Lucas Je la fixe, haletant, incapable de comprendre ce qu’elle me demande.— Pourquoi tu veux le protéger ?— Ce n’est pas lui que je veux protéger.Elle tremble. Elle semble au bord de s’effondrer. Mais elle reste là, droite, ancrée.— Je veux juste que tu comprennes avant de haïr. Je veux que tu saches tout. Comment ça s’est passé. Pas comme dans ta tête. Pas comme dans les films où le monstre saute sur la fille sans défense.Elle marque une pause. Ses yeux brillent de larmes qu’elle refuse encore de laisser couler.— Je veux tout te raconter . Parce que si tu pars maintenant, tu ne verras que ta version de l’histoire. Et tu ne sauras jamais… ce que ça m’a coûté.Je m’arrête.L’orage s’étrangle dans ma gorge.Et je comprends qu’il y a pire que la colère.Il y a ce qu’elle va me dire.Et la douleur que je ne pourrai pas réparer.— D’accord, murmuré-je. Dis-moi. Raconte-moi.Mais au fond, je le sais.Ce qu’elle s’apprête à me livrer…Ce n’est pas une histoire.C’est un cri qu’on gard
LucasIls sont partis.Le silence qui s’installe est un souffle glacé dans la pièce encore chaude de cris retenus et de vérités trop lourdes. Le genre de silence qui laisse des cendres dans la gorge.Lyra ne bouge pas. Recroquevillée dans le fauteuil, les bras serrés autour de ses jambes, le front posé sur ses genoux, elle respire par à-coups, comme si son propre corps ne savait plus comment rester debout.Je m’approche. Lentement. Comme on s’approche d’un bord trop étroit. Je m’accroupis à sa hauteur.— Tu veux que je parte ? demandé-je à voix basse.Elle secoue doucement la tête. Sa voix s’échappe, éraillée.— Non , mais je ne sais pas si je mérite que tu restes.— Ce n’est pas à toi d’en décider.Je lui tends ma main. Elle hésite. Puis elle la prend.Ses doigts sont glacés.Je reste là, à genoux devant elle, et je l’écoute respirer. Chaque souffle semble venir de loin, comme ramené d’un endroit trop profond.— On a tous cru des choses, Lyra, murmuré-je. Des mauvaises, des injustes.
LyraJe reste longtemps figée après le départ du médecin, comme pétrifiée dans une cage invisible. Le silence s’est épaissi, plus lourd que jamais. Je sens le souffle de Lucas près de moi, mais je ne peux pas m’y accrocher. Pas maintenant.Ma mère fait les cent pas, son téléphone collé à l’oreille. Mon père, lui, s’approche. Lentement. Comme s’il redoutait déjà ce qu’il allait devoir dire. Ou entendre.Il se place devant moi. Je lève à peine les yeux. Je connais ce regard. Froid. Lucide. Tranchant.— Lyra, dit-il d’une voix grave. Il est temps d’arrêter de nous faire tourner en rond.Je ne réponds pas.— Il faut que tu nous dises qui est le père de cet enfant.Mon cœur rate un battement.Lucas reste figé.Ma mère s’est arrêtée net dans un coin de la pièce. Elle raccroche, se retourne. Ses bras croisés, son expression fermée. Comme si elle savait que cette question allait finir par tomber. Comme si elle l’attendait, elle aussi.— Papa… ce n’est pas si simple…Il ne cille pas.— Tu es e
LyraLe silence dans la chambre est étouffant.Lucas s’est levé, tourne lentement en rond comme un fauve enfermé. Ma mère a posé ses mains sur mes épaules, sans douceur. Mon père, lui, reste debout près de la fenêtre, le regard rivé à son téléphone comme s’il pouvait y puiser une vérité rassurante. Mais il n’y a plus rien de rassurant ici. Juste cette attente, brûlante, acide, qui ronge.Puis, soudain, des pas. Rapides. Pressés.La porte s’ouvre avec fracas.Le médecin chef réapparaît, le souffle court, les traits tirés. Il tient un autre dossier, un mince feuillet cette fois, froissé comme s’il l’avait serré trop fort dans sa main.— Je… je dois vous parler immédiatement.Son regard glisse vers moi, puis revient à mes parents.— Nous avons reçu les premiers résultats. C’est… rapide, je le sais, mais certains éléments ne nécessitaient pas plus de quelques minutes. L’analyse préliminaire de sang… a révélé des anomalies.Je sens Lucas se figer derrière moi.— Quelles anomalies ? demande
LyraJe croyais que la tempête s’était apaisée après la colère de mes parents. Mais à peine quelques heures se sont écoulées qu’elle gronde de nouveau. L’air dans ma chambre est lourd, saturé d’une tension électrique. Lucas reste silencieux à mes côtés, ses yeux fixés sur la porte comme s’il attendait un verdict.Ma mère entre la première. Elle a cette expression dure et glaciale que je redoute depuis l’enfance.— Il n’y a plus de place pour les doutes, dit-elle. Nous allons prouver que tu n’as rien fait.Je la regarde sans comprendre.— Maman…Elle ne m’écoute pas. Mon père arrive derrière elle, un bloc de colère contenu, son téléphone toujours à la main. On dirait qu’il vient de passer un appel qui a tout changé.— Nous avons parlé au médecin chef, commence-t-il, et nous avons exigé que des analyses complètes soient faites.— Des analyses ? répété-je, confuse.— Pas seulement pour toi, dit-il. Pour Cassandre aussi.Je sens mon souffle se bloquer.— Pourquoi… Cassandre ?Lucas prend
LyraLa pièce semble rétrécir autour de moi. Chaque bruit est amplifié : le bourdonnement des machines, les pas lointains dans le couloir, mon propre souffle court et irrégulier. Lucas ne me lâche pas des yeux, comme s’il cherchait un moment précis pour parler. Je le sens hésiter, peser ses mots, et cela me glace plus encore que le silence.— Lyra, il faut que tu saches quelque chose, dit-il enfin, d’une voix basse.Son ton est grave, si grave que mon cœur se serre immédiatement.— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?Il détourne brièvement les yeux, passe une main sur son visage comme pour chasser une ombre. Puis ses mots tombent, implacables :— Cassandre… elle a perdu le bébé.Le monde s’arrête , tout s'arrête , ma respiration, le battement de mon cœur, mes pensées. J’ai l’impression que le sol se dérobe sous moi alors que je suis clouée à ce lit.— Non… non, Lucas… dis-moi que ce n’est pas vrai…Je secoue la tête, mes mains tremblent de toutes leurs forces. Mes yeux cherchent désespérémen