GraciellaJe n’ai pas bougé quand il m’a prise dans ses bras.Je suis restée là, contre lui, le front enfoui dans sa gorge, respirant cette odeur que je déteste autant que je désire. Son parfum mêlé à la sueur, à la peur, à l’urgence. Cette odeur de fin du monde.Ses bras m’enveloppent, me pressent, m’enserrent comme s’il voulait m’empêcher de tomber. Mais c’est trop tard. Je suis déjà en miettes.Il ne parle pas. Il ne tente pas de m’expliquer encore. Il se contente d’être là. Et étrangement, c’est pire que tout.Parce que j’ai attendu ce moment.Parce que j’ai cru que jamais il ne viendrait.Et maintenant qu’il est là… je ne sais plus respirer.Je sens son cœur battre contre le mien, désordonné, fragile. Une musique qui me vrille les entrailles.Je me redresse lentement, les yeux plantés dans les siens. Il y a tant de choses que je voudrais lui hurler, tant de phrases griffées au fond de ma gorge, des reproches, des souvenirs, des questions brûlantes. Mais aucune ne sort.Alors je l
GraciellaJe n’ai pas dormi.Pas fermé l’œil.Pas mangé. Pas parlé. Pas pleuré.Le silence m’a enveloppée comme une seconde peau, poisseuse et trop serrée. Je suis restée là, assise sur le bord du lit, le regard vide, les doigts crispés autour d’un drap que je n’ai pas senti entre mes mains.Je croyais que je pourrais hurler. Que la rage sortirait en tempête. Que mon cœur exploserait, libérant enfin ce chaos brûlant qui me consume depuis des heures.Mais rien.Parce qu’il m’a regardée… et il a douté.Parce qu’il m’a crue coupable… sans me laisser le droit d’exister.Parce qu’il m’a abandonnée… quand j’avais le plus besoin de lui.Et pourtant, même là, même maintenant… j’attends.J’attends quoi ? Un miracle ? Une explication ? Une poignée de secondes arrachées au passé ? Une preuve qu’il tient encore à moi malgré tout ?Non. J’attends de ne plus ressentir.Et ça, ça ne vient pas.C’est ça le plus cruel. Pas la colère. Pas la trahison. Mais ce vide qui me ronge, et qui refuse de m’achev
ÉliasJe n’ai pas dormi. J’ai tourné dans l’appartement comme un fauve enfermé. Les murs m’étouffaient, sa voix me hantait, et mes pensées me lacéraient la peau. J’ai ouvert toutes les fenêtres pour respirer et j’ai eu envie de sauter. Pas pour mourir, non. Pour fuir. Fuir ce que je suis devenu.Un homme qui s’est tu.Un homme qui a douté de la seule personne qui l’a regardé sans peur.Un homme qui a laissé le poison s’infiltrer sans lever le poing.Mais plus maintenant.J’ai passé la nuit à me détruire pour mieux comprendre. À revenir sur chaque mot que j’ai dit, chaque silence que j’ai laissé filer. Et plus j’analysais, plus je voyais ce que je n’avais pas voulu voir. Les regards en coin. Les moments flous. Les décalages dans la chronologie. Je ne peux plus me contenter d’une impression. Il me faut des preuves. Il me faut une vérité plus solide que la haine.Je prends mon téléphone. Je ne regarde plus les vidéos. Je ne lis plus les commentaires. Je ne veux plus de leur venin. Je veu
ÉliasJe regarde l’écran sans vraiment le voir. La vidéo tourne encore, encore. Les mots d’Isadora résonnent dans la pièce comme une litanie. Elle parle de peur, de manipulation, de silences empoisonnés. Mais ce ne sont pas ses mots qui me hantent. Ce sont les regards. Les producteurs murmurent. Les danseurs échangent des messages en silence. Personne ne parle vraiment, mais tout le monde pense très fort. Et moi, je suis là, figé. Incapable de trancher entre ce que je sais au fond de moi… et ce que tout le monde veut croire.Graciella.Son nom est devenu poison dans toutes les bouches. Je le lis sur les lèvres. Je l’entends dans les soupirs. Je le ressens dans le froid qui envahit la pièce dès qu’il est prononcé. Elle est partout, et pourtant absente. On la dévore sans même qu’elle puisse se défendre. On l’arrache à moi sans me demander si j’étais prêt à la perdre.Et quand elle m’appelle, je décroche sans réfléchir. Sa voix est une lame. Brisée. Tremblante. Il n’y a pas de colère dan
GraciellaJe ne comprends pas d’abord.Pourquoi mon téléphone n’arrête pas de vibrer. Pourquoi les notifications défilent sans fin, comme une marée que je ne peux pas arrêter. Pourquoi mon visage, capturé sur une scène, dans une rue, dans les coulisses d’un théâtre, apparaît soudain partout. Comme un virus. Comme une mise à mort en public.Pourquoi les regards changent quand j’entre dans la salle de répétition. Pourquoi les murmures me suivent, traînent derrière moi comme des ombres qui ne veulent pas mourir.Et puis je vois le visage de Matteo. Et je sais que quelque chose est arrivé.Il ne dit rien, pas tout de suite. Il me regarde comme s’il allait vomir.— Tu dois voir ça, murmure-t-il.Il me tend son téléphone. Ses mains tremblent.Je le prends. Et en une seconde, mon monde s’effondre.Une vidéo.Isadora.La lumière est parfaite. Sa voix, douce. Brisée juste ce qu’il faut. Elle sait exactement comment se tenir. Comment respirer. Comment raconter une histoire qui ne lui appartient
IsadoraLe monde aime les belles histoires. Les contes de fées, les drames d’amour, les victimes qui renaissent de leurs cendres. Alors aujourd’hui, j’ai décidé de leur en offrir un. À ma manière. Sur une scène, sous les projecteurs, avec un micro pour seule arme et le mensonge bien maquillé de vérité.La salle est pleine. Des journalistes, des influenceurs, des visages bien maquillés aux sourires carnassiers, tous assoiffés de scandale. Les flashs crépitent déjà alors que je n’ai pas encore ouvert la bouche. Parfait. Qu’ils me regardent. Qu’ils m’écoutent. Qu’ils me jugent ou qu’ils m’adorent – tout m’est égal. Ce que je leur donne aujourd’hui, c’est du poison en robe de soie.Je monte sur scène, calme, maîtrisée, chaque geste mesuré, chaque silence pesé. Le monde s’arrête. Même ceux qui me détestent tendent l’oreille. Parce qu’au fond, tout le monde veut connaître le drame derrière les rideaux dorés. Ils ne sont pas venus entendre la vérité. Ils sont venus entendre une histoire. Et