Antonio arrêta la voiture devant un entrepôt désaffecté à l’entrée de Bruxelles.—On ne va pas au Bureau 09 ? demanda Ida, surprise.Une trentaine de voitures immatriculées dans toute l’Europe s’alignaient en vrac le long de l’entrepôt.—J’ai reçu des instructions du Colonel Santoro. Il vous attend à l’intérieur.—Okay. A plus tard, Antonio.—Je me gare là-bas. Faites moi signe si vous avez besoin.Ida Kalda traversa le parking plein de trous et de graviers et de gros cailloux, manquant à plusieurs reprises de casser les talons de 9 cm de ses Salomés avant de franchir une grande porte coulissante entrouverte.Santoro lui lança un regard ravageur dès qu’il la v
BibiBar. La mélasse poisseuse et gluante qui formait l’atmosphère était à gerber. On ne voyait aucun des immeubles de l’autre côté de l’avenue, à travers le méandre des constructions qui reliait les deux rives urbaines.Bibi, vautré dans son gros fauteuil, buvait une bière. Il avait toujours quarante piges au bas mot et des cheveux en moins. Il était gros – ce qui le rapetissait, c’était le plus flippant.La blonde canon en mini-jupe et en résilles trouées nettoyait les tables en faisant cogner fort les talons hauts de ses cuissardes en cuir rouge sur le béton craquelé.Il flottait. Personne ne traînait dans les rues. C’étaient des pluies acides. Chaque goutte d’eau qui touchait vos mains ou votre visage creusait un trou gros comme une tête de clou.Les toiles enduites de bitume tendues au-dessus du BibiBar récupéraient la pluie radioactive pour la faire couler dans d’anciennes cana
Stan mangeait un cheese taille XXL et des frites à sept heures du matin. Delia Croop lui servit son plat en disant « toi, t’es un vrai Américain » en remuant un mini-drapeau USA qu’elle planta fièrement dans le pain du cheese. Il y avait aussi des tranches de bacon grillées, des patates bouillies, du fromage à pâte dure jaune-orange et deux œufs sur le plat dans l’assiette, couverts de Ketchup.Il crevait la dalle depuis la veille.Trois chauffeurs routiers discutaient au bar. Il était le seul de l’Entité à être là d’aussi bonne heure. Ça lui convenait très bien.Et puis Prisca entra, toute timide.Heureusement que c’était elle et pas quelqu’un d’autre.La voir le rendit joyeux. Elle l’extirpa de la torpeur dans laquelle il se trouvait depuis le Transit d’hier.La veille, il s’était enfermé dans son mobil-home san
A 7h01, Ida sortit de l’ascenseur et ne reconnut pas la salle principale du Bureau 09. Tout était changé. Son bureau se trouvait maintenant collé à celui de Santoro et de Prax.Génial ! Elle allait devoir bosser à trois mètres de son amant et l’idée ne lui disait rien qui vaille. Déjà, baiser au boulot avec un collègue, supérieur qui plus est, relevait de la plus grosse connerie de sa vie, mais se retrouver vissés ensemble à longueur de journée ressemblait à une torture assurée.Murphy Klemmerton tirait la gueule. Elle aussi avait changé de place et son bureau se retrouvait dos à la vitre polarisée du Centac d’où les techniciens avaient une vue imprenable sur l’écran de son Mac. Si elle voulait mater une photo de son mec à poil, c’était grillé de chez grillé.Une dizaine de déménageurs s’agitait dans tous les sens pour tout changer. En gros, on avait divisé le vaste open space en deux pa
En cinq journées d’un travail éreintant, tous les membres de l’Entité avaient retapé de nuit comme de jour toute la section 8 de l’Amargosa Hôtel.Des panneaux officiels installés sur chaque porte par l’Etat de Californie indiquaient qu’il était interdit d’entrer ici, qu’une université de New-York y menait des recherches et que tout contrevenant serait arrêté et risquait une peine de dix ans de prison et de 15 millions de dollars d’amende. Et que seules les sections 1 à 7 étaient libres d’accès ; que la section 8 et l’Opéra House n’étaient pas accessibles au public amateur ou professionnel pour la chasse aux fantômes.Dans la Section 8, chaque pièce était insonorisée.La première était une salle de cours avec quelques chaises et quelques tables et d’immenses tableaux blancs couvrant tous les murs.La seconde servait pour les Transits sans présence de fantômes. Kl
Klauss bossait. Il était seul dans sa pièce, à jongler entre ses différentes caméras.Stan entra par la porte extérieure, depuis le désert.—J’arrive pas à dormir, dit-il en se frottant les yeux face à tant de lumières dans la pièce.Pourtant tout était éteint, seuls les écrans illuminaient de couleurs mélangées le Q.G. du pro des fantômes. L’horloge indiquait 4h10.—C’est un peu normal au début. On en apprend tellement que ça fait travailler la tête.Klauss avait installé un lit de camp avec un ventilateur à ses pieds. Un large Dreamcatcher tournait doucement au-dessus de la porte d’entrée intérieure. Klauss lui en avait expliqué l’utilité la veille.—Même s’il est interdit entre Nefilim de s’introdui
Il existe derrière le monde visible un monde invisible, un monde qui, au début, demeure caché aux sens et à l’entendement lié aux données de ces sens. Mais l’homme peut développer en lui des facultés latentes, grâce auxquelles, il aura accès dans ce monde invisible (Rudolf Steiner).Stan remonta les sections une par une, lampe frontale allumée. Plus il se rapprochait, plus il sentait la tension monter. Il pensa que s’il devait parler, sa voix tremblerait. Klauss l’entendrait. Et il ne voulait pas ça, surtout pas paraître faible.Arrivé devant la porte de séparation dans le couloir qui donnait sur la Section 4, il éteignit la lampe sur son front. Tout devint d’un noir d’encre. Il patienta deux minutes pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité quasi-totale.C’est maintenant que l’aventure commençait.Toutes les communications se faisaient par casque audio avec un
Ida inscrivit des notes au hasard sur son carnet, assise à son nouveau bureau ovale qu’on lui avait installé quelques heures plus tôt. Le bureau des boss…Depuis qu’elle était rentrée de Nanterre, de chez les parents de Stan, un truc la travaillait. Ou plusieurs trucs, en fait. Elle avait la sale impression d’avoir manqué quelque chose, un petit quelque chose d’essentiel, de profondément important. Elle avait beau revivre chaque instant de sa visite chez les Kross, ce petit bidule qui était une clef, inlassablement, lui échappait.Mettre des notes comme elles lui venaient sur sa feuille, l’aidait à essayer de trouver de quoi il s’agissait. Son crayon courait sur la feuille :Fantôme ? Sûr ? ; pas mal de copines ; un seul pote : Bibi ; ruines autour de la maison ; père avec fusil ; littérature importante et d’un niveau élevé, plus de 1000 livres ; pas d’ordi ni de tablettes. Étrange. Cahiers en cuir : la phi