Chapitre 1 — Le goût amer de l’attente
Rebecca ajuste une dernière fois les serviettes en tissu sur la grande table. Elle avait allumé des bougies parfumées, disposé des pétales de rose autour des assiettes, et la douce odeur du gratin au fromage s’élevait depuis la cuisine. Tout était parfait. Ce soir, Gregory fêtait ses trente ans. Et comme chaque année depuis leur mariage, elle voulait que tout soit impeccable. Elle jette un coup d’œil à son téléphone : 20h42. Il n’avait toujours pas répondu à son dernier message. Elle décide d’ouvrir la bouteille de vin pour la laisser respirer, puis revient dans le salon, vérifie l’heure une nouvelle fois. L’angoisse commençait à ronger son ventre, lentement. Un bip sonore. Message anonyme. Elle clique. Ce qu’elle voit la fige.Trois photos. Gregory, Assis dans un restaurant chic de la ville avec une femme lui tenait la main. Une autre photo montrait Gregory penché vers elle, un bras passé dans son dos, son visage contre ses cheveux. Et enfin une dernière image, prise de profil : ils riaient. Rebecca sent ses doigts trembler. Son cœur battre fort. Elle ouvre à nouveau les images, essayant de mieux voir. Le visage de la femme lui disait quelque chose. Cette mâchoire fine, cette manière de pencher la tête en souriant… Non. Ce n’était pas possible. Elle attrape ses clés et sort sans refermer la porte. Le souffle court, les pensées en vrac, elle monte dans la voiture. Le GPS afficha le nom du restaurant : L’Épure. L’un des plus chers de la ville. Rebecca n’avait jamais mis les pieds là-bas. Pas même pour leur anniversaire de mariage. Quand elle entre dans la salle, il lui faut quelques secondes pour les repérer. Gregory, vêtu de sa chemise bleue préférée, se tenait toujours face à la femme. Il souriait. Le genre de sourire qu’il ne réservait plus qu’aux autres, jamais à elle. Et la femme… Rebecca sent son sang se glacer. — Sonya ? souffle-t-elle. Sa sœur aînée, l’étoile brillante de la famille, celle qui était partie vivre à l’étranger après l’accident de Gregory. Elle était là. riait avec son mari. Rebecca recule, le souffle coupé. Elle appelle Gregory, mais il raccroche aussitôt. Rebecca le fixe, incrédule, le téléphone encore collé à son oreille. Un long silence s’installe dans l’habitacle. Elle appelle ensuite ses parents. — Tu savais que Sonya était revenue ? demanda-t-elle, d’une voix blanche. Sa mère soupira au bout du fil. — Qu’est-ce que tu veux encore, Rebecca ? Tu n’as jamais su la laisser tranquille. Elle revient à peine et tu recommences. Franchement… si tu passais autant de temps à essayer de donner un enfant à Gregory, il t’aimerait sûrement davantage. Rebecca reste figée et sans voix.. Un enfant. Encore cette histoire. Cela faisait deux ans qu’ils essayaient. Deux ans qu’elle prenait des traitements, suivait des cycles, espérait en silence, sans jamais en parler à personne. Elle avait renoncé à ses propres projets, à ses ambitions. Trois ans plus tôt, quand Gregory avait eu cet accident de voiture qui l’avait laissé paralysé plusieurs mois, elle avait tout quitté. Elle s’était entièrement consacrée à lui. Jour et nuit. C’était elle qui avait lavé son corps inerte, elle qui avait appris à lui injecter ses traitements, elle qui lui avait redonné goût à la vie. Elle l’avait aimé plus qu’elle ne s’était aimée elle-même. Et maintenant, il préférait sa sœur. Sonya, qui n’avait jamais levé le petit doigt. Sonya, la libre, la brillante, l’absente. Rebecca rentre chez elle. La table était toujours dressée. Les bougies avaient fondu jusqu’à leurs bases. Le gratin avait refroidi. Elle éteint tout, sans un mot, et s’assoit sur le canapé. Les heures passèrent. Gregory rentre peu après minuit. Il referme la porte doucement comme un voleur. — T’es encore debout ? À cette heure ?demande-t-il. Rebecca le regarde. Il n’avait même pas l’air surpris. Ni inquiet. Juste… distant. — Le dîner est là, dit-elle. J’avais préparé quelque chose pour ton anniversaire. Il hausse les épaules, pose ses clés, et retire sa veste sans la regarder. — Fallait pas te déranger. Tu n’as plus besoin de préparer de dîner. Je vais manger au bureau, à partir de maintenant. Elle ferme les yeux un instant. Puis se leva. — Gregory, dit-elle simplement. Je veux divorcer. Il se retourne vers elle, soudain figé. Le silence qui suivit fut long, mais Rebecca ne le rompu pas. Elle n’avait plus de larmes, plus de colère. Juste cette froide certitude au creux du ventre. Il avait choisi. Et elle aussi.Chapitre 8— L’eau qui efface Rebecca avait trouvé refuge dans un petit appartement, modeste mais propre, à deux rues de l’hôpital. Les murs sentaient encore le plâtre neuf. Le sol carrelé résonnait du moindre de ses pas. Il n’y avait presque rien : un matelas au sol, une table d’appoint, un placard vide, une cafetière d’occasion. Mais c’était chez elle. Elle avait changé de numéro de téléphone. Seules Séléna,le Professeur Thomson et ses parents l’avaient. Mais Gregory… lui, il appelait encore son ancien numéro. Elle le savait parce que chaque jour, la boîte vocale saturait de messages qu’elle n’écoutait pas. Elle n’en avait ni la force, ni le besoin. “Rentres à la maison ce soir. J'ai préparé le dîner. Nous avons tous besoin de parler. Ton père insiste. – Maman. Rebecca relis le mot plusieurs fois. Elle soupire. Son ventre se noue, non pas de peur, mais d’épuisement. Elle savait déjà que ce ne serait pas un dîner, mais un procès. Elle hésite. Longtemps. Puis finit par se di
Chapitre 7— Revenir à soi Rebecca se tenait près de la fenêtre, le téléphone à la main. L’écran affichait un numéro qu’elle n’avait plus composé depuis des années. Elle hésite encore quelques secondes, le cœur serré, puis appuya sur “Appeler”. Un souffle. Deux tonalités. Puis une voix grave, toujours aussi douce malgré le poids des années : — Rebecca ? Est-ce que… c’est bien toi ? Un sourire timide étira les lèvres de la jeune femme. — Oui, Professeur Thomson. C’est moi. Il y eut un silence. Puis un rire chaleureux traversa la ligne. — Eh bien… tu m’appelles après tout ce temps. J’allais justement t’écrire. J’ouvre une clinique de massage thérapeutique en ville. Et si tu n’étais pas en ligne aujourd’hui, je t’aurais appelée demain. Rebecca sent son ventre se nouer. Ce genre de coïncidence lui avait toujours paru suspecte. — Je… j’aurais dû vous appeler plus tôt. Mais j’avais honte. J’ai tout abandonné. Je suis partie comme une idiote, sans un mot. — Rebecc
Chapitre 6– L’autre femme— Je ne veux pas te voler à Rebecca, dit Sonya d’une voix douce. C’est ma sœur, je ne veux pas passer pour celle qui a brisé son mariage.Elle joue distraitement avec le bord de son verre. Gregory est assis tout près, il ne la quitte pas des yeux. Il l’écoute, mais son regard glisse rapidement vers ses lèvres.— Ce mariage n’a plus de sens, répond-il calmement. Tu le sais bien. Ce n’était qu’un accident avec Rebecca. Toi, tu es différente.Sa main se pose sur sa cuisse nue. Elle frissonne mais ne le repousse pas. Il se penche lentement vers elle, leurs visages se rapprochent.— Elle est douce, oui, mais toi… c’est toi que je veux depuis le début.Il l’embrasse d’abord lentement, puis ses lèvres gagnent en intensité. Sa main remonte pour caresser la nuque de Sonya. Il la tire contre lui. Elle enroule ses bras autour de son cou sans résistance. Ils s’embrassent avec assurance, comme s’ils étaient faits pour ça.— Tu as toujours été celle que j’aimais, mur
Chapitre 5— Ce que je vaux Le parking du bar était presque désert lorsque Rebecca sortit. L’air frais de la nuit gifle son visage maquillé, effaçant les dernières traces de chaleur sur ses joues. Mais à peine eut-elle atteint le trottoir qu’une voix moqueuse l’arrêta net. — Alors c’est vrai… Tu joues les femmes libérées maintenant ? Le style “divorcée en robe de bar” te va mieux que je ne pensais. Rebecca se retourne lentement. Sonya. Sa sœur, toujours tirée à quatre épingles, talons aiguilles, sac de luxe au bras, un sourire suffisant collé aux lèvres. À ses côtés, une autre femme ricanait doucement : Lorène, une ancienne camarade de lycée, issue d’une famille influente, aujourd’hui mariée à un diplomate. — Tu devrais vraiment apprendre à rester à ta place, Rebecca, reprit Sonya, la voix faussement douce. Les choses seraient tellement plus simples. Tu n’imagines pas à quel point sa mère m’apprécie. Elle dit toujours que j’aurais dû être la vraie épouse, pas la version… d’es
Chapitre 4 — Ligne de feu D’un geste sec, il attrape le poignet de Rebecca, ses doigts se refermant comme un étau. — Gregory, lâche-moi ! siffle-t-elle, tentant de se dégager. Mais il ne répond pas. Sa poigne se fait plus dure. Il la tire à travers le couloir étroit menant aux toilettes VIP. La porte claque derrière eux, engloutissant le tumulte du bar. Là, dans cet espace glacé, seul le bourdonnement des néons et leurs souffles haletants troublent le silence. Rebecca sent l’odeur familière de Gregory : une fragrance musquée, lourde, qui colle à la peau. — T’es fière de toi ? crache-t-il, ses yeux noirs plantés dans les siens. Danser avec ces mecs, les laisser te toucher, te trémousser comme une… — Une quoi ? le coupe Rebecca, le regard acéré comme une lame. Il s’approche d’un pas. Elle sent la menace dans chacun de ses muscles tendus, mais elle ne bouge pas. — Tu n’as plus rien à me reprocher, Gregory. — Le divorce n’est pas signé, lâche-t-il, la voix basse, sifflant
Chapitre 3 — L’art de partir, l’art de revenir Le téléphone vibre. Rebecca, allongée sur le canapé du petit appartement de Séléna, sa meilleure amie, hésite avant de décrocher. L’écran affichait Gregory. Elle savait qu’il appellerait. Ce genre d’homme ne supportait pas de ne pas avoir le dernier mot. Elle décroche. Pas par faiblesse, mais parce qu’elle voulait qu’il entende le calme dans sa voix. — Tu crois que tu vas partir comme ça ? hurla Gregory dès qu’elle répondit. Tu me laisses une enveloppe comme si on avait vécu trois mois ? Tu n’es pas sérieuse, Rebecca ! Elle reste silencieuse quelques secondes, puis, d’une voix posée : — J’ai été sérieuse pendant 3 ans. Toi, tu ne l’as jamais été. Alors maintenant, tu vas signer les papiers, Gregory. Et s’il te plaît, fais-le rapidement. J’ai perdu assez de temps comme ça. — REVENEZ à la maison, Rebecca. — Non. Et si tu veux me parler encore, que ce soit par avocat. Elle raccroche. Ses mains tremblaient un peu, mais une pai