Crystal. Je suis allongée sur un lit médical, les draps rêches froissent sous ma peau. L’odeur stérile de désinfectant pique mes narines, me rappelant à chaque inspiration que je suis sous surveillance. Le médecin s’approche, son stéthoscope glacé contre ma peau, et je retiens un frisson. J’ai dû inhiber un autre calmant pour passer cet examen, priant intérieurement pour que rien ne trahisse ce que j’ai dans le sang. Heureusement, la plupart des produits de Chrome échappent aux analyses classiques… du moins, je l’espère. Ses doigts appuient doucement sur mon abdomen, puis il tend l’oreille à mes battements de cœur. Un pincement d’angoisse traverse ma poitrine : et s’il découvrait quelque chose ? Son regard reste impassible, mais je sens chaque seconde s’étirer, lourde comme une pierre. — Allongez-vous sur le ventre, dit-il calmement. Je m’exécute, le cuir froid de la table colle à ma peau. Ses mains pressent un instant, puis se retirent aussitôt. Sans un mot, il retourne vers so
Norman Je serre une dernière fois ma grand-mère contre moi. Son sourire brave dissimule mal son chagrin : elle souffre davantage de me voir sans âme sœur que de son propre âge. Je lui rends un sourire tendre, mais ce soir, je n’ai pas les mots. Pas la force.Ray prend le volant. La voiture franchit à peine le portail de la résidence que je lui demande de s’arrêter. Ma voix est plus ferme que je ne l’aurais voulu.— Je vais rentrer par mes propres moyens, dis-je en récupérant mes affaires dans ma poche.Il hoche la tête, respectueux, et redémarre. Dans la voiture qui passe derrière lui, je croise le regard inquiet d’Emma posé sur moi lorsqu’elle a croisé ma silhouette au bord de la route ,lourds de questions qu’elle n’ose pas poser.Je reste seul quelques instants, immobile, la tête offerte au vent frais. Mon corps réclame la délivrance, je cède. Mes os craquent dans un bruit sourd, déchirant, et un hurlement m’échappe malgré moi, arraché du plus profond de mes entrailles. Je me plie
Norman Un soupir m’échappe tandis que mes yeux restent fixés sur la porte, comme si elle pouvait encore s’ouvrir et me livrer une réponse.Pourquoi, parmi tous les représentants possibles, fallait-il que ce soit elle ? Crystal.Vingt-quatre heures. J’avais réussi à ne plus penser à elle pendant vingt-quatre foutues heures. Un exploit en soi.Et voilà qu’elle s’impose de nouveau à mon esprit ,une épine impossible à ignorer.Le vibrement familier de mon téléphone brise le silence. L’écran s’illumine : grand-mère.Un pincement serre ma poitrine. Voilà des jours que je n’avais pas eu de ses nouvelles. Peut-être, avec un peu de chance, m’apportera-t-elle une solution à l’un de mes problèmes les plus pressants.— Bonjour, mamie.Sa voix me parvient, douce et pleine de chaleur.— Bonjour, mon petit nounou… comment tu te portes ?— Je vais bien. Enfin… j’attends.Un léger rire s’élève de l’autre côté du combiné, chaud et familier.— Voilà un loup bien impatient… Je mène mon enquête. Cette nui
Crystal Habillée d’un tailleur deux pièces couleur cendre, les cheveux tirés en un chignon sévère, le maquillage trop terne pour masquer la fatigue, Anna Collins descend du taxi. Dans sa main droite, un gobelet de lait de soja encore tiède lui réchauffe les doigts ; dans la gauche, son sac, dont la lanière lui scie presque l’épaule. Son badge accroché à sa veste claque doucement sous les bourrasques du matin.Je monte les marches de l’immeuble d’un pas précipité. Le marbre froid sous mes talons résonne comme un métronome. Mon regard glisse sur ma montre : 7h23. Parfait, je suis dans les temps.À l’entrée, l’agent de sécurité m’accueille d’un sourire poli. Le parfum métallique du détecteur et l’odeur de cire du hall flottent dans l’air.— Bonne journée, madame Collins, dit-il après avoir vérifié mon badge.— Merci, monsieur Verne, je réponds avec un sourire de façade.À 7h30, je gagne l’ascenseur. Les portes se referment dans un soupir hydraulique. Quelques minutes plus tard, je desce
Assise dans mon salon, j’épluche chaque détail de la personnalité d’Anna Collins. Les vidéos d’elle défilent sur mon écran : son trajet quotidien, ses préférences, les livres qu’elle lit, où elle prend son déjeuner, la façon dont elle parle ; tout ce qu’il faut pour que je devienne elle. L’écran projette une lueur froide sur mes mains ; le popcorn oublié dans un bol commence à perdre son craquant. L’odeur de café froid flotte dans l’air, mêlée à celle, plus subtile, du parfum que je n’arrive pas encore à reproduire.Demain, il faudra que j’aille chez le coiffeur pour avoir la même coupe. Anna porte presque toujours ses cheveux en chignon serré, lisse comme la raie d’une secrétaire administrative modèle. Elle n’a apparemment aucune vie en dehors du travail ,juste un chat, Mano, mort il y a un mois. Cette banalité m’ennuie autant qu’elle m’apaise : il y a de la perfection dans l’ennui calculé.Fatiguée de lire la vie d’Anna, j’envoie un message à Travis. J’ai envie d’une virée à moto et
Crystal— Sérieux, Cry… dis-moi que t’as pas ouvert tes cuisses à ce petit toutou, commente Tamara en arquant un sourcil moqueur.Elle a forcé ma serrure comme si c’était la porte de sa chambre, s’est effondrée sur mon lit pour décuver et en profite, évidemment, pour me rappeler à quel point j’ai été conne de pas avoir couché avec Norman.— … en plus, c’est le premier mec avec qui tu ne grimpes pas un « ses fluides me répugnent » mais toi… toi tu fais ta sainte.Je lui arrache le pot de glace des mains, celui qu’elle essayait d’ouvrir avec ses ongles vernis déjà écaillés. Voilà à quoi ressemble un déjeuner chez moi : glace, chips et céréales.Je mélange les trois à la cuillère, un gloubi-boulga sucré-salé, et laisse la glace fondre doucement pour enrober le reste. Y’a du lait pour mes céréales et des fruits planqués dans la glace qui se marient aux chips huileuses. Une alchimie grotesque, mais révolutionnaire à mes yeux.— Tamara, il voulait pas me dépuceler. Il disait que c’était pré