MaximeJe secoue la tête, presque instinctivement. Je ne sais pas pourquoi, mais l’idée qu’elle parte, qu’elle abandonne cette maison, me semble injuste. Pas pour elle, mais pour tout ce que cette maison représente, malgré tout.– Non, Marilyne. Reste. Jamais je ne te chasserai d’ici.Elle me regarde, surprise, ses yeux s’embuant de larmes.– Tu es sûr ? Je ne veux pas être un fardeau.– Je suis sûr. Cette maison… Elle est à toi autant qu’à moi, maintenant. Reste.Elle hoche la tête, incapable de répondre, et retourne s’asseoir, les épaules voûtées. Je ne m’attarde pas. Je n’ai jamais été doué pour les conversations émotionnelles, et je n’ai pas l’énergie pour ça aujourd’hui. Je me dirige vers l’escalier, mes pas lourds, comme si je portais le poids de la maison entière sur mes épaules.Je monte au premier étage et entre dans le bureau de mon père. La pièce est telle que je m’en souviens : un grand bureau en chêne, des étagères remplies de livres et de dossiers, une odeur de cuir et d
MAXIMEJe n’ai pas suivi Willow à l’hôpital.Je ne pouvais pas.Pas aujourd’hui.Pas après ce qui s’est passé ce matin.Le suicide de mon père, Richard, m’a frappé comme un coup de poing, un choc sourd qui résonne encore dans ma poitrine.Je n’ai pas pleuré, pas encore. Peut-être parce que je ne sais pas comment pleurer un homme que j’aimais autant que je le haïssais.Il était mon père, mais aussi une ombre pesante sur ma vie, un mélange de souvenirs heureux et de blessures jamais refermées.Maintenant qu’il est parti, cette ombre semble encore plus lourde, comme si elle s’était incrustée dans mes os.Assis sur le canapé du salon, je fixe le sol, les mains jointes, les jointures blanchies par la tension.Willow m’a proposé de l’accompagner à l’hôpital pour voir sa mére, mais j’ai refusé. J’ai marmonné quelque chose à propos de l’enterrement, des choses à organiser. C’est à moitié vrai. En réalité, j’ai besoin d’être seul, de comprendre, de confronter ce vide qu’il a laissé derrière lu
WILLOW– Bonjour, Maman ! Tu vas mieux ? Et Papa, il est où ?Elle ajuste son oreiller et se redresse légèrement, son regard s’égarant un instant dans le vide.– Papa est parti me chercher un thé. Un vrai, pas celui de leurs machines infectes… Il est rentré à la maison pour se doucher et il me ramènera mon thé dans un thermos.Je souris. Papa et ses attentions. Il a toujours été comme ça, prévenant, presque à l’excès. Je revois ses gestes méticuleux, sa façon de plier soigneusement son manteau avant de s’asseoir, son habitude de toujours vérifier que tout est en ordre.– Tu en as de la chance !– Oui, je sais. Ton père est un homme bien…Elle marque une pause, puis reprend, plus bas, comme si les mots pesaient trop lourd.– Maxime n’est pas venu. Je voulais le remercier pour hier. Un peu plus, et ton père mangeait ce poison… Je ne comprends pas, Willow. On leur a tout donné, à Cassidy et à l’autre. On lui a même pardonné plus que d’autres n’auraient jamais pardonné. Et voilà le remerc
WillowCe midi, nous n’avons pas mangé. Ni moi, ni Maxime. Je n’avais pas faim, et lui non plus. Je le connais trop bien pour ne pas voir qu’il tente de masquer son chagrin. Richard était son père, malgré tout ce qui s’est passé. La douleur est là, tapie dans ses silences, dans ses regards qui se perdent dans le vide. Il est assis sur le canapé du salon, les coudes sur les genoux, les mains jointes, comme s’il cherchait à contenir quelque chose qui menace de déborder. Je n’ose pas lui en parler, pas encore. Pas aujourd’hui. La maison est étrangement calme, comme si elle aussi portait le poids de ce qui nous arrive. Les rayons du soleil filtrent à travers les rideaux, mais ils ne réchauffent rien. Le tic-tac de l’horloge dans le salon semble amplifié, chaque seconde un rappel du temps qui passe, impitoyable.Avant de partir pour l’hôpital, je m’approche de Maxime. Il lève les yeux vers moi, et je vois l’épuisement dans son regard, les cernes sombres sous ses yeux. Je m’assieds à côté d
WILLOWLe silence m’enveloppe comme une couverture lourde dès que la porte se referme derrière nous. Cette maison, d’ordinaire vibrante de rires et de pas précipités, semble figée dans une étrange torpeur. Les horloges restent muettes. Le parquet ne craque pas. Même l’air semble retenir son souffle.Maxime entre à ma suite, ses pas lents, comme alourdis par des chaînes invisibles. Ses épaules, habituellement si droites, s’affaissent légèrement sous le poids de la journée. Je pose mon sac sur le meuble de l’entrée, nos manteaux trouvent leur place sur le portemanteau, et tout cela se fait dans un silence presque sacré. Nous sortions de trois heures interminables au commissariat. Les dépositions, les signatures, les photos – une mécanique froide et implacable – nous laissaient vidés. La mort de Richard flotte encore dans l’air, une ombre pesante qui s’ajoute à tout le reste. Le passé. Le présent. L’avenir incertain.Je brise le silence, ma voix à peine audible :– Tu disais que le perso
MAXIMELe coup de feu retentit, un bruit sec, brutal, définitif, qui fait vibrer l’air comme un coup de tonnerre. Le corps de Richard s’effondre, mou comme une poupée de chiffon, s’écrasant sur le parquet ciré. Le sang gicle, éclaboussant le bois en une flaque sombre qui s’étend lentement, reflétant la lumière des flammes. Un râle s’échappe de sa gorge, un son guttural, puis plus rien. Le silence qui suit est assourdissant, seulement brisé par le crépitement du feuಸJe reste figé, incapable de bouger, incapable de respirer.Willow non plus ne bouge pas, ses doigts crispés sur mon bras, son souffle court et irrégulier.On ne crie pas.On ne pleure pas.On regarde juste le sol, le corps de mon père, le vide. Le revolver gît à côté de lui, luisant comme un accusateur muet.Mes jambes tremblent, mais je ne peux pas m’effondrer. Pas maintenant.Mes pensées tourbillonnent, un chaos de souvenirs et de douleur.Ma mère. Ses yeux tristes, sa voix douce me disant de ne pas m’inquiéter, que tout