Aujourd’hui, c’est notre troisième anniversaire de mariage. Le dîner est prêt… mais il n’est jamais rentré. Notre union n’a jamais été faite d’amour, juste d’un malentendu. Trois ans sans enfant, une belle-mère qui ne m’a jamais acceptée, un mari distant, et pourtant… je l’aime encore. Il y a trois jours, j’ai appris que j’étais enceinte. Ce soir, j’espérais lui annoncer la nouvelle. Mais une notification a tout brisé : une photo de lui, en train d’embrasser ma sœur. J’ai reconnu le lieu. J’ai pris mes clés. Je suis rentrée seule. J’ai passé la nuit à pleurer. Dans la chambre d’à côté, ils ont fait l’amour. Et moi, recroquevillée sur un canapé, j’ai touché le fond. Le matin, c’est sa mère qui m’a réveillée avec un seau d’eau glacée. Elle m’a hurlé que je n’étais plus sa belle-fille, que je n’avais plus rien à faire ici. Alors je suis partie , trempée, humiliée, brisée. Mais dans ma poche, il y a ce papier froissé. Le prénom d’un inconnu. Un regard posé sur moi, hier soir. Le seul qui m’ait vraiment vue. Peut-être que c’est là que tout commence.
View MoreGracias
Il est 21h47 , je regarde l’horloge murale pour la troisième fois en moins d’une minute, sans même vraiment voir l’aiguille des secondes avancer, sans entendre le cliquetis discret qui rythme le silence étouffant de l’appartement. Le rôti que j’ai préparé avec soin repose dans son plat depuis des heures maintenant, tiède au mieux, sec probablement, et les bougies que j’ai allumées en fin d’après-midi n’émettent plus qu’une lumière vacillante, à peine vivante, comme moi ce soir.
La nappe blanche choisie ce matin après hésitation, repassée avec une application qui frisait la tendresse semble soudain déplacée, presque arrogante dans sa perfection sans tache. Trois assiettes. Alignées avec une exactitude qui en devient absurde. Une pour lui, une pour moi… et une troisième, posée là sans qu’il le sache. Une assiette vide. Offerte au silence, ou à l’espoir. Je ne sais plus très bien.
Aujourd’hui, cela fait exactement trois ans , trois ans que nous avons prononcé des vœux que personne n’écoutait vraiment. Trois ans que nous nous sommes engagés dans quelque chose qui ressemblait davantage à une solution pratique qu’à un serment amoureux , trois ans d’un mariage construit sur une brume, une zone floue, un entre-deux gênant que je n’ai jamais su nommer. Trois ans de compromis, de soupirs retenus, de regards évités.
Je crois que, depuis le début, j’ai toujours su que j’étais un choix de raison. Un choix par défaut. Une manière d’éteindre les rumeurs, de satisfaire les convenances, d’éviter un scandale que personne ne voulait affronter.
Et moi ? Moi, j’ai accepté. Parce que j’étais déjà follement tombée amoureuse de lui . Doucement aussi, sans m’en rendre compte. Je l’aimais avant même qu’il me voie. Avant même qu’il me parle. Et peut-être que je l’ai aimé justement parce qu’il ne me regardait pas. Parce que je croyais que je pourrais forcer ce regard à exister. Le provoquer, l’apprivoiser, l’éveiller.
Mais il ne m’a jamais regardée comme une femme qu’on désire. Jamais avec cette faim dans les yeux que j’ai tant espérée. Il m’a touchée parfois, avec la tendresse distante qu’on réserve à un souvenir, ou à une obligation. Mais jamais avec cette tension dans les doigts, jamais avec l’urgence d’un homme qui aime. J’ai été sa compagne , sa présence ,sa stabilité. Peut-être même son erreur.
Et sa mère… Sa mère ne s’est jamais donné la peine de me cacher son mépris. Elle a toujours su que je n’étais pas celle qu’elle aurait choisie pour lui. Je n’étais pas belle comme sa sœur, ni brillante comme ses amies. Je n’étais pas fertile. « Trois ans sans enfant », m’a-t-elle lancé un jour d’un ton plat, presque médical. Comme si j’étais un meuble trop vieux, un appareil ménager qui ne remplit pas sa fonction.
Mais voilà. Il y a trois jours, un miracle silencieux s’est glissé dans ma vie. Il pleuvait ce jour-là. Je traversais la rue en pensant à autre chose. Je ne me souviens même plus à quoi. Peut-être à lui. Peut-être à nous. Un crissement de pneus, un choc évité de peu, et un inconnu qui m’a crié de faire attention, puis m’a emmenée à l’hôpital, insistant malgré mes protestations que je devais faire quelques examens. Juste pour vérifier. Juste pour être sûre.
Et là, dans une pièce trop blanche, avec un médecin qui cherchait ses mots, j’ai entendu la phrase que je n’attendais plus. « Vous êtes enceinte. » Les mots se sont posés sur moi comme une plume et m’ont traversée comme une lame. J’ai souri sans comprendre. J’ai pleuré sans bruit.
Je suis rentrée chez moi, une main posée sur mon ventre. Une main qui n’a plus bougé depuis. Trois jours que je le sens. Pas encore bouger, non, c’est trop tôt. Mais exister , battre et s’accrocher.
Alors ce soir, j’y ai cru. J’ai cru qu’on pouvait tout recommencer. Qu’il y aurait une étincelle dans ses yeux. Que cette fois, il me prendrait dans ses bras et me dirait : « On va y arriver. » Qu’il verrait enfin la femme derrière le silence.
Je me suis maquillée comme si ça comptait. J’ai mis du rouge à lèvres pour la première fois depuis des semaines. J’ai glissé sur moi la robe bleue qu’il m’avait complimentée un jour, au tout début. Et j’ai préparé ce dîner. Lentement. Amoureusement. Avec un soin presque idiot.
Et j’ai attendu jusqu'à 22h19.
Toujours rien , pas un message. Pas un appel. Même pas un retard justifié.
Je l’ai appelé , une fois , puis deux , jusqu'à dix fois . Mais je tombe toujours sur sa messagerie .
Ce silence commence à peser sur moi comme une pierre. Il me cloue sur cette chaise, il me tord l’estomac.
Et soudain, une vibration , je regarde c'est un e-mail . Et je vois écrit : Un petit cadeau pour toi accompagné d'une photo .
Un cliché un peu flou, pris à la va-vite , mais net , tragiquement net : Il la tient contre lui.
Ma sœur ?
Ma propre sœur !
Et leurs lèvres se cherchent. Se trouvent . S’écrasent l’une contre l’autre avec une douceur familière.
Ce n’est pas une erreur. Ce n’est pas un moment volé.
C’est un aveu.
Il l’aime , elle l’aime.
Et moi, je suis restée là, seule, à attendre qu’il rentre me mentir encore.
J’ai eu envie de vomir.
J’ai senti quelque chose se briser en moi.
Je n’ai même pas crié.
Je n’en avais pas la force.
J’ai juste soufflé , comme on souffle quand on accepte la fin.
J’ai reconnu le lieu derrière eux. Le bar. Celui où il m’a juré ne jamais mettre les pieds. Celui où elle travaille depuis quelques semaines. Celui qu’il évitait toujours… en apparence.
Je suis restée figée un instant.
Puis j’ai pris mes clés. J’ai enfilé mon manteau.
J’ai fermé la porte doucement.
Je n’ai pas emporté mon sac. Ni mon téléphone. Ni même mon alliance.
Juste une chose : ma main posée sur mon ventre.
Ce petit cœur invisible.
Ce murmure encore trop fragile pour faire du bruit.
Ce bébé.
C’est peut-être tout ce qu’il me reste.
Ou peut-être…
Le début de ce que je suis enfin prête à devenir.
GRACIASLa lumière m’aveugle encore un peu. La voix du médecin flotte dans l’air, douce, presque rassurante. Mais une seule question me brûle les lèvres, s’impose à moi comme une nécessité vitale. Ma main glisse instinctivement sur mon ventre douloureux, comme si elle cherchait à retrouver un battement, une présence.— Et… mon bébé ? souffle-je. Comment… comment va mon bébé ?Un silence tombe. Pas celui de la pudeur ou du respect, mais un vide lourd, brutal, qui m’engloutit avant même qu’on ne me réponde.Le médecin hésite, son regard se trouble. Il comprend immédiatement : Ezran ne m’a rien dit. Son visage prend une expression que je déteste d’avance, celle de ceux qui portent de mauvaises nouvelles. Il avance, lentement, comme s’il voulait amortir l’impact. Sa main se pose sur mon bras.— Madame… je suis désolé…Ses mots se brisent dans ma tête, mais je les entends quand même. Je comprends avant qu’il ait fini la phrase. Un gouffre s’ouvre dans ma poitrine.— Non… non… NON !Le cri
GRACIASJe m’éveille au bord d’un autre monde : blanc, froid, aseptisé. Le plafond tourne un peu quand j’essaie de bouger la tête. Une main serre la mienne et je la reconnais avant même d’ouvrir les yeux : la chaleur d’Ezran. Sa paume est ferme, presque exigeante. Je m’y accroche sans y penser.— Gracias ? murmure-t-il.Ma gorge est un désert. Des images me remontent : silhouettes, mains et la douleur me fait tressaillir. Je veux tout dire, tout vomir en mots, mais ce qui sort n’est qu’un souffle rauque. — Où… où suis-je ?— À l’hôpital, répond-il doucement. Tu es en sécurité. Je suis là.« Sécurité » a l’air d’un mot trop grand pour moi. Pourtant je me laisse bercer par sa voix. Ce sont les images qui ne le sont pas : la poussée, le choc, puis des choses qui me reviennent en éclats — et surtout la sensation sourde des coups. Je sens mon ventre se contracter comme si l’horloge s’était arrêtée.Les larmes montent, mais ce ne sont pas seulement des larmes d’effroi. Elles portent la brû
Ezran Le toit est froid sous mes pieds, comme si la ville elle-même avait pris la décision de me punir. L’air mord la peau à travers mon manteau et me rappelle que je suis encore vivant pour l’instant. Au-dessous, les lumières de la ville tremblent, aveugles et indifférentes. Elles ne savent rien de ce qui s’est cassé à l’intérieur d’un couloir d’hôpital; elles ne savent rien des vies amputées. Elles brillent, simplement.Je m’appuie contre le parapet, le métal glacial mordant mon poignet. La pluie a cessé de tomber mais des gouttes persistent, comme si le ciel hésitait encore. Je ferme les yeux, laisse la nuit m’entrer comme une main. Il y a un calendrier de colère qui se déplie en moi , d’abord le choc, puis l’aveu, puis la décision. Si l’on m’a volé quelque chose, alors il faut en tracer la piste.Mon téléphone vibre dans ma poche, et je le sors comme on sort une arme. Le contact est le même que celui que je garde depuis des années : un numéro auquel je n’ai jamais eu à faire appe
LIDIAJe glisse jusqu’à une chaise et m’y effondre comme une poupée de chiffon dont on aurait coupé les fils. Mes doigts tremblent autour d’un mouchoir, que je plisse sans y penser. Je voudrais me lever et aller dans la chambre, m’approcher de Gracias, tenir sa main, sentir son pouls. Mais quelque chose me retient : la peur d’être un intrus dans cette fragilité, la peur de voir le regard des médecins, les tubes, la ligne intraveineuse.Je pense à la manière dont la vie se construit parfois dans des gestes minuscules , des petits rituels de tous les jours , et maintenant tout cela est consumé. Je pense à ce ventre qui ne se développera pas, aux prénoms non choisis, aux projets qui restaient en suspens. Des images banales se mettent à peser comme des pierres : une poussette, un nom sur une liste, une chambre peinte en jaune. Elles sont toutes des fantômes qui se retirent, effacées d’un coup.Je regarde Ezran. Sa colonne droite, sa mâchoire serrée. Il ne pleure pas. Il ne crie pas. Mais
EZRANLes heures s’étirent comme des chaînes. Le tic-tac de l’horloge n’est plus un son : c’est une torture. Chaque seconde qui tombe, c’est une lame qui s’enfonce un peu plus. Je reste debout. Impossible de m’asseoir. Mes jambes tremblent, mais je refuse de céder. Je brûle d’entrer, de briser cette porte, de la rejoindre mais on m’a laissé ici, prisonnier de l’attente.L’air du couloir a le goût froid du ciment et de l’alcool antiseptique. Les néons bourdonnent au-dessus de ma tête comme une promesse trahie. Des pas passent, indifférents, des murmures professionnels qui rebondissent sur les carreaux et s’éteignent. Je serre et desserre mes poings, mes ongles s’enfoncent dans ma paume jusqu’au sang. Tout mon corps est une plaie.La poignée s’abaisse enfin. Un médecin apparaît. Son visage fermé me donne déjà la nausée. Trop calme, trop froid. Il n’a pas encore parlé que mon cœur se bloque, comme si quelqu’un venait de retirer l’air de la pièce.— Elle est hors de danger, dit-il enfin.
EZRANLe froid des néons m’agresse, mais c’est une autre morsure qui me dévore : l’incertitude. On m’a repoussé d’un geste sec, comme un intrus inutile. « Attendez ici. Nous faisons tout notre possible. »Attendre. Le mot résonne comme une condamnation.Je marche, tourne en rond, mes poings serrés, mes pensées éclatées. Chaque minute devient une éternité. Le tic-tac d’une horloge résonne au fond du couloir, cruel, implacable. Chaque battement est une gifle.Je vois des silhouettes aller et venir — blouses blanches, brancards, familles qui pleurent. Tout cela m’est étranger. Je n’entends plus rien d’autre que le martèlement furieux de mon sang.Un infirmier passe trop près. J’attrape son bras.— Dites-moi ce qu’il en est ! Maintenant !Mes doigts le serrent trop fort, je le sens frémir sous ma poigne. Ses yeux s’écarquillent, il bafouille, promet d’aller se renseigner. Je le lâche d’un geste sec, la respiration hachée.Je tombe presque sur un siège de plastique froid. Ma tête s’enfouit
Bienvenue dans Goodnovel monde de fiction. Si vous aimez ce roman, ou si vous êtes un idéaliste espérant explorer un monde parfait, et que vous souhaitez également devenir un auteur de roman original en ligne pour augmenter vos revenus, vous pouvez rejoindre notre famille pour lire ou créer différents types de livres, tels que le roman d'amour, la lecture épique, le roman de loup-garou, le roman fantastique, le roman historique et ainsi de suite. Si vous êtes un lecteur, vous pouvez choisir des romans de haute qualité ici. Si vous êtes un auteur, vous pouvez obtenir plus d'inspiration des autres pour créer des œuvres plus brillantes. De plus, vos œuvres sur notre plateforme attireront plus d'attention et gagneront plus d'adimiration des lecteurs.
Comments