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Chapitre 2

« Avec la disparition progressive des Grandes Terres, les civilisations, telles qu’elles existaient dans le passé, se sont éteintes. Ne subsistent à l’heure actuelle que quelques territoires de dimensions réduites occupés par des microsociétés isolées. Si certains groupes se contentent de survivre dans l’anarchie la plus totale, d’autres sont parvenus à mettre en place des modèles d’organisation plus ou moins élaborés qu’il convient d’observer avec le plus grand intérêt. »

Extrait du journal de Jonas Samson

Il entend les voix qui hurlent son nom depuis le rivage, et cette clameur enthousiaste le porte aussi sûrement que les vagues de l’océan. L’expérience le dispense de pencher la tête pour deviner la couleur de sa planche : elle est forcément jaune, signe qu’elle contient encore un peu d’énergie solaire. Ne surtout pas se précipiter. Tracer un sillon régulier dans l’eau en faisant des petites gerbes d’éclaboussures de chaque côté. Son concurrent le plus proche est à deux mètres devant lui, mais il ne doit pas gaspiller trop tôt l’énergie qu’il lui reste. Il se laissera d’abord porter par les vagues et attendra le tout dernier moment pour accélérer. Tous ses muscles sont tendus au maximum pour insuffler à la planche une position lui permettant d’avoir un maximum de vélocité. Il ne connaît pas de moment plus incroyable que celui-ci : cette vitesse vertigineuse, cette sensation de liberté absolue. Toute la haine, toutes les peurs, les frustrations, les tensions se transforment momentanément en énergie pure. Il glisse sur l’océan en se sentant en parfaite harmonie avec cette eau qui le porte. Quand il juge le rivage suffisamment proche, il imprime une légère poussée supplémentaire à la planche. Devant lui, Joao essaie de faire de même, mais il n’a plus suffisamment d’énergie et il parvient à le dépasser sans difficulté. Avant même d’avoir atteint le rivage, il sait qu’il a gagné. Les autres concurrents sont trop loin derrière lui pour espérer le rattraper.

« Aylan ! Aylan ! Aylan ! »

Son nom résonne de toutes parts. Il n’a pas encore quitté sa planche que des mains lui tapent déjà sur l’épaule pour le féliciter.

« T’as explosé le record ! »

« T’es jamais allé aussi vite ! »

Joao s’approche à son tour. Nulle trace de rancune ou de frustration dans ses yeux noirs.

— Bravo frère, t’étais imbattable aujourd’hui !

— Seulement aujourd’hui ? le taquine Aylan, je te bats tout le temps !

Ils se tiennent côte à côte sur le sable. Le corps noir et les cheveux bruns de Joao offrant un contraste saisissant avec le buste doré et la chevelure blonde d’Aylan, pourtant tous deux dégagent la même énergie, quasi animale. Ils sont conscients qu’ils viennent de vivre un moment magique et ils le savourent sans retenue. Le quotidien reviendra toujours assez tôt.

Quelques minutes plus tard, Aylan se dirige vers l’estrade dressée sur le rivage. En sentant la terre brûlante et craquelée sous ses pieds, il regrette déjà la sensation de fraîcheur et de légèreté que lui a procurée l’océan quelques instants plus tôt.

— Bravo Aylan. J’étais certaine que tu gagnerais. Je l’ai même dit à Monsieur Jacquot, il voulait pas me croire !

Il s’arrête en entendant la petite voix qui vient de lui parler. C’est celle d’une enfant aux cheveux si blonds qu’ils en deviennent presque blancs et dont la peau est d’une pâleur quasi translucide. Elle tient la main d’une femme aux cheveux clairs dont la peau tannée trahit au contraire de longues heures passées au soleil. Dans son autre main, la fillette serre une peluche représentant un lapin qui a perdu un œil et une bonne partie de sa fourrure ; Aylan s’arrête à leur hauteur en faisant mine de regarder le lapin :

— Tu veux dire que Monsieur Jacquot n’a pas confiance en moi ?

— Lui non, mais moi si, dit-elle avec un grand sourire.

— Et pourquoi étais-tu si sûre que j’allais gagner ?

— C’est ce que disent le soleil, la lune et les étoiles, récite l’enfant en le fixant d’un regard rieur.

— Et ils ne se trompent jamais, dit Aylan en lui faisant un clin d’œil.

— Et ils ne se trompent jamais, conclut la petite fille avec un sourire si éblouissant qu’il illumine aussitôt son visage diaphane.

Puis elle ajoute à voix basse :

— En fait, je crois que Monsieur Jacquot est un peu jaloux de toi !

Il se penche et prend la petite fille dans ses bras.

— Allez sœurette, allons chercher mon trophée.

Il sourit à sa mère qui lui presse affectueusement l’épaule en le félicitant, puis se dirige vers l’estrade avec sa sœur dans les bras. La chaleur est si intense qu’il sent les rayons du soleil attaquer son torse nu comme des glaives de feu. Il met sa main sur la tête de la petite fille pour essayer de la protéger un peu et elle se niche en retour contre son épaule avec un soupir d’intense satisfaction.

Oren, un homme aux cheveux longs et au corps solidement charpenté, se tient sur l’estrade. Sa capacité à régler les conflits de façon équitable, son autorité naturelle et le discernement dont il sait faire preuve dans les situations délicates l’ont naturellement propulsé depuis quelques années au rôle de chef du village. Même si toutes les décisions sont prises en commun par l’ensemble de la population, il faut parfois quelqu’un qui sache trancher à la fin des débats, et tout le monde s’accorde à reconnaître sa légitimité. Il salue tous les participants et félicite Aylan pour sa performance. La foule applaudit à tout rompre. Il lui remet ensuite une coupe grossièrement taillée dans du bois et, surtout, une bourse en cuir contenant des pièces en argent.

— Merci d’être là pour nous faire rêver. Merci à tous les concurrents pour cette magnifique démonstration. Je crois que tout le monde sera d’accord avec moi pour dire que nous venons de passer un excellent moment !

Une ovation s’élève à nouveau pendant qu’Oren serre chaleureusement Aylan dans ses bras.

Quelques heures plus tard, la nuit est tombée et l’air en provenance de l’océan apporte enfin un peu de fraîcheur. Depuis la terrasse où il est assis, Aylan entend le bruit des vagues qui viennent mollement s’échouer sur la grève. Sa mère sort de la maison pour lui tendre une tasse remplie de tisane d’algues.

— C’était une belle journée, déclare-t-elle en s’asseyant dans un fauteuil en osier près de lui. Ça fait du bien de se retrouver tous ensemble.

— Oui, dommage qu’il n’y en ait pas plus souvent. Mais avec ce que j’ai gagné, ça devrait nous permettre de tenir le coup un petit moment.

Aylan fait sauter plusieurs fois la bourse dans sa main avant de la tendre à sa mère :

— Mets-la en lieu sûr.

— J’aimerais tant que cet argent soit pour toi, que tu ne sois pas obligé…, soupire Anna.

— Tu voudrais quoi ? la coupe Aylan, que je vous laisse vous débrouiller toutes seules, Louna et toi ?

— Non bien sûr, mais tu es si jeune et tu as déjà tellement de responsabilités… je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Sans l’argent que tu gagnes dans les courses, sans le travail que tu fournis, ce serait difficile de tenir le coup… Les travaux dans les champs sont vraiment sous-payés… et je me dis parfois que tu n’as jamais eu d’enfance, ajoute-t-elle en plongeant sa main dans l’épaisse chevelure blond doré de son fils.

— Tu en connais beaucoup des gars de mon âge, ici, qui peuvent se vanter d’avoir eu une enfance ? En plus, je suis heureux maman de m’occuper de vous deux, alors cesse de te tracasser avec ça. On va aussi pouvoir acheter des médicaments pour Louna. Comment elle allait ce soir ?

— Excitée mais fatiguée, toujours si fatiguée. J’ai l’impression qu’elle a encore maigri et elle s’épuise de plus en plus vite. Les potions que lui donnent les soigneurs ne sont pas vraiment efficaces. En réalité, je pense qu’ils ne savent même pas ce qu’elle a, conclut-elle avec un soupir de découragement.

Chaque fois qu’il regardait la peau si fine et si pâle du petit visage de Louna, une peur insidieuse s’emparait de lui sans crier gare et il savait que sa mère partageait la même terreur silencieuse. Même si elle ne se plaignait jamais et affichait une constante bonne humeur, ils voyaient la petite fille s’affaiblir de jour en jour.

— Avec l’argent que j’ai gagné, on va aller voir de vrais médecins. Ils sauront, eux.

— Non, c’est trop risqué, les routes sont dangereuses en ce moment. Il y a de plus en plus d’attaques dès qu’on sort du périmètre. Les gens ont faim, ils sont prêts à tout.

— J’en parlerai à Oren, on pourrait peut-être se glisser dans un convoi. Comme ça on sera protégé.

Aylan pose sa tasse et dit :

— Bon, je dois aller prendre mon tour de garde. J’ai déposé des bidons d’eau à l’intérieur, tu n’auras pas besoin de ressortir.

Avant qu’il se lève, elle prend sa main dans la sienne et la porte à ses lèvres.

— Tu es le meilleur fils dont on puisse rêver. Ton père serait si fier de toi.

Il regarde la femme qui lui fait face. Dans sa longue tunique blanche, malgré ses traits tirés, elle a l’air encore très jeune. Ses deux enfants ont hérité de son épaisse chevelure blonde et de ses yeux bleus. Et c’est d’elle également qu’ils tiennent leur beauté solaire.

— Et moi, je suis très fier d’être ton fils. Verrouille la porte dès que je serai parti. La bourse que j’ai gagnée pourrait attirer des convoitises.

Quelques minutes plus tard, il traverse en compagnie de Joao les rues en terre rouge bordées de petites maisons blanches frileusement serrées les unes contre les autres. Certains murs usés et maintes fois réparés sont ornés de coquillages incrustés dans la chaux. Quelques poules noires errent en liberté. Plusieurs villageois sont assis sur des bancs à l’extérieur pour profiter un peu de la fraîcheur du soir. Des hommes âgés jouent aux dés, des mères bavardent tout en surveillant des enfants qui s’amusent avec de petites figurines grossièrement tailladées dans du bois. Une frêle jeune femme assise sur un banc allaite son bébé. L’homme au visage basané qui se tient à côté d’elle sur le pas de la porte interpelle les deux adolescents :

— Sacrée course, les gars !

— Comme tu dis, répond Joao, mais je crois que tu t’es davantage appliqué en fabriquant la planche d’Aylan que la mienne !

— Écoutez-moi ce blanc-bec, dit l’homme en riant, ça va être la faute de ma planche ! Toutes mes planches sont excellentes, y a que les qualités des coureurs qui diffèrent, ajoute-t-il en lançant un clin d’œil à Aylan.

Ils plaisantent encore quelques minutes puis les garçons se dirigent vers les ocres collines rocailleuses qui se dressent à la périphérie du village. Ils s’attardent quelques instants près des enfants qui jouent à la balançoire sur un siège en plastique attaché par deux cordes à la branche d’un arbre. Encore un de ces objets que les vagues ramenaient régulièrement sur la plage. Quand ils venaient s’échouer ainsi, ils étaient généralement récupérés, puis commençait pour eux une nouvelle vie sur l’île, certainement très différente de leur utilisation précédente. Si personne n’en voulait, les villageois les entassaient et les soudaient de manière à construire une sorte de mur d’enceinte autour du village. En les agglomérant avec de la résine et de la colle d’algue, ils servaient également d’embarcations. Arrivés près des jardins potagers, les deux adolescents prennent la relève de deux hommes plus âgés qui leur tendent aussitôt leurs fusils, avec un visible soulagement.

— Bon courage les gars, on n’est pas mécontents de vous céder la place. Eh, il paraît que vous avez été de vrais champions cet après-midi. Dommage qu’on ait raté ça ! Allez, ouvrez l’œil quand même.

Ils s’installent sur une butte, en surplomb des cratères creusés dans la terre volcanique. Technique séculaire qui permet de retenir l’eau le mieux possible. Au centre de chacun d’eux, on devine les plantations aux petites taches vertes qui constellent la noirceur de la terre.

Joao se met à rire.

— Regarde les deux héros du jour en train de veiller sur des carottes et des navets ! Ça sent bon l’aventure, non ?

— N’empêche qu’on sera bien contents de les manger cet hiver, réplique Aylan. Alors tais-toi et surveille les carottes. S’agirait pas qu’il y en ait une qui te file sous le nez !

Pendant quelques instants, seul le bruit des vagues qui s’échouent sur le rivage trouble le silence nocturne. Puis Joao reprend la parole :

— C’était une belle course cet après-midi, la plus belle qu’on ait faite. Tu sais, j’ai même cru que j’allais gagner, pour une fois ! Je croyais que tu n’avais plus d’énergie, mais t’es plus malin que ça ! J’aurais dû m’en douter. Tu vois, la vie ça devrait toujours être ça : glisser sur l’eau le plus vite possible. Il n’y a que là que j’ai l’impression d’être vraiment vivant. Et libre ! Le reste du temps, c’est de la survie.

Aylan comprend parfaitement ce que veut dire son ami. Il a éprouvé exactement la même sensation quelques heures plus tôt. C’est ce qu’il aime chez Joao : depuis qu’ils sont enfants, ils sont si proches qu’ils ressentent souvent les mêmes choses et se comprennent parfaitement sans avoir besoin de passer par les mots. Opposés par leur physique, mais jumeaux de cœur. Indissociables comme le jour et la nuit, comme aimait à le dire sa mère lorsqu’ils étaient enfants. Au moment où il s’apprête à répondre, ils entendent un bruit de branches écrasées. Ils saisissent aussitôt leurs fusils puis restent parfaitement immobiles, à l’affût d’un nouveau mouvement suspect. C’est finalement la silhouette efflanquée d’un animal tenant à la fois du loup et du chien qu’ils voient approcher.

— Jasper, espèce de bon à rien, qu’est-ce que tu fais ici ? dit Joao sur un ton de reproche. T’étais censé garder la maison.

— Laisse-le, il va nous aider à monter la garde ! Pas vrai Jasper ? dit Aylan en caressant le chien qui vient immédiatement poser sa maigre tête sur son genou.

— Ben voyons, j’ai fait une super affaire le jour où je l’ai récupéré, celui-là. Je voulais un chien de garde, une bête féroce et voilà, remarque Joao avec un air dégoûté en regardant Jasper qui s’est finalement installé sur le dos pour se faire gratter le ventre par Aylan.

Jasper redresse brusquement la tête. Une silhouette approche. L’homme porte une tunique sombre sur un large pantalon de toile. Ils reconnaissent Oren qui a emprisonné sa chevelure sombre dans une longue queue-de-cheval retenue par un catogan.

— Rien à signaler, les garçons ? Je fais le tour de tous les postes de garde.

— Non, on vient d’arriver, mais apparemment la journée a été calme.

— J’ai peur que ça ne dure pas. On signale de plus en plus de mouvements vers le sud. Les villages moins excentrés que nous se sont déjà fait attaquer à plusieurs reprises.

— Pourquoi maintenant ? Ça fait quelques mois que c’est plutôt calme.

— La sécheresse. Les gens n’ont plus de quoi se nourrir, il y a des mouvements de population vers les coins qui ont encore un peu d’eau. Dites-vous que comparé à d’autres endroits, on vit finalement plutôt bien, ici.

Devant l’air sceptique des garçons, il ajoute :

— En tout cas, on mange à notre faim et on a une source. Ça vaut peut-être pas la vie dans la zone protégée, mais c’est déjà un luxe d’avoir de l’eau. Ce n’est pas le cas partout. À mon avis on ne va pas tarder à voir du monde arriver, c’est l’affaire de quelques jours, quelques semaines tout au plus. J’ai renforcé les équipes autour de la source.

— Et on va faire quoi quand ils vont débarquer ? interroge Joao en le fixant de ses yeux sombres.

— On avisera le moment venu. Ça dépendra de leur nombre et de leurs intentions. S’ils sont pacifiques, on essaiera de les aider, mais il faut se préparer au pire. Ils peuvent aussi nous attaquer. J’ai envoyé des hommes dans les villages voisins, ce serait mieux si on arrivait à s’organiser tous ensemble. De toute façon, on n’a pas assez de ressources pour nourrir des dizaines de personnes supplémentaires… Soyez vigilants : ce n’est pas parce que tout a l’air calme qu’il n’y a pas de danger.

Alors qu’il s’éloigne, il se tourne une dernière fois pour dire d’un ton plus léger :

— Au fait Aylan, encore bravo, magnifique course, tu as la trempe des champions. Et toi Joao, ne désespère pas, un jour tu le battras !

Il leur adresse un petit signe avant de se fondre dans la nuit.

— Tu vois, reprend Joao, tout ça me semble irréel, on est là à garder trois carottes et deux navets et peut-être qu’un jour on devra tirer sur des gens. Tu crois que tu pourras, toi ?

— Je pense que je pourrai si c’est pour nous défendre, on n’aura peut-être pas le choix, répond Aylan.

Pendant qu’il parle, il voit la frimousse pâle de Louna et le visage fatigué de sa mère. Oui, il pourrait tuer pour les défendre. Il n’en doute pas un seul instant. Perdu lui aussi dans ses pensées, Joao contemple l’océan.

— Tu crois que c’est mieux « là-bas » ?

— Là-bas ?

— Dans la zone protégée, je veux dire. Tu te souviens quand celui qui n’avait plus de bracelet avait échoué ici et qu’il avait raconté sa vie là-bas, ben ça fait quand même envie…

— Envie ? Envie d’avoir un bracelet incrusté dans le poignet avec des récompenses à la clé chaque fois que t’es bien sage ? Et des punitions si t’es pas conforme ? Et on te jette dehors quand on en a marre de toi ? T’as vraiment envie de ça ? D’être un toutou bien dressé qui fait le beau pour avoir des récompenses ? Ici au moins on est libres de faire ce qu’on veut !

Joao secoue la tête :

— Franchement, je n’en suis pas si sûr. Notre liberté, quand tu y réfléchis, elle ne nous sert pas à grand-chose. On est coincé sur cette île pleine de cailloux rouges et noirs et on a peur de se faire piquer nos légumes ! Et d’après Oren, ça va faire qu’empirer !

— Quand j’étais petit, enchaîne Aylan en fixant son ami, ma mère me contait souvent un vieux poème : c’était l’histoire d’un loup et d’un chien. Le loup était jaloux du chien, il voulait la même vie que lui, mais quand il a vu sur son cou la trace de son collier, à tout prendre, il a préféré sa liberté.

— Pas sympa pour les chiens, ton histoire ! Pas vrai Jasper ? dit Joao en caressant doucement la tête de l’animal. Regarde mon chien, ce n’est pas un esclave. Il est heureux, c’est lui qui m’a choisi.

— Ton chien n’a pas de collier, remarque Aylan.

— Un point pour toi, mon frère ! concède Joao. Le bracelet, c’est vrai, ce n’est peut-être pas terrible, mais quand même, quand il parlait du coin d’où il venait… Bon, peut-être que je suis naïf, mais moi ça m’a fait rêver. Je me rappelle encore ses paroles : des îles jardins comme des fleurs posées sur l’eau, des maisons flottantes aux courbes douces, moitié sur l’eau moitié sous l’eau, avec de l’énergie en permanence. Et puis les arbres lumineux, les fleurs aux formes bizarres… J’aimerais quand même voir ça de mes propres yeux, c’est comme ça que j’imagine… le paradis.

— T’es qu’un poète et un rêveur, se moque Aylan. Et de toute façon, ton paradis est entouré d’une barrière infranchissable. Je te rappelle que c’est plus facile d’en sortir que d’y entrer !

Mais Joao ne l’écoute plus, il contemple pensivement la sombre étendue d’eau qu’il a sous les yeux sans réellement la voir. Son esprit, emporté par les vagues de son imagination, surfe au loin, très loin dans l’océan… Là-bas, quelque part, beaucoup trop loin pour être visible, aux confins du rêve et de la réalité, il y a Eden Island, ce lieu magique où tout semble possible.

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