Chapitre II

J'étais devenue dès lors la « mystérieuse Luna » de l'Alpha David de cette tribu. Le peuple savait seulement que David avait défini sa Luna, mais personne n'avait vu qui elle était et son louveteau restait encore plus inconnu. Il nous a interdit de nous présenter en même temps que lui parmi la meute.

Le contrat de dissolution à la main, je me suis rendue à l'hôtel de ville pour déposer ma demande de quitter le territoire.

« Viviane, avez-vous bien réfléchi ? Êtes-vous vraiment certaine de quitter ici ? Vous devez conaître les lois de notre tribu. Une fois partie, vous ne pourrez pas revenir dans les cinq ans succédants, » m'a demandé sincèrement le greffier loup-garou.

« Oui, la décision a déjà été prise. Je vais emmener mon louveteau dans les territoires du nord pour rejoindre son père. Nous sommes séparés pendant trop longtemps et c'est le moment que notre famille soit réunie. » Je regardais le greffier, essayant de contrôler ma voix tremblante en esquissant un sourire ironique.

Le greffier a hoché la tête en répondant : « Je ne peux pas imaginer comme c'est difficile pour vous d'élever le louveteau seule pendant toutes ces années. »

Ma demande a été rapidement approuvée.

Je l'ai remercié et ai pivoté fermement mes talons avant que le murmure d'un autre employé est parvenu dans mes oreilles : « J'ai toujours cru qu'elle n'avait pas de compagnon et que son louveteau était en effet son enfant illégitime. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle avait en fait un mari. »

Mon cœur a raté un pas et je me suis arrêtée brusquement. Les discussions en chuchotement derrière moi se sont éteintes.

J'ai soupiré et me suis mordu la lèvre inconsciemment.

Ils avaient raison. Durant toutes ces années, mon compagnon n'avait été qu'un simple titre. Ils pensaient tous que j'étais abandonnée après être tombée enceinte sans me marier.

Je me suis dirigée lentement vers la sortie, quand soudain quelqu'un m'a cognée. J'ai poussé un cri de surprise et les papiers que je tenais à la main se sont éparpillés sur le sol.

J'ai levé ma tête pour savoir ce qui s'est passé. Il s'avérait que David et Sophie sont entrés dans le hall en riant et discutant, sans prêter attention à ce qu'il y avait devant eux.

L'expression de David est passée de la surprise à une froide indifférence lorsqu'il m'a aperçue.

« David... » La parole s'est échappée de ma bouche avant que j'aie pu m'en empêcher et c'était trop tard de la retirer.

David m'a lancé tout de suite un regard glacial. Je me suis tue.

Il avait raison. Il était l'Alpha de tous les employés présents dans cette grande salle tribale. De quel droit avais-je pris l'initiative de lui parler ?

Pendant les cinq dernières années, il ne m'avait jamais montré un regard gentil et nous ne sommes jamais sortis en même temps ensemble. Il me considérait comme une inconnue voir pire, sans parler de me présenter sa Luna.

« La mystérieuse Luna de notre Alpha est enfin dévoilée. C'est donc elle… »

« Ce n'est pas étonnant qu'elle puisse captiver Alpha. Elle est la louve la plus charmante de la tribu. Après tout, je suis vachement envieuse d'elle de pourvoir être revendiquée par Alpha… »

Les murmures derrière moi ont repris de nouveau. J'essayais de retenir mes larmes, me mordant la lèvre jusqu'au sang.

Tout le monde croyait que Sophie et David étaient le vrai couple, justifiant tout ce que je pensais.

En voyant ses regards si tendres et si attentionnés envers Sophie, j'ai ramassé silencieusement les papiers éparpillés. Il me détestait tellement qu'il serait sûrement réjouissant de s'unir à elle quand je serais morte.

Je comptais lui dire que j'étais là pour demander les formalités de mon départ et que j'allais emmener Joseph loin de cette tribu, le laissant s'épanouir dans le bonheur de retrouvailles avec Sophie.

Apparemment, il s'en moquait. Cela le dégoûtait même de me demander simplement pourquoi j'étais là. Il ne voyait que Sophie dans ses yeux actuellement.

Ce n'était plus important en tout cas, car je quitterais ce monde pour toujours dans trois jours. Les histoires d'amour et de malentendu ne me concerneraient plus jamais.

En quittant le hall du centre, j'ai reçu l'appel de Joseph.

« Maman, tu m'as dit ce matin que tu serais au hall du centre dans l'après-midi. L'école est finie plus tôt aujourd'hui et je ne suis pas loin du hall en ce moment. »

« D'accord. Ne bouge pas, maman sera là dans un instant. » Je me suis retournée tout de suite pour revenir sur mes pas, mais c'était trop tard. En arrivant au tournant du hall, j'ai vu Joseph debout avec un regard vide.

J'ai suivi son regard et ai vu David qui était en train de passer une glace à Sophie.

Ils partageaient le même cornet, leurs têtes rapprochées. Voyant cette scène, les yeux de Joseph se sont rougis.

À ce moment-là, David a soudain remarqué la présence de Joseph. Le regard de Joseph s'est illuminé d'un coup et il s'apprêtait à courir vers David sans prévoir que le dernier lui a fait les gros yeux avant de se retourne. Il s'est ensuite éloigné en serrant Sophie contre lui.

Joseph, seul et debout, a laissé son cartable glisser de son dos sans être conscient. Des larmes coulaient sur son visage sans contrôle.

Je me suis précipitée vers lui et l'ai pris fort dans mes bras.

Sans même me laisser le moindre de temps pour réagir et le réconforter, Joseph m'a regardée avec ses yeux sérieux en demandant : « Maman, demain sera la journée sportive de l'école. Est-ce que tonton peut venir me soutenir ? »

Depuis la naissance de Joseph, David n'a jamais assisté à la journée sportive avec lui.

Voyant l'espoir dans ses yeux, je ne pouvais pas refuser de composer le numéro de David.

« David, es-tu disponible pour emmener Joseph à la journée sportive de l'école demain ? Juste le matin, non, même une heure suffira… »

Sans m'attendre finir la parole, l'homme à l'autre bout du fil m'a déjà raccroché au nez.

J'ai baissé la tête, incapable de regarder Joseph dans les yeux.

« Maman, papa ne veut pas y aller, c'est ça ? » Joseph a pris mon visage entre ses mains et m'a demandé, l'air sérieux. Sans avoir eu de réponse, il a hoché sa tête, pensif.

Ensuite, il m'a esquissé un sourire sage : « Ce n'est pas grave, maman. Ce n'était qu'une idée survenue dans ma tête. Je sais que tonton n'a pas le temps, comme toujours. »