LOGINLa première chose que Gabriel sentit, ce fut le poids de son corps.Une lourdeur familière.Rassurante et étrangère à la fois.Puis le froid.Il inspira brusquement, comme s’il remontait à la surface après une longue apnée.L’air brûla ses poumons.— Gabriel ?La voix était faible.Hésitante.Il ouvrit les yeux.Le plafond blanc de la chambre se dessina lentement au-dessus de lui.Des bips réguliers, lointains, puis de plus en plus clairs.Un hôpital.Il tourna la tête.Elena était là.Assise à côté du lit, pâle, visiblement épuisée, les yeux fixés sur lui avec une attention presque douloureuse.— Tu es réveillé, murmura-t-elle.Quelque chose se serra en lui.Il la reconnaissait.Son visage.Sa voix.La douceur dans son regard.Mais le flot d’émotions qu’il attendait…N’était pas là.Pas d’écho.
Le silence n’était plus vide.Il était chargé de tout ce qui pouvait être perdu.Gabriel et Elena se faisaient face, leurs mains toujours liées, mais une distance nouvelle s’était glissée entre eux — invisible, pourtant bien réelle.Une distance née non du doute, mais du choix.— Si on reste liés comme ça… murmura Elena,— Est-ce qu’on sera encore nous…— Ou juste deux moitiés qui se complètent ?Gabriel inspira lentement.— Peut-être les deux, répondit-il.— Mais à quel prix ?Il observa leurs mains jointes.Il sentait encore ses émotions affluer en lui — trop claires, trop immédiates.Sa peur.Son espoir.Son amour.C’était beau.Et terrifiant.— J’ai toujours cru, dit Elena doucement,— que l’amour, c’était ne jamais se quitter.— Ne jamais se lâcher.Elle leva les yeux vers lui.— Mais aujourd’hui…— J’ai peur que ne jamais se lâcher…— Nous empêche de vraiment nous choisir.Ces mots résonnèrent longtemps.La présence ancienne resta silencieuse, comme si elle leur laissait l’espac
Ils restèrent immobiles longtemps.Le silence qui les entourait n’était plus hostile.Il était lourd, chargé de ce qui n’avait jamais été dit.De ce qui faisait peur précisément parce que c’était vrai.Elena fut la première à bouger.Elle recula légèrement, juste assez pour pouvoir regarder Gabriel en face.Ses yeux étaient encore humides, mais plus clairs.— Et si on change trop ? demanda-t-elle.— Et si… ce qu’on devient ne sait plus aimer de la même façon ?Gabriel inspira lentement.— Alors on réapprendra, répondit-il simplement.Elle secoua la tête.— Tu dis ça parce que tu es fort.— Parce que tu sais tenir quand tout vacille.Il sourit faiblement.— Tu te trompes.— Je tiens parce que tu es là.Ses mots la touchèrent plus qu’il ne l’aurait voulu.— J’ai toujours cru, murmura-t-elle,— que si je guérissais vraiment…— je n’aurais
La pression ne venait plus de l’extérieur.Elle venait de l’intérieur.Gabriel sentit quelque chose s’étendre en lui, lentement, comme une marée qui ne demandait pas la permission.Ce n’était pas une douleur franche, ni une violence immédiate.C’était une présence.Lourde.Ancienne.Silencieuse.Il inspira profondément, luttant pour ne pas céder à la panique.— Arrête, dit-il à voix basse.— Tu ne peux pas simplement nous utiliser.La présence ne répondit pas tout de suite.Elena tremblait toujours contre lui.Il sentait ses battements de cœur, trop rapides, trop irréguliers.Sa main s’accrochait à sa chemise comme à une ancre.— Gabriel… murmura-t-elle.— J’ai peur.Ces mots furent plus douloureux que tout le reste.Il resserra ses bras autour d’elle.— Je sais.— Mais tu n’es pas seule.La voix ancienne résonna enfin, non plus dans l’
La chute ne dura pas.Elle n’exista pas.Gabriel eut l’impression que le monde venait d’être retiré d’un seul geste, comme une toile arrachée, laissant derrière elle un espace nu, silencieux, immobile.Plus de cendres.Plus de fissures.Plus de lumière.Seulement… Elena.Ils flottaient ensemble dans un vide calme, presque apaisant.Gabriel tenait toujours Elena contre lui, ses bras refermés autour de son corps comme un dernier rempart contre l’effondrement.— Elena… murmura-t-il.— Regarde-moi.Elle ne répondit pas.Son corps était rigide, ses yeux grands ouverts mais vides, comme si quelque chose regardait à travers elle.Sa respiration était lente, trop régulière.— Elena… répéta Gabriel, la panique montant.Il posa une main sur sa joue.Elle était froide.Un frisson le traversa.— Réponds-moi, s’il te plaît…Alors elle cligna des yeux.Mais ce regard n’était pas le sien.Il n’y avait plus de peur.Plus de douleur.Plus de confusion.Seulement une lucidité écrasante.— Gabriel, dit-
Le monde s’effondrait.Ce n’était pas une explosion, ni un chaos brutal.C’était plus insidieux.Comme une respiration qui s’arrête doucement, mais définitivement.Autour de Gabriel et Elena, le noyau se fissurait en silence.La terre de cendres se fendait en longues craquelures lumineuses, aspirant les fragments de souvenirs qui flottaient encore dans l’air.Les voix, les images, les échos… tout se dissolvait.Gabriel serrait Elena contre lui.Elle tremblait violemment, son corps secoué de spasmes incontrôlables.Son souffle était court, irrégulier, comme si chaque respiration lui coûtait un combat.— Elena… regarde-moi, murmura-t-il.Elle leva lentement les yeux.Ses iris reflétaient quelque chose de nouveau.Un mélange troublant de douceur et de douleur.Comme si elle voyait le monde à travers deux cœurs à la fois.— Gabriel… chuchota-t-elle.— Je… je sens tout.Sa main se crispa contre sa poitrine.— Ta peur.— Ta fatigue.— Ton amour aussi…Elle inspira brusquement.— C’est trop







