Chapitre 5

Amélie payait maintenant le prix de son erreur, commise dans un moment d'égarement. Les jours suivants, elle n'était plus dans son état normal, comme si quelqu'un lui avait volé son âme.

Elle n'a même pas encore terminé ses études. Elle savait bien qu'elle ne pouvait pas garder cet enfant, mais elle n'osait pas en parler à ses parents. Pour l'intervention, il fallait une signature d'un membre de la famille. Et après l'opération, elle devait se reposer. Si quelqu'un à l'école découvrait tout, ses études étaient ruinées.

Pour la première fois de sa vie, Amélie ressentait une peur et une panique aussi profondes. Même Julie a remarqué que quelque chose n'allait pas : « Amélie, qu'est-ce qui t'arrive ? »

Son visage était pâle, son regard vide, comme une âme perdue.

Amélie a secoué la tête, sans énergie : « Rien. »

Rien, mon œil.

« Si quelque chose ne va pas, dis-le-moi. On trouvera une solution ensemble, » a insisté Julie, le cœur serré en la voyant ainsi. Puis, après un moment d'hésitation, elle a ajouté :

« Est-ce que c'est à cause de Lucas ? »

À présent, Lucas n'était plus qu'un détail insignifiant pour Amélie.

Mais Julie restait une étudiante. Lui dire la vérité ne ferait qu'ajouter une personne de plus à paniquer.

Elle a forcé un sourire : « Je t'assure, ça va. Ne t'inquiète pas pour moi. »

Julie, voyant qu'elle ne dirait rien, n'a pas insisté. Elle a essayé de changer de sujet : « Cet aprèm, on a le cours d'anatomie du professeur Beaumont. On devrait y aller un peu plus tôt pour avoir de bonnes places. »

Mais à ces mots, Amélie a eu une grimace de douleur : « Est-ce que… je peux ne pas y aller ? »

« Impossible, tu sais bien que le professeur Beaumont est très strict. Il fait l'appel à chaque cours. Même si c'est un peu exagéré, je ne peux pas parler pour les autres matières, mais pour la sienne, personne n'a envie de sécher. »

Eh bien si, Amélie serait la première.

Mais elle n'avait pas le courage. En deux ans d'université, elle n'avait jamais séché un seul cours. Et maintenant qu'Alexandre savait qui elle était, demander à Julie de signer à sa place reviendrait à se jeter elle-même dans la gueule du loup.

Avant même que le cours ne commence, Julie a tiré Amélie vers la salle. Par malchance, elles ont fini par obtenir une place au premier rang.

« Julie… et si on s'asseyait plutôt au fond ? Il reste encore des places, » a dit Amélie d'un ton hésitant.

Après cette nuit et cette grossesse, elle n'osait plus croiser le regard d'Alexandre.

« Pas question ! Cette place est parfaite, » a répondu Julie en s'asseyant aussitôt. « D'ici, on peut admirer de près la beauté du Monsieur Beaumont. »

Amélie a pensé qu'elle ferait mieux de s'asseoir au fond, mais quand elle s'est retournée, elle a vu que toutes les places étaient déjà prises. Elle a dû s'asseoir là, le cœur lourd.

Peu après, la sonnerie du cours a retenti. Amélie s'est recroquevillée derrière Julie, essayant de réduire au maximum sa présence.

Alexandre, toujours aussi séduisant, est entré dans la salle en grandes enjambées. Sa silhouette élancée et droite s'est imposée devant l'estrade. Dans son manteau kaki, il ressemblait à une icône vivante. Ses yeux clairs brillaient, ses sourcils bien dessinés et ses traits marqués lui donnaient un air calme et assuré.

Dès son arrivée, la classe est devenue silencieuse.

Sa voix claire et posée a résonné sans hâte, tandis que son regard parcourait rapidement la salle :

« On commence. »

Cette fois, Amélie n'a pas osé décrocher une seule seconde. Elle a noté avec soin chaque point important dans son cahier. Et, sans s'en rendre compte, son regard suivait sans cesse sa silhouette.

Alexandre était sans doute l'homme le plus fascinant qu'elle ait rencontré. Il dégageait une aura de calme et de retenue, une élégance qui imposait le respect.

L'expression « l'érudition se voit dans le regard » semblait faite pour lui.

Sa façon d'enseigner était d'ailleurs remarquable. Il simplifiait des notions complexes et les rendait faciles à comprendre.

Peu à peu, tout le monde se laissait captiver. L'attention de la classe entière restait suspendue à ses explications.

Amélie écoutait attentivement, son regard fixé sur Alexandre.

Soudain, il a tourné légèrement la tête, et leurs regards se sont croisés, sans prévenir.

Amélie a retrouvé instantanément ses esprits et a baissé les yeux, paniquée.

Elle a eu une pensée soudaine : si Alexandre découvrait sa grossesse, comment réagirait-il ?

Il était le père biologique de l'enfant. Est-ce qu'elle devait lui dire la vérité ?

Elle a mordu sa lèvre, hésitante.

Elle ne voulait vraiment plus avoir aucun lien avec lui.

Quand la sonnerie a retenti, Alexandre a éteint le projecteur et a dit : « C'est tout pour aujourd'hui. Si vous avez des questions, vous pouvez me les poser maintenant. »

« Monsieur, moi… »

« Moi aussi, j'ai une question. »

En un instant, plusieurs étudiants se sont regroupés autour de lui. Tandis qu'il répondait à leurs questions, il a aperçu du coin de l'œil la silhouette au premier rang qui, sac sur le dos, a filé hors de la salle comme si elle fuyait un danger invisible.

Ces derniers jours, ils s'étaient croisés deux fois sur le campus. À chaque fois, dès qu'Amélie l'apercevait de loin, elle changeait de direction aussitôt, telle un oiseau effarouché. Elle l'évitait clairement.

Alexandre avait consulté son dossier d'étudiante.

Vingt et un ans, deux années d'assiduité totale, des résultats classés dans le top dix de la promotion, et des bourses obtenues chaque année.

Une élève modèle, dans l'esprit de tous les professeurs.

Alexandre a baissé les yeux et a continué à répondre aux questions des étudiants.

——

Amélie ne rentrait pas souvent chez elle le week-end. Peut-être qu'avec tout ce qui s'était passé récemment, elle cherchait un peu de réconfort auprès de sa famille. Ce vendredi soir-là, elle est rentrée à la maison.

Dès qu'elle a ouvert la porte, une odeur de cuisine l'a enveloppée. Depuis la cuisine, elle a entendu la voix de sa mère, Marguerite Bernard : « Loulou, c'est toi ? Le dîner est presque prêt, attends un peu ! »

Amélie a posé son sac et s'est avancée vers la porte de la cuisine : « Maman, c'est moi. »

Marguerite s'est retournée, la spatule à la main, et s'est figée en la voyant : « Pourquoi tu es rentrée ? »

« Demain, c'est le week-end, » a répondu Amélie.

Marguerite a froncé les sourcils : « Franchement, tu aurais pu prévenir. Je n'ai même pas prévu de repas pour toi. »

« Je t'ai dit hier que je revenais. »

« Ah bon ? » Le ton de Marguerite était détaché : « Alors j'ai oublié. On ne peut pas tout retenir non plus. Tu n'es jamais là, de toute façon. »

Amélie n'a rien répondu.

Chez Julie, ses parents appelaient leur fille avant chaque week-end pour savoir si elle rentrait à la maison. Ici, elle avait l'impression d'être invisible.

« Qu'est-ce que tu fais plantée là ? Sers donc les plats, et appelle ton père pour qu'il ramène du pain en rentrant. »

« Ah, d'accord. » Amélie s'est vite lavé les mains, a sorti les plats, puis a passé un coup de fil à son père.

Au moment où les plats étaient prêts, Michel Bernard est rentré, un sachet de pain à la main. En retirant ses chaussures, il a maugréé : « Tu aurais pu prévenir que tu rentrais. J'ai acheté le pain trop tard… Il ne restait plus que celui-là, et il coûte une fortune ! Avec ce que j'ai payé, on aurait eu du pain pour toute la semaine si j'étais passé à la boulangerie de l'avenue. »

« Tout devient de plus en plus cher, tout augmente, mais ton salaire, lui, il ne bouge pas. On ne va plus y arriver comme ça. » Marguerite lui a pris le sac des mains en soupirant : « Je t'ai déjà dit de faire un détour et d'aller à la boulangerie un peu plus loin. Le pain est meilleur et moins cher. Mais non, monsieur veut toujours gagner trois minutes… »