YviL’aube se fait plus brillante encore. Il n’y a plus de doutes. Le vent, léger comme une caresse, souffle dans les arbres. Chaque feuille, chaque brin d’herbe, chaque souffle d’air semble en harmonie. La terre, la mer, et le ciel semblent accueillir le nouveau jour avec une ferveur silencieuse. Solen est là. Il a pris place dans ce monde, et avec lui, le poids de l’espoir.Je serre son petit corps contre moi, son souffle chaud contre mon torse. Il est si petit, si fragile. Et pourtant… il porte tout. Il est la réponse à tout ce que nous avons vécu, à toutes les épreuves qui ont façonné nos vies. La lutte, les sacrifices, les trahisons, les espoirs déchus. Tout cela a conduit à ce moment. À lui.Aleksandr se tient près de moi. Il ne dit rien. Son regard est rempli de fierté, mais aussi d’une tristesse discrète, comme si le fait que Solen existe n’effaçait pas les luttes de son passé. Je vois l’homme qu’il est, cet homme qui a traversé tant de ténèbres pour arriver à cet instant. Il
YviLa nuit recule comme une marée lente. Le ciel s'effrange, déchiré par une lumière nouvelle, une lueur pâle qui n’appartient ni au jour ni à l’au-delà. Tout semble suspendu. Même le vent s’est tu.Mon ventre se tend, mais ce n’est pas seulement la naissance d’un enfant. C’est celle d’une ère. D’un équilibre. Je le sens dans mes os, dans mon sang. Il arrive.Je pousse un cri, non de douleur, mais d’appel. Et le monde me répond.Aleksandr m’enlace, ses mains sur mes épaules, sa voix dans mon oreille, faible mais ancrée.— Je suis là. Jusqu’au bout. Jusqu’à lui.Ses bras me soutiennent. Mais c’est son âme que je sens. Entière. Offerte. Reliée.Autour, ils se placent en cercle. Nos piliers. Nos gardiens. Ceux par qui ce miracle est possible.KaelLe ciel palpite. Une aurore sans soleil rampe entre les nuages. Et au centre de cette clarté : elle. Elle qui enfante ce que même les dieux redoutaient.Je sens l’énergie vibrer sous mes paumes. La terre parle, à travers mes os, mes veines. Et
Soren— Il faut toucher le Cœur.— Tu plaisantes ? souffle Lys. Tu veux traverser ça ?— Pas le choix.Je m’élance.Entre les Ombres, les lames, les cris.J’ai vécu trop longtemps pour fuir maintenant.IskraJe suis à ses côtés.L’épée en avant.Je suis née pour cette bataille.Pas pour survivre.Mais pour brûler jusqu’à la dernière étincelle.LysJe chante.Encore.Plus fort.Le monde saigne autour de nous.Mais mon chant le maintient debout.Comme un souffle.Comme un cœur qui refuse de mourir.Le GardienJe regarde Yvi.Elle tremble.Enfin.Elle a compris.— Le prix n’est pas une vie.C’est un nom.Elle fronce les sourcils.— Le tien.Elle vacille.Puis relève le menton.— Alors qu’il brûle aussi.YviJ’avance.Je laisse mes souvenirs derrière.Je marche sur la faille.Sur ce fil tendu entre le Néant et le Tout.Et au bout, je le vois.Le Souffle Originel.Ni créateur, ni destructeur.Un battement.Un instant.Un commencement.Je tends la main.AleksandrJe sens l’impact.Comme une
YviJe tombe.Mais ce n’est pas une chute.C’est un retour.Le vide m’accueille comme un ventre ancien.Je traverse les strates de l’existence, les mondes qu’on ne nomme plus, les souvenirs éteints.Ma chair est brûlure.Ma mémoire est feu.Mon nom est un cri.Autour de moi, tout se replie.Le monde se défait dans l’ordre inverse de sa naissance.Les océans se retirent, les montagnes s’effondrent à l’envers.Le premier souffle du monde se répète.Et moi, au centre.Je deviens l’origine.Puis, je m’arrête.Suspendue dans l’œil du cyclone.Une silhouette m’attend.Grande. Nue. Inhumaine.Couverte de chaînes.Et derrière ses yeux — l’oubli.Le Gardien— Tu n’aurais pas dû revenir, Yvi.— Je ne suis jamais vraiment partie.Je tends la main.Un feu noir y palpite.Pas de la magie.Quelque chose d’autre.Quelque chose que même lui ne comprend pas.Il me regarde.— Tu as goûté à ce qui précède les dieux.— Je suis ce goût.Il recule. Juste un peu.Assez pour que je sente sa peur.Elle me don
AleksandrLe ciel saigne.L’aube ne se lève pas.Elle fuit.Je marche dans les ruines d’un monde qui ne m’obéit plus.Chaque pas soulève la cendre d’une guerre que nous n’avons pas choisie.Mais que nous avons terminée.Ou cru terminer.Car rien ne dort jamais tout à fait ici.Et je sens… quelque chose.Un frisson dans mes os.Un murmure ancien.Le souffle d’Yvi, peut-être.Ou l’ombre de ce qui vient.— Elle est encore là, murmure Lys derrière moi.Je me retourne. Elle est nue dans la lumière. Nue de peur, de doute, de mensonge.Ses tatouages brillent comme des cicatrices ouvertes.Elle ne pleure pas. Elle ne pleure plus.— Tu la sens aussi ? je demande.Elle hoche la tête.— Elle est le feu sous la terre. Et il commence à remonter.LysJe vois à travers elle.À travers ce qu’elle a laissé.Le monde se tord sous mes pieds.Et chaque pas devient un choix.Il ne reste rien de l’ancienne balance.Le Gardien est parti, mais la fracture s’étire encore, comme une plaie qui refuse de cicatri
AleksandrElle disparaît.Pas dans la mort.Pas dans le silence.Elle devient autre chose.Une lumière étrange irradie du centre de la faille, douce et brûlante à la fois.Elle ne dévore pas.Elle révèle.Je tombe à genoux.J’essaie de me souvenir de son visage tel qu’il était avant tout ça.Avant la magie, les pactes, les dieux brisés.Avant la guerre.Mais tout s’efface.Il ne me reste qu’une sensation.Sa chaleur dans ma paume.Le poids de sa tête contre ma poitrine, une nuit, il y a des siècles.Et cette phrase :« Je t’ai choisi, même quand je n’aurais pas dû. »Je hurle, mais rien ne sort.Le cri reste enfermé dans ma gorge.Le monde se referme sans elle.LysJe me redresse.La terre est fendue sous mes pieds, mais je reste debout.Le vent porte encore les cendres de ce qui fut, mais j’avance.Elle n’est plus là.Mais quelque chose est resté.Je le sens en moi.Un écho. Une étincelle.Je tends les bras.Et la lumière me répond.Ma peau s’illumine, marbrée de lignes dorées qui ne