— « Une ordure comme toi, Willow, aurait dû être morte depuis longtemps ! » lança Cassidy d’une voix tremblante de rage, tout en poussant Willow avec une détermination glaçante vers les eaux sombres de la Tamise.
— « Je t’en prie, arrête ! » gémit Willow, horrifiée. « Je fermerai les yeux, je ne dirai rien... Je t’en prie, Cassidy, ne fais pas ça ! »
Cassidy lui cracha :
— « Tu es un problème, et les problèmes, on les élimine comme on noie les chatons à la naissance. »
Willow n’eut pas le temps de crier « non » que déjà son fauteuil basculait dans l’eau.
L’eau glacée de la Tamise enserra Willow comme une étreinte mortelle.
Le fauteuil roulant, alourdi par son propre poids, l’entraînait inexorablement vers le fond.
Elle battit des bras, ses mouvements frénétiques éclaboussant la surface dans un vain sursaut de survie. Les rues étaient vides, balayées par une pluie fine et glacée. Un dimanche matin parfait pour mourir dans l’oubli.
L’eau, épaisse et opaque, s’infiltrait dans sa bouche, son nez, brûlant ses poumons comme une lame. Elle toussait, cherchant un air qui n’existait plus, tandis que le courant l’aspirait dans ses profondeurs, comme l’ombre de ce qu’elle n’arrivait pas à oublier deux mois plus tôt.
Cassidy et Damon, sa chère sœur adoptive et son mari. Sur la table de la salle à manger. Là où, chaque jour, elle partageait ses repas.
Elle avait roulé vers eux, choquée, son fauteuil grinçant sur le parquet.
— « Vous faites quoi ? » avait-elle demandé, la voix tremblante.
Damon avait remonté son pantalon sans se presser, refermant sa braguette d’un geste nonchalant.
Cassidy avait glissé de la table, rajustant simplement sa robe, sans la moindre gêne.
— « On s’envoie en l’air, sœurette. Ça ne se voit pas ? » avait-elle répondu avec un rictus.
Willow, les larmes brouillant sa vue, avait tourné son regard vers Damon.
— « Ça dure depuis combien de temps ? »
Il avait haussé les épaules, désinvolte.
— « Depuis toujours. »
Pas un remord. Pas une hésitation.
— « Depuis toujours ? Et l’amour alors ? Ce que tu avais promis devant mes parents ? »
Il avait éclaté de rire, cruel, blessant.
— « L’amour ? Je ne t’ai jamais aimée, Willow. Regarde-toi : une princesse arrogante devenue une chienne invalide, mendiant mon affection. Comment un mec comme moi aurait-il pu aimer une fille comme toi, si tu n’avais pas eu l’argent de tes parents ? »
Elle avait suffoqué.
— « Et toi, Cassidy ? Après tout ce que notre famille a fait pour toi... Comment peux-tu me trahir ? »
Cassidy avait haussé les épaules, faussement innocente.
— « Oui, ils m’ont adoptée... mais ta naissance m’a tout volé, tout ce qui aurait dû être à moi ! »
C’était la première fois qu’elle découvrait les pensées sombres de sa sœur. Elle, qui pensait qu’ils avaient toujours formé une famille aimante, restait sans voix, submergée par un mélange de choc et de déception qu’elle ne pouvait plus contenir.
Willow, les larmes aux yeux, avait hurlé :
— « Non, c’est pas vrai... Ils t’ont tout donné, t’ont chérie comme leur propre fille... Et c’est ton ingratitude qui les a tués ! »
Cassidy avait ri. Un rire cruel, glacial.
— « Ma chère petite sœur... tu ne vas quand même pas m’en vouloir pour la mort de tes parents ? Ni parce que ton mari me préfère à toi ? »
Willow n’avait rien trouvé à répondre.
Cassidy et Damon s’étaient éloignés, riant aux éclats, main dans la main.
À ses pieds, abandonné sur le sol, un petit morceau de tissu témoignait de l’humiliation ultime.
Le string de Cassidy.
Souvenir sale et cruel de leur trahison.
Pourtant, au milieu de cette lutte désespérée, une étrange clarté envahit son esprit.
Elle ferma les yeux, abandonnant peu à peu la panique.
Dans l’obscurité derrière ses paupières, des visages familiers prenaient forme.
Ses parents.
Leur sourire tendre, leurs voix douces, éteintes trop tôt par le destin.
Elle les voyait si clairement : son père, avec ses lunettes cerclées d’or et son rire grave, sa mère, dont les cheveux roux capturaient la lumière comme un halo.
Ils étaient là, juste hors de portée, attendant dans un éclat de chaleur qu’elle n’avait plus ressenti depuis des années.
« Je vous aime », murmura-t-elle dans son cœur.
Une larme se mêla au fleuve, invisible.
Elle voulait tendre les bras, les serrer contre elle, sentir leur présence une dernière fois.
La douleur dans sa poitrine s’estompait, remplacée par une douceur engourdissante.
Le grondement du courant devenait un murmure lointain, presque apaisant.
Elle s’abandonnait, portée par l’image de ses parents, par la promesse d’un amour qu’aucun fleuve ne pourrait jamais noyer.
Mais alors que son dernier souffle semblait s’échapper, une lueur de rage traversa l’obscurité.
Pas comme ça.
Pas à genoux.
Elle serra les poings, même dans l’eau, même dans la mort.
Quelque part, loin au-dessus, une lumière fendit les ténèbres.
DAMONMes oreilles sifflent. Un goût de sang, métallique, âcre, envahit ma bouche, me submerge, me noie. Mes côtes sont en feu, chaque inspiration un coup de poignard rouillé qui me lacère les poumons. Le volant, enfoncé dans mon torse, m’écrase, m’empêche de respirer. Mon bras gauche pend, mou, inutile, comme un poids mort accroché à mon épaule. Mes jambes… je ne les sens plus. Rien. Juste un vide glacial là où elles devraient être.Le moteur gémit, un râle d’agonie mécanique, un écho de ma propre douleur. L’odeur d’essence sature l’air, âpre, suffocante. Elle s’infiltre dans ma gorge, colle à ma langue, brûle mes narines. Je tousse, et le goût du sang s’intensifie, chaud, poisseux. Chaque mouvement, chaque souffle, est une torture. Je suis coincé, prisonnier d’une carcasse de métal tordu, un cercueil roulant qui m’enserre comme un étau.Et devant moi… Cassidy.Étendue sur le capot, brisée, désarticulée. Une poupée cassée abandonnée sur un tas de ferraille. Sa robe de fiancée, blanch
Fuir. C’est tout ce qui reste. Plus rien d’autre. Ma tête est vide, un brouillard épais où la raison n’a plus sa place. Je ne pense plus. Je ne réfléchis plus. Je fonce, comme un animal traqué, les tripes nouées par une rage qui brûle encore, un feu qui me dévore de l’intérieur. La clé tourne dans le contact, le moteur rugit, et sans savoir pourquoi, j’attrape le bras de Cassidy, la tirant vers la voiture.— Monte ! je grogne, la voix rauque, presque inhumaine.Elle obéit, tremblante, ses yeux écarquillés par la peur. L’automatisme, peut-être. Ou la lâcheté. Je ne sais pas. Mes mains tremblent sur le volant, mes phalanges blanchies par la pression. La pluie martèle le pare-brise, un rideau d’eau brouillant la route. Le goudron file sous les roues, un tapis noir déroulé devant le diable lui-même. Les gyrophares clignotent au loin dans le rétroviseur. Rouge. Bleu. Rouge. Bleu. Les flics. Ils nous collent au train, leurs sirènes hurlant comme des chiens affamés.Cassidy est à côté de moi
DAMONLe monde s'écroule. Alors je frappe.Je sens que tout m’échappe. Les regards. Les murmures. Les flashs. L’humiliation.Maxime vient de m’arracher la verrine. Il me grille devant tout le monde. Ce mec que j’aurais dû écraser depuis le début est là, debout, avec mes secrets dans la main. Et tout le monde le regarde, lui. Pas moi.J’ai envie de hurler.Cassidy s’effondre à genoux. Elle m’a trahi. Ou elle panique. Je ne sais pas. Je ne sais plus.Je fais un pas en arrière, prêt à me tirer. Faire ce que je sais faire : fuir, vite, et cogner si besoin.Mais une main m’attrape violemment le bras.— Pas si vite, enculé.C’est Bastien. L’ancien flic. Le chien errant de Maxime. Il m’empoigne comme s’il venait de me retrouver après dix ans de chasse.Son regard est noir. Implacable. Il veut m’arrêter. Ici. Devant tout le monde.Il croit que c’est fini ? Que j’ai perdu ?Mon poing part. Un direct dans sa gueule. Il recule, surpris par la violence. Il tente de se reprendre, me bloque l’ép
MaximeJe dévale les marches comme un homme consumé par les flammes. Mes jambes s’élancent avec une fureur contenue, mon cœur cogne dans ma poitrine tel un tambour de guerre.Dans l’enceinte de mon esprit, une seule image tourne en boucle, obsédante : Damon, la verrine cristalline, la gélule dissimulée.L’air siffle, coupant, tandis que je jaillis dans le jardin, un théâtre festif s’étendant devant moi, ignorant et insouciant. Les violons grincent leur mélodie mielleuse, des rires éclatent encore parmi les invités, des bulles de champagne dansent dans les flûtes.Et là, au cœur de cette mascarade, lui.Damon.Un sourire ourle ses lèvres, un toast scintille dans une main, et dans l’autre, la verrine en cristal – celle qu’il a souillée de son crime. Mon regard s’aiguise, se mue en lame affûtée. Je fends la foule avec détermination, esquivant un plateau d’argent, un bouquet de roses, un éclat de rire. Il tend la verrine à William Leclair, le père de Willow, qui s’apprête à la saisir, con
WILLOWLe jardin de mes parents est terne avec l'hiver qui arrive.La réception a lieu dans le hall , le salon et la salle a mangé chez mes parents.Chaque pétale semble avoir été sélectionné à la pince.Chaque verre de champagne brille comme un piège.Maxime serre ma main plus fort que nécessaire. Il sourit. Je fais semblant aussi. Tout le monde fait semblant.C’est la fête. C’est les fiançailles officielles de Cassidy et Damon.Et pourtant, moi, je suis à deux doigts de vomir devant toute cette mascarade.Je n'ai rien dit a mes parents mais j'imagine qu'ils vont tombé de haut les pauvres...Avec la santé fragile de maman, ils n'avaient pas besoin de ça !— Respire, murmure Maxime. Dans une heure, tout sera terminé.Je lève les yeux vers lui.Il est beau.Trop calme.Trop propre pour l’homme que je sais capable de faire tomber un empire à mains nues.— Tu crois vraiment qu’il va tenter quelque chose aujourd’hui ?— Il va le faire. Parce qu’il pense qu’il a gagné. Et c’est exactement
MaximeJe m’enfonce dans le canapé du salon, la lumière tamisée caressant les contours de la pièce comme un voile posé sur un secret. Les rideaux de velours étouffent les lueurs des réverbères dehors, et une lampe sur pied projette des ombres mouvantes sur les murs. Après le froid mordant de cette journée de décembre, l’atmosphère pourrait sembler chaleureuse… mais c’est une illusion. La tension est là, tapie dans les recoins, prête à exploser au moindre mot de trop.Je pose une main sur celle de Mélanie, un sourire en coin pour masquer l’impatience qui me ronge.— Merci, Mélanie. Tu peux nous laisser maintenant.Elle hoche la tête, son visage doux et pro comme toujours, puis s’éclipse sans un bruit. La porte se referme dans un clic feutré, et un silence épais s’abat. Un silence chargé, presque palpable.Nous sommes quatre autour de la table basse. Quatre pions dans une partie d’échecs dont je ne maîtrise pas encore toutes les règles. À ma gauche, Willow, droite et concentrée, ses yeu