Solveig—Solveig?Je sursaute. Il m’a semblé entendre mon prénom venir de la cuisine. Si ça se trouve, Baptiste a encore cru qu’il pouvait entrer chez moi comme dans un moulin. Je me lève, prête à lui dire ce que je pense, mais trouve la pièce vide.—Il y a quelqu’un ?Pas de réponse. J’ai dû rêver.Dehors, encore cette purée de pois, on n’y voit pas à un mètre. Ravie de ne pas avoir à mettre le nez dehors, je rejoins ma couette et mon journal pour découvrir enfin les mots de Camille et les miens – ceux de L. Finalement, nous avons procédé par échange d’e-mails.**Je plie consciencieusement le journal et le pose à mes côtés. Il est temps.En composant le numéro de l’hôpital, une certaine appréhension m’étreint. Ma cadre peut me refuser mes vacances.Je fais ma demande, défends ma cause, elle m’accorde finalement deux semaines – pas une de plus – à compter de ce jour. J’ai bien vu que ça lui posait problèm
SolveigCe matin, je me suis éveillée avec l’impression de ne pas avoir dormi. Je n’ai fait qu’ouvrir les yeux à peine ceux-ci fermés. Pour regarder l’heure. Pour boire de l’eau. Pour penser au départ. Et puis j’ai fini par sombrer vers quatre heures du matin dans un sommeil bousculé par un rêve agité.À nouveau, j’entendais au loin la voix d’Erick. Cette fois, il gémissait, n’arrivait pas à parler. Je ne pouvais pas le trouver, car je n’y voyais rien. Et puis j’étais distraite par quelque chose ou quelqu’un. Je n’arrive plus à me souvenir. Seule la colère que je ressentais me revient. C’est un sentiment que je connais trop bien, même si je l’enfouis depuis des années. J’ai à nouveau commencé à la toucher du doigt, ces rêves me rendent dingue. À l’époque, elle était dirigée contre la terre entière. Contre celle qui m’abandonnait. Contre celui qui me cognait.Ce matin, je me suis éveillée avec l’impression de ne pas avoir dormi et j’ai prononcé son prénom. «Er
SolveigJ’ouvre The White Side et me mets à écrire, y laissant toute mon âme. Pour la première fois depuis que j’ai commencé à me déverser dessus, j’écris sur Baptiste et non sur Erick. Son soutien a beaucoup d’importance pour moi. Et une envie irrépressible de décrire mon ami, lui donner forme dans ce carnet me guide. C’est la fatigue qui me contraint à mettre fin à ce moment hors du temps. Je me sens étrange, cotonneuse. Mes cauchemars m’épuisent à tel point que je me réveille chaque matin encore fatiguée. The White Side retrouve ma table de chevet.Je m’inquiète un peu pour mes amis. C’était une drôle d’ambiance au St Patrick avant mon départ, pas de celles que nous avons l’habitude de vivre. Cam’ semble bien se débrouiller malgré la situation, Elise par contre… Simon semblait sortir de ses gonds. Et pourtant, sa tolérance a un seuil assez élevé.Je descends boire un café au bar de l’hôtel.Une femme est assise à une table à quelques mètres de moi. La pet
BaptisteAutour de moi tout est flou. Je me suis réveillé, préparé pour aller voir Kristin, et me suis retrouvé ici. Je ne reconnais rien. Il fait sombre – ça n’aide effectivement pas. En toute logique, ça ne devrait pas être le cas. Ma montre me serait bien utile – si elle fonctionnait. Je tape sur sa vitre, en vain. Je me demande dans quelle situation pourrie je me suis mis. Pourtant, je ne suis pas sorti, et depuis Kristin, je suis aussi sage – et sobre – qu’un moine tibétain.Le parquet sur lequel je marche craque. Une odeur de feu de bois me saisit, me rappelant la maison de mes parents – manquerait tout de même les cris de ces saletés de mouettes qui n’ont clairement pas encore fait la différence entre le jour et la nuit. Les murs de la pièce sont en pierre, une énorme armoire en bois massif à ma gauche jouxte une porte. Je fais un rapide tour sur moi-même, il s’agit d’une chambre. Un lit qui m’a l’air plus que moelleux – même si sacrément vieillot – trône au milieu
SimonVu l’heure, je sais qu’Elise n’est pas là, et pourtant me voilà devant chez Camille.Je n’ai pas dormi, j’ai déambulé en attendant de pouvoir venir la voir. C’est une envie à laquelle je n’arrive pas à me soustraire.Elle a dit que la situation actuelle était trop compliquée. Je me demande ce que cela veut dire.Je suis devant son bâtiment, ne sachant trop ce que je vais faire. Je n’ai ni ma guitare ni mon sombrero pour chanter la sérénade et il vaut sûrement mieux pour les oreilles de tout le monde que je m’abstienne de pousser la chansonnette.Une vieille dame sort de l’immeuble j’en profite pour me glisser à l’intérieur.J’entame la montée de l’escalier puis redescends, je devrais sûrement y aller.Seulement mes jambes s’en fichent des « je devrais sûrement ». Quand je me trouve devant la porte, j’hésite à faire demi-tour, pourtant je sonne.Elle se tient devant moi, la surprise se lit sur ses traits puis un sourire qui s
SolveigIl soupire à côté de moi, résigné, je le regarde faire alors qu’il s’approche et m’embrasse. C’est bon de le sentir contre moi, de sentir son odeur. Quand il se décide à me déshabiller, je le laisse faire, je le laisserai faire ce qu’il veut de moi, mais ça, il ne le sait pas. Pourquoi tendre le bâton pour se faire battre ? Et puis s’il savait, je perdrais tout intérêt. Je ne suis désirable que parce que je représente une sortie du quotidien. Une nouveauté.Il me guide, nous guide, il exige et prend tout. Et moi je lui donne tout, parce que ça vaut la peine, j’en suis sûre. Surtout quand j’entends sa voix au creux de mon oreille. Ça n’a rien de comparable. Rien. C’est le corps qui décide et l’esprit se réfugie dans un endroit qu’il tient secret. Une tornade de sensations dicte des mouvements qui ne nous appartiennent déjà plus. On peut mettre des mots. Décrire ces effleurements, ces gestes, mais jamais on ne pourra retranscrire avec justesse des moments comme ceux
EliseLes mots de ma meilleure amie résonnent dans ma tête. Ils m’ont donné à réfléchir. Si bien que je me suis décidée à passer chez nous pour le voir.—On boit un thé ? proposé-je à Simon.Il acquiesce, l’air perdu. J’ai peut-être exagéré. Je ne lui connais pas cet air et cela m’inquiète. Une fois nos tasses servies, je m’installe avec lui sur le sofa.—Je crois qu’on devrait parler, ajouté-je.—Je ne suis pas sûr.Je le regarde, hébétée.—Qu’est-ce que tu veux Elise ? Je pensais que tu voulais faire un break.—Je crois que j’ai dépassé les bornes.—Oh et bien, il était temps de t’en rendre compte !Je me lève d’un bond.—Es-tu obligé de m’agresser ?—Je crois qu’on devrait se séparer pour de bon.Je le scrute, ses yeux sont levés vers moi, aucune émotion ne transparaît alors que mes mains tremblent un peu.—Tu... Pourquoi ?Si
SolveigJe descends au bar de l’hôtel et commande un Daïquiri, puis deux, trois... jusqu’à ne plus compter. Le monde disparaît.Les fantômes de ma vie dansent devant mes yeux. Je suis complètement cuite, et seule – la honte.Il est temps que je remonte jusqu’à ma chambre. Il est minuit passé. Je titube, me prends les pieds dans le tapis, tombe à genoux sur le sol. Un rire incontrôlable m’agite. Je me relève difficilement et me dirige vers mon lit. Des larmes venues d’on ne sait où se mettent à dégouliner en trombes. Des litres de flotte qui surgissent de l’écran de fumée qu’est la vie. Je regarde mon téléphone. Toujours pas d’appel d’Elise. Je suis trop épuisée pour le faire à sa place et sombre.Je suis dans un nuage épais, gris, une brume opaque, qui peu à peu se dissipe.Erick, Baptiste et Elise sont côte à côte, comme paralysés. Erick a les yeux fermés, je m’approche de lui, il les ouvre brusquement, les écarquille. Rien d’autre ne bouge. Je tente