AelyaLe souffle court, je suivis ma mère à travers la maison, chaque pas éveillant en moi des bribes de souvenirs enfouis depuis bien trop longtemps. L’atmosphère était lourde, presque palpable, chargée d’un silence épais qui semblait suspendre le temps lui-même. La poussière dansait dans les rayons de lumière filtrant à travers les volets entrouverts, traçant des lignes dorées sur les murs défraîchis. Chaque recoin, chaque objet abandonné semblait murmurer un secret, porter le poids des années et des absences.Un vieux jouet en bois, posé sur une étagère branlante, attira mon regard. Je me souvenais des heures passées à le tenir, à l’imaginer compagnon de toutes mes aventures solitaires. Plus loin, sur la cheminée, des cadres poussiéreux exposaient des photos jaunies où l’on devinait des sourires figés, des instants volés au bonheur.Ma mère s’arrêta devant une porte entrouverte, ses doigts serrés sur le bois usé comme pour puiser une force invisible.— C’est ici que tout a basculé,
AelyaLe tumulte du verre liquide s’apaisa lentement, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Autour de nous, le paysage restait flou, fragile, oscillant entre clarté et ombre, comme une toile impressionniste secouée par un souffle d’air tiède. Puis, peu à peu, les formes se précisèrent. Une maison ancienne apparut devant nous, dressée fièrement malgré les années. Son bois noirci portait les cicatrices des intempéries, ses fenêtres miroitantes semblaient garder jalousement les secrets enfouis à l’intérieur. Cette bâtisse me saisit, à la fois refuge et tombeau, gardienne silencieuse d’un passé que j’avais tenté d’ensevelir.Je reconnus aussitôt l’endroit c’était la maison de mon enfance, celle que j’avais quittée sans un regard en arrière, emportant avec moi un poids trop lourd à porter. L’air lui-même semblait chargé de souvenirs, lourd d’odeurs familières : la poussière mêlée au parfum du bois ancien, une pointe de fleurs fanées qui avaient jadis orné le jardin. Ce souvenir
AelyaLe miroir ondulait doucement sous mes doigts, son verre liquide comme une eau profonde où se noyaient mes peurs, mes espoirs, et tout ce que j’avais toujours cherché à fuir. La silhouette encapuchonnée avançait avec une lenteur majestueuse, portée par une grâce immobile, une force à la fois discrète et infinie. Chaque pas qu’elle faisait semblait peser comme un serment, comme une invitation solennelle à affronter ce que je refusais depuis si longtemps.Je sentais mon cœur tambouriner dans ma poitrine, irrégulier, trop fort, emporté par un flot d’émotions contradictoires la peur viscérale de ce qui allait surgir, la colère sourde contre ce passé que j’avais tenté d’effacer, et cette petite flamme fragile, presque vacillante, cette lueur d’espoir qu’il était encore possible de changer, de comprendre, de réconcilier.— Qui es-tu vraiment ? murmurai-je, la voix étranglée, trahissant le trouble qui m’envahissait.La femme leva lentement la main, dévoilant une paume marquée par des li
AelyaChaque pas que nous faisons dans ce couloir résonne comme un glas sourd, une plainte venue d’un monde oublié. L’espace est étroit, presque oppressant, comme si les murs eux-mêmes tentaient de nous retenir, de nous engloutir dans leurs souvenirs gelés. L’humidité suinte des pierres, une humidité froide qui pénètre jusqu’aux os, mêlée à cette poussière ancienne, qui semble être la poussière de nos regrets.Autour de nous, les ombres ondulent, presque vivantes. Elles dansent en silence, comme prises dans un vent invisible, et leurs murmures sont à peine audibles. Pourtant, ils s’insinuent dans mes oreilles, dans mon esprit, tels des chuchotements glacés qui caressent ma peau, éveillant une chair de poule, glaçant mon sang.Je sens la main de Kael se refermer sur la mienne avec une douceur déterminée, ferme et chaude, comme une ancre dans ce flot d’incertitude. Ce contact est la seule chose tangible dans ce lieu flottant entre les mondes.Je voudrais briser ce silence qui pèse entre
AelyaJe me redresse lentement, chaque mouvement est un combat contre le vertige qui me serre la tête. Autour de moi, tout semble flou, irréel, comme un rêve trop vif qui refuse de me lâcher. Les images tournent et se mêlent, un tourbillon glaçant au creux de mon esprit, des fragments qui s’entrechoquent et s’embrasent, des souvenirs que j’avais voulu oublier, mais qui brûlent encore.La chambre dans laquelle nous sommes suspendus n’est ni ici ni ailleurs. Elle flotte entre la réalité et le cauchemar, figée dans une absence de temps. Les murs de bois suintent une humidité dense, sombre, presque vivante. L’odeur âcre du sang séché s’entremêle à la douce-amertume du bois brûlé, une puanteur qui me serre la gorge et m’étouffe. Chaque inspiration est une lame, chaque expiration un effort douloureux.Mes mains tremblent, maladroites et faibles, incapables de retenir ce qui glisse entre mes doigts : mes souvenirs, ma mémoire, ma paix. Et cette voix. Une voix d’enfant, fragile, désespérée, q
AelyaLe chemin semble s’étirer à l’infini.Cela fait des heures que nous marchons, en silence. Le vent s’est tu. Même les oiseaux ne chantent plus. Seuls nos pas crissent sur les feuilles mortes et les pierres humides.La ligne court toujours devant nous, fine entaille dans la terre, presque imperceptible, mais toujours là. Un fil tendu entre ce que nous savons… et ce que nous devons affronter.Mais plus nous marchons, plus le monde autour de nous semble s’effacer.Le sol devient meuble, presque flou sous nos pieds.Les arbres perdent leurs branches. Certains n’ont plus d’ombre. D’autres ne projettent que des reflets inversés, comme si la lumière elle-même avait oublié comment les effleurer.Le ciel, lui, s’étiole. Il n’est plus bleu, ni gris. Juste... une matière délavée, sans fond. Une sorte de voile tendu au-dessus de nous, indifférent et impalpable.Je m’arrête.— Kael. Regarde.Il se retourne vers moi, le front plissé. Et je vois dans ses yeux qu’il comprend, lui aussi.Le même