Alexander
Elle entre dans mon bureau, Mademoiselle Brunel, et je lui fais signe de s'asseoir d'un geste sec. La chaise en face de moi l'attend, froide, comme tout le reste ici. Je vais pas tourner autour du pot – quelques questions, directes, précises, puis je trancherai dans un jour ou deux. Mon père n' est plus là pour tenir les rêves, mais son ombre plan encore.
Je lui balancerai mon ressenti, comme toujours, avant de signer quoi que ce soit. Un CV, ça se truque, mais pas chez nous. Mes détectives fouillent tout – stages, écoles, passés louches. Rien ne passe entre les mailles.
Elle a tenu le coup jusque-là, mais on verra si elle craque face à moi.
« Voulez-vous un café ? » je lâche, histoire de briser la glace – ou de la tester encore.
Elle hésite, une seconde de trop, puis se redresse d'un coup, ses yeux bleus plantés dans les miens.« Volontiers. »
Un coin de ma bouche tique – pas vraiment un sourire, juste une réaction. Elle se détend, croit que je baisse la garde. Erreur. J'appelle ma secrétaire, deux cafés, et je m'assois. Mon écran s'allume, son CV clignote sous mes yeux. La photo est moche, un cliché flou qui la dessert, mais je m'en fous – c'est pas Miss France que je recrute. Elle a survolé les tests, l'IA l'a repêchée parmi trois candidats. Sur le papier, elle claque.
Reste à voir si elle suit en vrai.
« Dites-moi, Mademoiselle Brunel, qu'est-ce qui vous a poussé à postuler chez Knight Enterprises ? Et qu'est-ce que vous pensez apporter ? »
Elle inspire fort, ses mains crispées sur ses genoux comme si elle se raccrochait à quelque chose. Puis elle se lance.
« J'ai toujours admiré l'approche innovante de Knight Enterprises. Vous êtes un modèle – rentabilité, impact social, technologie. J'ai bossé dans des environnements à haute pression, où il fallait être stratégique et rapide. Je peux apporter une vision moderne, axée sur les ressources humaines et l'optimisation des processus en matiére de sécurité»
Elle s'arrête, plisse les yeux, trie ses pensées.
« Une boîte comme la vôtre doit évoluer, s'adapter. Moi, je propose des stratégies de com' plus efficaces, de la technologie intégrée, et un management humain – empathie, compréhension des équipes, au cœur de tout. »
Je l'observe, immobile, mes doigts tapotant le bureau. Elle parle bien, avec une assurance qui sonne juste. Mais je me méfie. C'est sincère, ou juste ce qu'elle croit que je veux entendre ? Ses mots ricochent dans ma tête, et je me demande si elle a vraiment les reins pour ce qu'elle vend.
« Intéressant », je lâche, laissant un silence peser.
« Et les équipes ? Comment vous gérez les conflits, les merdes internes ? »
Pile à ce moment, ma secrétaire pousse la porte, deux tasses fumantes en main. Elle les pose devant nous, un cliquetis discret qui coupe l'air. Laurie hésite, attrape la sienne d'une main tremblante – légère, mais je le vois. « Merci », murmure-t-elle, plus douce, comme si le café la ramenait sur terre. Elle porte la tasse à ses lèvres, ses yeux toujours accrochés aux miens, guettant une fissure dans mon masque. Y'en aura pas.
Je sirote le mien, attend. Elle reprend, plus posée.
« Tout est dans la com'. Un conflit, il faut capter les deux côtés, leurs moteurs, puis trouver un accord qui tient pour l'équipe. L'empathie, c'est clé, mais poser des limites claires, c'est non négociable. »
Sa voix gagne en force, son corps se libère un peu. Elle est à l'aise là-dedans, ça se sent. Pour la première fois, elle tient le terrain, pas juste une gamine qui récite. Je griffonne une note sur mon écran, mentalement. Elle a du répondant, mais je reste sur mes gardes. Enthousiasme de jeunesse ou stratégie bien rodée ? Je trancherai plus tard.
« Très bien, Mademoiselle Brunel », dis-je en claquant l'ordi fermé. « J'y ai réfléchi. Vous aurez des nouvelles dans les prochains jours. Vous pouvez y aller. »
Elle se lève, me tend la main – plus ferme qu'au début, presque assurée. Ses yeux brillent, une lueur qui dit qu'elle espérait signer aujourd'hui. Patience, petite. Si elle bosse avec moi, elle apprendra. Je serre sa main, la relâche. Mon téléphone vibre, je décroche sans la quitter du coin de l'œil.
« Oui ? »
« Mademoiselle Vanistas est là. » « Faites-la monter, j'ai fini avec Brunel. »Je repose l'appareil, croise son regard surprise. « J'ai deux autres candidats à voir. Mais je vous appelle, positif ou non. »
Elle cligne des yeux, se reprend vite. « D'accord, monsieur. Merci pour votre temps. » Un sourire nerveux lui échappe, je lui déchire un rictus poli. Elle pivote, et la porte se ferme doucement derrière elle. Je me cale dans mon fauteuil, déjà prêt à jauger la prochaine.
Brunel à du potentiel, mais chez Knight, on joue pas aux devinettes
LAURIECarter relâche ma main et se redresse, un sourire en coin revenant sur son visage, comme s’il retrouvait son assurance.— Fais gaffe, Knight, lance-t-il, taquin, ses yeux pétillant. Elle est têtue, cette fille. Elle va te faire tourner en bourrique, mais elle vaut le coup.Alexander rit, un son bas, rauque, qui résonne dans ma poitrine.— Je sais, murmure-t-il, un éclat malicieux dans les yeux, son regard glissant vers moi.Le reste de l’équipe – Marc, quelques techniciens de Knight Enterprises, une amie de Carter – finit par partir, leurs rires et leurs voix s’évanouissant dans l’escalier. Le rooftop redevient notre refuge, un îlot suspendu au-dessus de Paris. Le vent se lève, jouant avec mes cheveux, les faisant danser autour de mon visage. Je les repousse, frissonnant légèrement, et Alexander s’approche, s’asseyant à côté de moi sur le coussin. Il est proche, si proche que je sens la chaleur de son corps, l’odeur de son eau de Cologne, boisée et subtile, mêlée à celle de la
laurieLe rooftop de Knight Enterprises scintille sous un ciel constellé d’étoiles, les guirlandes lumineuses suspendues entre des poutres d’acier jetant des éclats dorés qui dansent sur le béton poli. L’air frais d’avril 2025 porte une odeur sucrée de croissants tout juste sortis du four, flottant depuis un café niché dans une ruelle en contrebas, mêlée au parfum métallique et vibrant de Paris. La ville s’étend sous nos pieds, un océan de lumières clignotantes, des toits en zinc luisant sous la lune, des boulevards traçant des lignes dorées dans la nuit. Je suis assise sur un coussin posé à même le sol, une tablette sur les genoux, griffonnant des idées pour un projet qui n’a pas encore de nom – des esquisses de code, des concepts pour une start-up, des bribes de rêves que je n’ai jamais osé formuler à voix haute. Mes lunettes glissent sur mon nez, et je les repousse d’un geste machinal, mon pull en laine effleurant ma peau, doux comme une caresse contre la fraîcheur du soir.Alexande
laurieLa pluie tambourine contre les baies vitrées du bureau d’Alexander, un rideau glacé qui brouille la skyline de La Défense, ses éclats scintillant comme des yeux dans la nuit d’avril 2025. L’air sent le café refroidi et le papier, saturé par les vibrations des écrans tactiles, leurs notifications clignotant comme des battements de cœur. Je tiens la lettre d’Amadeus, mes doigts tremblants sur l’encre noire, le croquis d’un médaillon – cercle barré, symbole d’Oméga – brûlant mes yeux. Alexander, penché sur un écran, fronce les sourcils, ses cheveux noirs en mèches rebelles, ses yeux gris pleins d’une tempête contenue. Il croise mon regard, et je sens mon pouls s’affoler, une chaleur familière malgré la peur.« Son médaillon, » murmuré-je, ma voix rauque, pointant le dessin. « Il le portait toujours. Dans son ancien bureau, ici, non ? »Avant qu’il réponde, son téléphone vibre, et la voix de Marc, paniquée, déchire le silence. « Stahl s’est évadé, » dit-il. « Un gardien corrompu. I
LAURIEOn marche, main dans la main, à travers la cour, puis à l’intérieur, nos pas résonnant dans les couloirs vides. Chaque pièce est un souvenir – la salle commune où on jouait aux cartes, le dortoir où je pleurais la nuit, l’escalier où Alexander m’avait promis qu’on s’en sortirait. Je m’arrête devant une porte, celle du bureau du directeur, et je frissonne, repensant à Elena, à sa silhouette dans la photo, à tout ce qu’on a découvert. Stahl est en prison, les preuves d’Oméga ont fait tomber des puissants – politiciens, hommes d’affaires, ombres qu’Amadeus manipulait. Knight Enterprises est sauvé, Hargrove a signé pour de bon, et pourtant, je sens encore une ombre, un poids qui refuse de partir.Alexander le sent aussi, je le vois dans sa posture, dans la façon dont ses yeux balaient les murs, comme s’il cherchait quelque chose. Il sort une lettre de sa poche, celle trouvée dans les dossiers de Stahl, écrite par Amadeus avant sa mort. Il me la tend, et je la prends, mes doigts tre
laurieLe soleil se lève sur la campagne, un éclat timide qui perce les nuages, comme une caresse après une longue nuit de tempête. Je suis debout dans la cour de l’orphelinat, l’herbe humide trempant mes baskets, mon souffle formant de petits nuages dans l’air frais d’avril. Alexander est à côté de moi, sa main dans la mienne, chaude, solide, un ancrage que je n’aurais jamais cru possible il y a encore quelques semaines. Nos valises sont posées près de la voiture, un vieux break qu’on a loué pour ce voyage, comme si on voulait laisser le luxe de Knight Enterprises derrière nous, ne serait-ce que pour un jour. On est revenus ici, à cet endroit qui nous a faits et brisés, pas pour chercher des réponses, pas pour se battre, mais pour dire adieu – aux murs gris, aux souvenirs amers, à la douleur qu’on a portée trop longtemps.L’orphelinat n’a pas changé, pas vraiment. Les fenêtres sont toujours cassées, leurs cadres mangés par la rouille, et la grille d’entrée penche comme un vieillard f
Il attrape son arme, rapide comme un serpent, et je pousse Laurie derrière moi, mon flingue levé, le canon pointé sur sa poitrine. Mon cœur cogne, mais ma main est ferme.— Pose ça, Stahl, dis-je, la voix basse, un grondement. T’es pas en position de jouer.Il hésite, ses yeux passant de moi à Laurie, puis à la porte, comme s’il calculait ses chances. On gagne du temps, c’est le plan – laisser les flics se positionner, attendre le signal de Marc. Mais je vois Laurie bouger du coin de l’œil, discrète, maligne. Elle glisse une main dans sa poche, son téléphone allumé, l’écran masqué par sa paume. Elle enregistre, encore, capturant chaque mot de Stahl, chaque aveu qu’il lâche malgré lui. Elle est brillante, toujours un coup d’avance, et une bouffée de fierté m’envahit, même au milieu de cette tension.— Parle, Stahl, dis-je, pour le pousser, pour le faire craquer. T’as perdu. Pourquoi tu t’accroches ?Il ricane, mais ses mots sortent, presque malgré lui, comme si la pression le faisait d