«La pauvreté et la précarité ne cessent de s’accentuer à l’extérieur de l’archipel. En raison de la pénurie des ressources, les mouvements de populations dans l’espoir d’une vie meilleure se sont nettement intensifiés. Or, nous n’avons d’autre choix que de tout mettre en œuvre pour dissuader les sans bracelet de s’approcher d’Eden Island, et ce, afin de préserver l’équilibre et l’unité de la communauté. Il est cependant à noter que les conditions de vie précaires favorisent parfois l’émergence de certains talents et compétences susceptibles d’être exploités au sein de la communauté. C’est pourquoi l’internalisation choisie peut devenir une option envisageable dans un nombre très restreint de cas.»Extrait du journal de Jonas SamsonLe regard sombre et la mâchoire serrée, Aylan fait face au petit homme bedonnant qui se tient devant lui.—Je veux que vous me disiez ce qu’elle a.Aylan a beau tenter de maîtriser l’agressivité de
«Eden Island est une utopie devenue réalité. Le plein épanouissement de chacun des membres de la communauté et ce, quel que soit son numéro de famille, est au cœur des préoccupations des dirigeants.»Extrait du journal de Jonas Samson—Je crois que j’ai trouvé ce que je veux faire plus tard pour contribuer au bien-être de la communauté, déclare Shani.—Mon petit doigt me dit que ça va être une activité très superficielle, rétorque Analia en riant.—Détrompe-toi, je compte devenir une scientifique de haut niveau.—Vraiment? s’étonne son amie en lui jetant un regard perplexe.Parmi toutes les fonctions que Shani aurait pu exercer, scientifique n’est pas la première option qui venait spontanément à l’idée d’Analia.—Oui, vraiment, parce qu’à mon avis il faudra que j’aie un sacré niveau si je veux être un jour capable à mon tour de créer de telles merveilles!—
«Si un élément particulièrement remarquable est détecté, une internalisation peut être envisagée, à condition que le sujet vienne seul et qu’il accepte sans aucune réserve toutes les règles de la communauté.»Extrait du journal de Jonas Samson—Tu devrais quand même prendre le temps d’y réfléchir, conseille Oren d’une voix calme.—C’est tout réfléchi, pas un seul instant je ne pourrais imaginer partir sans Anna et Louna, répond fermement Aylan.—Je pourrai veiller sur elles, tu sais… et elles seraient à l’abri du besoin.L’homme et l’adolescent marchent sur la plage de sable noir. Ils aperçoivent au loin des pêcheurs en train de ravauder leurs filets qui les saluent de la main. Les derniers rayons du soleil couchant embrasent l’horizon, de telle sorte que l’océan tout entier semble ensanglanté. Depuis que le bruit de la proposition faite à Aylan s’est répandu dans le village, tout le monde semble avoir un a
«La passion et l’ambition des hommes ont conduit le monde au chaos. Il ne nous appartient pas de changer le passé, mais de construire l’avenir en formant des citoyens capables de maîtriser leurs pulsions destructrices. Toute notre entreprise doit tendre vers une même fin: la recherche de l’équilibre et de l’harmonie dans le respect de la planète qui nous héberge.»Extrait du journal de Jonas SamsonAnalia a toujours détesté être en retard. Contrairement à Shani, qui arrive généralement au centre de formation tout essoufflée après avoir couru pour être à l’heure, elle part à l’avance afin de savourer pleinement cette promenade matinale sur les ponts qui relaient les différents îlots. Elle ne prend l’hydrobulle collectif que quand les conditions météorologiques sont trop mauvaises, ce qui n’arrive quasiment jamais. Ce matin, le soleil brille dans un ciel sans nuages et une légère brise allège l’atmosphère. En se penchant un peu, elle aperçoi
«La communauté est semblable à un organisme vivant. L’introduction de tout élément extérieur fera l’objet d’un processus spécifique afin de vérifier qu’il est pleinement assimilable et ne présente aucun danger.»Extrait du journal de Jonas Samson—C’est beau! regarde maman comme c’est beau l’océan vu d’en haut! J’ai l’impression d’être un oiseau. Oh, il y a d’autres îles toutes noires! Si on ne volait pas si haut, je pourrais même voir les gens.Debout contre la baie vitrée du solavion, Louna contemple le paysage d’un air extasié, sans cesser un instant de babiller. Son excitation contraste avec l’attitude silencieuse des autres passagers: Aylan est assis à côté de sa mère et, sur les sièges leur faisant face, sont installés Naom ainsi que les deux hommes qui l’avaient accompagné la première fois. Quand ils ont pénétré à l’intérieur de l’appareil, l’homme avec la petite cicatrice sur le front leur a expliqué
«Les règles de la communauté sont édictées par le comité des Dix, regroupement de sages qui n’ont d’autre motivation que le bien commun. Chaque membre, en les respectant strictement, trouvera son propre épanouissement dans la recherche de l’intérêt général.»Extrait du journal de Jonas SamsonUne grande effervescence règne sur l’île principale. Perdues au milieu de la foule, Analia et Shani attendent leur tour pour entrer dans le bâtiment central. Celui-ci a pour l’occasion la forme d’une immense soucoupe renversée et ses dimensions ont été recalculées afin de pouvoir accueillir tous les spectateurs. Les hôtesses virtuelles ne cessent de flotter dans tous les sens afin d’installer les participants en un minimum de temps. L’une d’elles s’approche enfin des deux adolescentes et les fait pénétrer à l’intérieur. Des rangées de gradins entourent une scène géante de forme cylindrique qui occupe le centre du bâtiment: Analia scanne son bracelet e
«Ils avaient fait de la Terre une immense décharge. C’est en recyclant des déchets du passé que nous avons construit le paradis.»Extrait du journal de Jonas SamsonInstallé pour la toute première fois dans l’hydrobulle collectif, Aylan observe d’un œil intrigué les voyageurs assis autour de lui. Il y a des personnes d’âges et de sexes différents. On lui a expliqué que la forme et la couleur des vêtements variaient selon la fonction ou l’âge de ceux qui les portent. Mais ce qui le frappe particulièrement, c’est cette sorte d’uniformité parmi les habitants. Non qu’ils se ressemblent tous, mais ils manquent cruellement de relief. Tous semblent lisses et polis aussi bien physiquement que moralement. Des fruits parfaits poussés sur un même arbre! Pas de cris, de jurons, pas de barbes de trois jours, de traits tirés, de cheveux mal coiffés, de vêtements froissés ou abîmés. Personne de gros ou de trop petit. Aucun n’est laid, balafré ou un peu a
«Le fait de remplacer les noms de famille par des numéros permet une meilleure hiérarchisation des strates de la communauté, d’autant plus que ces numéros sont susceptibles d’évoluer à chaque session d’évaluation en fonction des données récoltées.»Extrait du journal de Jonas Samson—Il est tout bonnement…Shani observe avec la plus grande attention Aylan qui parle avec un M. Chuan visiblement plus intéressé par cette nouvelle recrue que par ses élèves habituels.—Je cherche l’adjectif adéquat. Fascinant? Un peu exagéré quand même mais pas loin. Séduisant? C’est trop banal. Pas assez fort! Tu dirais quoi, toi?—Barbare? propose Analia dont la mauvaise humeur est encore amplifiée par l’enthousiasme de Shani.—Hum, si tu appelles barbare ce petit côté sauvage qu’il arrive à conserver malgré cette affreuse combinaison grise dont ils l’ont affublé, je suis preneuse&nbs