le gifla du regard.

— Tu ne comprends rien, souffla-t-elle. Rien du tout.

Il s’approche d’elle. Trop près. Son regard était noir, glacial. Il murmure d’une voix tranchante :

— Tu veux que je te dise la vérité ? Tu veux savoir pourquoi je ne peux plus te toucher ? C’est parce que t’es devenue banale. Ordinaire. T’as rien d’attirant, Rebecca. T’as pas le charme de Sonya. Même quand elle te regarde, on sent qu’elle vit. Toi… t’es juste là.

Rebecca sent sa gorge se serrer. Elle ferme les yeux. Chaque mot était une lame. Et Gregory savait exactement où planter.

Il recule, visiblement satisfait de son effet.

— Alors vas-y. Pars. Tu verras si quelqu’un d’autre veut de toi.

Elle ne répond pas. Elle retourne dans sa chambre, en silence. Et cette fois, les larmes coulèrent. Longtemps. Pas à cause de la douleur seulement mais à cause du mépris. Parce qu’elle réalisait qu’il ne l’avait jamais respectée. Qu’il avait toléré sa présence comme on tolère une habitude qui réconforte, mais qu’on ne chérit jamais.

Le lendemain matin, Rebecca se lève tôt. À six heures, le ciel était encore gris. Elle prend une douche froide, enfile un pantalon noir, un chemisier simple. Elle sort une valise du fond du placard. Elle y range quelques affaires : ses vêtements les plus essentiels, une trousse de toilette. Le reste, elle le laissa là.

Les photos de leur mariage. Les lettres qu’elle lui avait écrites pendant sa convalescence. Les bougies parfumées qu’il n’avait jamais aimées. Tout ça appartenait à une autre femme, à une autre époque.

Quand elle descend au rez-de-chaussée, la gouvernante, Madame Thérèse, était déjà en train de balayer le couloir.

— Madame … vous partez ?

Rebecca hoche lentement la tête.

— Oui. Et je vais vous demander une faveur. Pouvez-vous remettre ceci à Gregory, quand il rentrera ce soir ?

Elle tend une grande enveloppe. À l’intérieur, les papiers du divorce, déjà signés de sa main. Elle avait tout préparé dans la nuit.

La vieille femme la regarda, les yeux tristes.

— Il est aveugle, vous savez… Et il regrettera un jour.

Rebecca força un sourire.

— Peut-être. Mais ce ne sera plus mon problème.

Elle ouvre la porte. Le matin était frais, elle descend les marches, tire sa valise derrière elle.