WillowLa pluie s’infiltre sous mon col, froide et tenace, comme une punition. Je tiens la main de maman, ses doigts si fragiles qu’ils semblent pouvoir se briser au moindre souffle. Autour de nous, la famille Leclair est immobile, des ombres noires sous un ciel gris qui pèse comme du plomb. Le cercueil de Cassidy, orné de roses blanches, est là, devant moi, et il me semble trop beau, trop propre pour la douleur qui me broie. Je fixe ce bois verni, incapable de regarder ailleurs, comme si détourner les yeux risquait d’effacer son existence pour toujours. Cassidy est là-dedans, mais elle n’est plus là. Cette pensée me donne envie de vomir, de hurler, mais je reste figée, clouée par le poids de ce moment.Papa est à côté de maman, les yeux rougis, les traits tirés. Il ne parle pas, mais je vois ses épaules trembler, comme s’il luttait pour ne pas s’effondrer. Maman vacille soudain, ses jambes cèdent sous le chagrin. Je me précipite, la rattrape juste avant qu’elle ne s’écroule dans la b
WILLOWJe reste à l’hôpital jusqu’à tard et sur le chemin du retour, je prends une pizza, quelque chose de rapide, de bon et réconfortant.Le soir est tombé depuis longtemps quand je retrouve enfin Maxime à la maison.Il y a ce poids, ce silence entre nous, un espace trop lourd pour être traversé d’un simple mot.J’ai l’impression que Maxime a changé.Pas physiquement, non, mais dans ses gestes, ses silences, dans le froid qui semble s’être installé autour de lui.Il n’est plus cet homme dont j’avais l’habitude, ce mari dont le regard pouvait encore me rassurer. Il semble abattu.Nous dînons dans une atmosphère étrange, presque irréelle. Les assiettes sont là, mais la pizza n’a pas de goût, ni pour lui, ni pour moi.Le cliquetis des couverts contre la porcelaine brise un peu ce silence pesant, comme pour rappeler qu’on doit bien faire semblant de continuer, de vivre.Je regarde Maxime, tentant de deviner ce qui se passe derrière ses yeux sombres.Il a l’air si lointain, si enfermé dan
..willowJe quitte la chambre de Maman avec un mélange de soulagement et de lourdeur dans le cœur. Le pudding au chocolat et le thé de Papa ont apporté un semblant de répit, un moment de douceur dans cette tempête qui nous engloutit. Mais en refermant la porte derrière moi, je sens le poids de tout ce qui nous attend.William.Le petit William, qui n’a pas encore ouvert les yeux sur ce monde et qui est déjà orphelin.Je sais que je lui ai promis à Maman, à moi-même, que je m’occuperai de lui. Mais maintenant, alors que je traverse les couloirs froids de l’hôpital, l’odeur d’antiseptique me piquant les narines, je me rends compte de l’ampleur de cette promesse.Je décide de me rendre en néonatalité. Je veux le voir, ce petit être qui va bouleverser ma vie. Les couloirs de l’hôpital semblent s’étirer à l’infini, les murs blanc cassé absorbant la lumière et rendant l’atmosphère encore plus pesante.Les néons bourdonnent doucement au-dessus de ma tête, et mes pas résonnent sur le linoléu
MaximeJe secoue la tête, presque instinctivement. Je ne sais pas pourquoi, mais l’idée qu’elle parte, qu’elle abandonne cette maison, me semble injuste. Pas pour elle, mais pour tout ce que cette maison représente, malgré tout.– Non, Marilyne. Reste. Jamais je ne te chasserai d’ici.Elle me regarde, surprise, ses yeux s’embuant de larmes.– Tu es sûr ? Je ne veux pas être un fardeau.– Je suis sûr. Cette maison… Elle est à toi autant qu’à moi, maintenant. Reste.Elle hoche la tête, incapable de répondre, et retourne s’asseoir, les épaules voûtées. Je ne m’attarde pas. Je n’ai jamais été doué pour les conversations émotionnelles, et je n’ai pas l’énergie pour ça aujourd’hui. Je me dirige vers l’escalier, mes pas lourds, comme si je portais le poids de la maison entière sur mes épaules.Je monte au premier étage et entre dans le bureau de mon père. La pièce est telle que je m’en souviens : un grand bureau en chêne, des étagères remplies de livres et de dossiers, une odeur de cuir et d
MAXIMEJe n’ai pas suivi Willow à l’hôpital.Je ne pouvais pas.Pas aujourd’hui.Pas après ce qui s’est passé ce matin.Le suicide de mon père, Richard, m’a frappé comme un coup de poing, un choc sourd qui résonne encore dans ma poitrine.Je n’ai pas pleuré, pas encore. Peut-être parce que je ne sais pas comment pleurer un homme que j’aimais autant que je le haïssais.Il était mon père, mais aussi une ombre pesante sur ma vie, un mélange de souvenirs heureux et de blessures jamais refermées.Maintenant qu’il est parti, cette ombre semble encore plus lourde, comme si elle s’était incrustée dans mes os.Assis sur le canapé du salon, je fixe le sol, les mains jointes, les jointures blanchies par la tension.Willow m’a proposé de l’accompagner à l’hôpital pour voir sa mére, mais j’ai refusé. J’ai marmonné quelque chose à propos de l’enterrement, des choses à organiser. C’est à moitié vrai. En réalité, j’ai besoin d’être seul, de comprendre, de confronter ce vide qu’il a laissé derrière lu
WILLOW– Bonjour, Maman ! Tu vas mieux ? Et Papa, il est où ?Elle ajuste son oreiller et se redresse légèrement, son regard s’égarant un instant dans le vide.– Papa est parti me chercher un thé. Un vrai, pas celui de leurs machines infectes… Il est rentré à la maison pour se doucher et il me ramènera mon thé dans un thermos.Je souris. Papa et ses attentions. Il a toujours été comme ça, prévenant, presque à l’excès. Je revois ses gestes méticuleux, sa façon de plier soigneusement son manteau avant de s’asseoir, son habitude de toujours vérifier que tout est en ordre.– Tu en as de la chance !– Oui, je sais. Ton père est un homme bien…Elle marque une pause, puis reprend, plus bas, comme si les mots pesaient trop lourd.– Maxime n’est pas venu. Je voulais le remercier pour hier. Un peu plus, et ton père mangeait ce poison… Je ne comprends pas, Willow. On leur a tout donné, à Cassidy et à l’autre. On lui a même pardonné plus que d’autres n’auraient jamais pardonné. Et voilà le remerc