LYRADepuis qu’il est parti, le monde semble devenu un peu trop silencieux.Pas paisible ni reposé.Silencieux comme une salle de théâtre juste après que le rideau est tombé. Quand les spectateurs ne bougent pas encore, suspendus dans ce flottement entre fiction et retour à la réalité. Quand les lumières ne se sont pas encore rallumées, et que l’air lui-même paraît en suspens, chargé de ce qui vient d’être dit ou pas dit.Je termine mon verre sans m’en rendre compte. Lucas parle. Je réponds. Mais je suis déjà ailleurs.À l’intérieur de moi, quelque chose frémit. Une vibration sourde, à peine perceptible. Comme si mon corps savait avant moi que le calme apparent n’était qu’un décor fragile, un vernis trop lisse posé sur un sol instable.Autour de nous, les conversations reprennent. Les verres tintent à nouveau. Les serveurs circulent. Les assiettes arrivent. Le monde continue.Mais… quelque chose cloche , c'est la même sensation bizarre que j'ai ressenti au bureau .Ce ne sont pas les
LYRAIl y a des jours où l’univers semble s’accorder à vous, non pour vous consoler, mais pour vous offrir le luxe de vous sentir en contrôle. Une illusion, sans doute. Mais une illusion bien habillée.Le ciel est pâle, lavé de lumière, et même la ville semble marcher au ralenti, comme si elle retenait son souffle. Mon café a la température parfaite, le goût exact que j’attendais. Et ma robe noire, sobrement fendue, épouse mes gestes comme si elle savait avant moi ce que cette journée exige.Je ne suis pas légère ni euphorique.Mais je suis droite , ancrée et présente.Lucas m’attend devant l’immeuble, adossé à sa voiture, lunettes noires sur le nez, le col de sa chemise légèrement ouvert. Il dégage cette assurance nonchalante, presque agaçante, qui lui vient d’années à lire les autres comme un livre à demi-ouvert.— Deux minutes de retard, je note, lâche-t-il, sans bouger d’un centimètre.— Tu as dû souffrir , deux minutes, c’est long pour ton ego.Il me lance un sourire en coin. C’e
ALEXANDREJe n’aime pas ces silences.Pas ceux de Lyra, du moins.Elle a toujours été faite de mots. Pas beaucoup , juste les bons.Des regards clairs , des questions directes. Une honnêteté qui tranchait dans la masse.Mais là, elle ne me répond plus.Elle s’efface . Elle se ferme .Elle m’échappe .Et plus elle recule, plus je sens la panique monter . Je suis en train de la perdre . Et je suis incapable de faire quoi que ce soit pour l’arrêter.Je tourne autour de mon téléphone comme un con.J’efface le message trois fois avant de l’envoyer :Tu veux qu’on déjeune ensemblePas de point d’interrogation.Pas de précaution. Pas de formule douce pour arrondir les angles.Juste… un fil.Tendu. Fragile. Prêt à rompre au moindre souffle.Mais elle ne répond pas.Pas tout de suite. Pas même une réaction. Pas même un accusé de réception.Alors je fais ce que je sais faire : je m’enterre dans le travail.Je classe , je rédige , je corrige.Mais tout me ramène à elle.Et c’est là que la voix d
CASSANDREIl suffit de presque rien, parfois.Un regard un peu plus long sur un écran vide.Un soupir tenu entre deux mots.Une tension dans les épaules, imperceptible, mais constante.Et on sait.Moi, je sais.Je l’ai vu chez Alexandre.Quelque chose en lui a changé.Depuis elle.Pas depuis qu'il l'a revu . Même s'il n’y a jamais eu d’histoire , mais cette seule… une nuit l'a rendu accro . Une nuit dont il ne se souvient pas.Et pourtant, elle a laissé une empreinte.Invisible, mais profonde.Rien que son prénom m’agace.Il sonne comme un sortilège.Comme un mot qu’on chuchote pour ne pas l’oublier, même quand on ne comprend pas pourquoi on le garde en bouche.Et Alexandre, lui, il l’a gardée.Pas dans ses bras , dans sa tête , dans son cœur .Et c’est pire.Je ne suis pas jalouse.Ce serait trop simple.Je suis… perplexe.Inquiète, peut-être.Agacée, sûrement.Parce qu’elle a réussi, sans effort, là où d’autres ont mis des mois.Elle a fissuré quelque chose en lui.Et elle l’a fait…
LYRA— Tu veux un toast ou je fais directement les pancakes du dimanche en avance ?Lucas est debout devant la plaque, torse nu, une spatule dans une main et un sourire moqueur dans l’autre.— On est mardi, Luc.— Et alors ? Le bonheur, c’est une question de stratégie. On se fait croire qu’on est dimanche et tout va mieux.Je ris, assise à la table, une tasse de café chaude entre mes paumes. Il a toujours eu ce don, Lucas. Pour réinventer les matins. Pour me faire oublier que parfois, j’ai du mal à respirer dès le réveil.— Tu as reçu un message, marmonne-t-il, faussement distrait, les yeux toujours sur la crêpe qui bulle dans la poêle.— Qui te dit que c’est un message ?— Tu as ce petit sourire. Celui que tu as jamais pour moi.Je lève les yeux au ciel, mais c’est vrai . J’ai souri.Un peu.Juste en lisant Tu as bien dormi, petit rayon ?Daniel.Il écrit comme il parle , trop doucement. Comme s’il avait peur de réveiller quelque chose.Et j’aime bien ça, moi. Ce respect implicite. C
CASSANDREJe retiens ma respiration.Ses mots résonnent, clairs, terribles.Comme un couperet tombé sans fracas.— Tu dois trouver quelque chose pour te débarrasser de l’enfant… et par la même occasion de Lyra.Mon cœur cogne fort. Je devrais raccrocher. Hurler. Pleurer.Mais je reste là, figée, téléphonie serrée contre mon oreille comme un fil de vie inversé.Une partie de moi hurle de ne pas aller plus loin.L’autre écoute férocement.— Aide-moi à le faire. Sois plus explicite, maman.Le silence qui suit n’est pas hésitant. Il est… stratégique.Elle jauge, elle pèse les mots qu’elle va prononcer.Et puis, sa voix descend d’un ton, se fait caresse acide.— Très bien. Tu veux la vérité nue ? Tu vas l’avoir.Elle ne tremble pas. Elle ne se dérobe pas. Elle parle comme si elle avait déjà vu cent fois cette scène.Et peut-être que oui. Peut-être que je suis juste une actrice de plus dans la pièce qu’elle a écrite pour moi, dès l’enfance.— Si tu veux qu’il revienne vers toi, il faut que